Monsieur le Président du Parlement européen, Cher Antonio TAJANI,
Honorables Députés européens,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais tout d’abord vous remercier pour l’occasion que vous me donnez de
prendre la parole, ce matin, devant le Parlement européen, réuni en session plénière.
C’est un honneur et un privilège pour moi d’être ici car, en tant que représentants
élus de plus de 500 millions de citoyens européens, vous constituez, en raison de
votre diversité culturelle, de vos engagements politiques ainsi que de votre grande
expérience, un auditoire exceptionnel et prestigieux.
Je souhaiterais donc saisir cette opportunité pour aborder, avec vous, les grands
défis que l’Afrique doit relever au cours des prochaines décennies.
Je vous parlerai ensuite de mon pays, la Côte d`Ivoire, qui est engagée sur le
chemin de l’émergence.
Monsieur le Président,
Honorables Députés,
Le 25 mars 2017, l’Union européenne a célébré, dans la ville éternelle de Rome, le
soixantième anniversaire de la signature des traités de Rome. Ces traités ont tracé
les sillons d’une solidarité agissante entre des nations autrefois en guerre.
Les pères fondateurs du Traité de Rome ont eu l’idée ingénieuse de mettre
ensemble, les ressources et les intelligences au service de l’édification d’un espace de
paix, de sécurité et de prospérité partagée.
L’Europe constitue en cela une source d’inspiration pour le monde ; et plus
particulièrement pour le continent africain.
Au moment où l’on observe, hélas, un repli identitaire dans plusieurs régions du
monde, je suis convaincu que, ici dans cette noble assemblée, vous saurez puiser
en vous, l’énergie nécessaire à la poursuite de l’esprit de solidarité, d’ouverture et de
paix prôné par vos devanciers.
Cette conviction se fonde sur le fait que depuis sa création, l’Union européenne n’a
cessé de communiquer à l’humanité sa foi inébranlable en un monde de paix, de
stabilité et de progrès. Le prix Nobel de la paix, qui lui a été décerné en 2012, en est
une remarquable illustration.
Monsieur le Président,
Honorables Députés,
L’avenir de l’humanité dépendra des politiques, des actes et des programmes que
nous définirons ensemble, dans nos pays, nos continents et à l’échelle mondiale. En
d’autres termes, le monde deviendra ce que nous voulons qu’il soit.
A cet égard, je voudrais relever trois défis majeurs qui auront un impact important
sur l’avenir de notre planète et sur les relations entre l’Europe et l’Afrique. Il s’agit du
réchauffement climatique, des flux migratoires et de l’expansion démographique.
Monsieur le Président,
Honorables députés,
Le Premier défi concerne le réchauffement climatique.
Le 12 décembre 2015, les dirigeants du Monde se sont réunis à Paris pour adopter
un accord historique sur le Climat. Cet accord, qui a été ratifié par la très grande
majorité des Etats y compris la Côte d’Ivoire, constitue pour notre Planète, une
opportunité unique de contenir le réchauffement climatique dans des limites
raisonnables.
Aujourd’hui, plus que jamais, il est urgent de mettre en œuvre cet accord afin que
les effets néfastes du réchauffement climatique sur l’Homme et l’écosystème soient
maîtrisés.
A cet égard, l’Europe, comme cela a toujours été le cas lorsqu’il s’agit de grands
enjeux mondiaux, peut montrer la voie. L’Europe doit, en particulier, continuer à
mobiliser les opinions, les financements et les technologies indispensables à la
transition énergétique afin que l’Accord de Paris soit irréversible. Paris nous a donné
une opportunité historique, nous devons en faire une réalité.
Aujourd’hui au moment où je vous parle, des pluies diluviennes, conséquences des
perturbations climatiques, font des dégâts dans mon pays.
De même, de nombreuses régions en Afrique font face à des vagues de sécheresse
d’une ampleur inouïe, qui causent la mort et la désolation au sein de plusieurs
communautés et forcent des déplacements massifs de populations.
Honorables Députés,
Je voudrais donc vous encourager à continuer de faire du climat une priorité afin que
s’arrêtent les tragédies que nous observons de par le monde.
Il existe en effet plusieurs possibilités de continuer de tracer les chemins vers une
croissance verte, qui utilise peu de carbone.
Ces possibilités incluent une gestion rationnelle des ressources naturelles et des
écosystèmes, tout en tirant parti de leur valeur pour le développement économique.
Nous devons, ensemble, encourager la résilience au sein des communautés en
réduisant toutes les formes de discrimination, notamment celles à l’égard des
femmes.
Nous devons tous œuvrer à mettre en place des politiques de redistribution plus
équitable et plus efficace de la richesse.
Monsieur le Président,
Honorables Députés,
Le second défi auquel notre planète est confrontée est celui des flux migratoires non
régulés et de l’emploi des jeunes.
Lors du Sommet de La Valette sur la migration en novembre 2015, j’ai indiqué que
les évènements dramatiques qui causent la mort de milliers de personnes dans les
eaux de la Méditerranée et dans le Sahel appellent à davantage de solidarité et de
concertation entre l’Europe et l’Afrique.
Pour ce faire, nous devons agir dans la durée et sur l’ensemble des facteurs à
l’origine de cette situation. A cet égard, il est urgent de ramener la paix et la sécurité
dans la bande sahélo saharienne et d’encourager une solution politique consensuelle
au conflit en Lybie.
Toutefois, les conflits et la criminalité organisée n’expliquent pas à eux seuls les
mouvements migratoires constatés au cours de ces dernières années vers l’Europe. A
ces facteurs, il faut ajouter la pauvreté, le chômage et le déficit de démocratie dans
de nombreux pays.
C’est pourquoi, le lundi 12 juin 2017, lors de la Conférence G20-Partenariat avec
l’Afrique à Berlin, nous avons suggéré la mise en place d’un plan qui aurait pour
objectif de faciliter des investissements massifs en Afrique en vue de créer des
emplois, notamment pour les jeunes. Ceci contribuera à la réduction des flux
migratoires illégaux vers l’Europe
Nous avons cependant fait remarquer, que les mouvements migratoires intra
africains sont nettement supérieurs, en nombre, à ceux que l’on observe entre
l’Afrique et l’Europe.
A titre d’exemple, la Côte d’Ivoire accueille près de 5,5 millions de ressortissants
étrangers, pour une population totale d’environ 24 millions d’habitants, soit 26 %.
Les transferts de cette diaspora africaine vers leur pays d’origine représentent
chaque année près de 1% du PIB de la Côte d’Ivoire.
Mon pays continuera de faire preuve de solidarité envers toutes ces populations. Il
est donc important qu’il soit soutenu afin de continuer à créer des emplois lui
permettant de demeurer une terre d’accueil et d’hospitalité.
Monsieur le Président,
Honorables Députés,
Cette jeunesse qui est tentée par l’aventure européenne est souvent victime de
réseaux mafieux et d’organisations terroristes qui se nourrissent de leur vulnérabilité
et de leurs frustrations.
Nous devons donc agir envers ces jeunes, dans le respect de leur dignité. Nous
devons garder en mémoire l’Article premier de la Déclaration universelle des droits
de l’homme adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 10 décembre
1948, à Paris, au palais Chaillot, je cite : « Tous les êtres humains naissent libres et
égaux en dignité et en droit. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir
les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »
C’est dans cet état d’esprit d’ouverture à la coopération sur de nombreuses questions
d’intérêt mondial, que la Côte d’Ivoire exercera son mandat au sein du Conseil de
sécurité des Nations Unies, pour la période 2018-2019.
A cet effet, je remercie tous vos pays, pour le soutien massif qu’ils ont apporté à la
Côte d’Ivoire à l’occasion de son élection au Conseil de sécurité des Nations Unies.
Ce mandat sera placé sous le signe de la Paix que les ivoiriens ont érigée en seconde
religion.
Monsieur le Président,
Honorables Députés,
Le dernier défi que je voudrais évoquer est celui de l’expansion démographique.
Selon les projections de la Division de la population de l’ONU, la population mondiale,
qui est d’environ 7,4 milliards d’individus actuellement, dont 1,2 milliards d’africains,
dépasserait 10 milliards en 2056.
Dans cet ensemble, l’Afrique connaitra la croissance la plus forte et représentera
54% de la croissance démographique mondiale d’ici 2050.
Elle rattrapera la population des régions les plus développées telles que l’Amérique
du Nord et l’Europe.
Le Nigeria deviendra ainsi le 5ème pays le plus peuplé devant le Brésil, les États Unis, l’Indonésie et le Pakistan, alors que la République Démocratique du Congo et
l’Ethiopie remplaceront la Russie et le Mexique dans la liste des 10 pays les plus
peuplés au monde.
Cette forte croissance sera encore plus prononcée en ce qui concerne les populations
en âge de travailler. En effet, la population active en Afrique subsaharienne passera
de 518 millions aujourd’hui à 1,3 milliard en 2050.
Monsieur le Président,
Honorables Députés,
L’Afrique, berceau de l’humanité, continuera paradoxalement d’être la région la plus
jeune du monde jusqu’à la fin de ce siècle.
Ce constat interpelle tous les dirigeants africains mais aussi les dirigeants du monde
entier. En effet, la stabilité de l’Afrique, mais aussi celle du reste du monde,
dépendra de la manière dont sera traitée la question de la jeunesse au cours des
prochaines décennies.
La prise en compte de l’expansion démographique dans les programmes de
développement nécessitera de mettre un accent particulier sur le capital humain,
notamment l’éducation, la santé et la formation professionnelle.
Des investissements massifs devront par ailleurs être réalisés en matière
d’infrastructures, y compris les grands projets sous régionaux, les transports,
l’électricité, l’éducation et la santé.
Monsieur le Président,
Honorables Députés,
Je voudrais à présent vous parler des progrès accomplis par mon pays, la Côte
d’Ivoire, qui après plus d’une décennie de crise est aujourd’hui en Paix et a renoué
avec la croissance économique.
Ces progrès sont d’abord le résultat de la mobilisation et de la détermination des
Ivoiriens. Ils ont aussi été rendus possibles grâce à l’importante contribution
technique et financière de nos partenaires, dont l’Union Européenne, notamment
dans les domaines de la Gouvernance, de l’Agriculture et de l’Energie.
Je voudrais donc saisir cette opportunité pour saluer et remercier chaleureusement
l’Union Européenne pour son accompagnement et son soutien.
Monsieur le Président,
Honorables députés,
Le partenariat avec la Communauté Internationale et singulièrement l’Union
Européenne a permis à la Côte d’Ivoire de réaliser des performances
exceptionnelles :
Au cours des six dernières années, le taux de croissance moyen de l’économie a été
de 9% par an ; les projections pour la période 2017-2020 s’établissent à environ 7 à
8% par an ;
Le taux d’inflation a été contenu en dessous de 2 % grâce à l’arrimage sur l’euro ;
Le déficit budgétaire a été maitrisé à environ 3 % du PIB.
La Côte d’Ivoire demeure le premier producteur mondial de cacao et d’anacarde ;
Elle est le premier producteur africain d’huile de palme et de caoutchouc ;
La Côte d’Ivoire est l’un des Top réformateurs dans le classement « Doing Business »
de la Banque Mondiale ;
Dans le domaine de l’énergie, la Côte d’Ivoire est en voie de devenir un hub
énergétique en Afrique de l’Ouest, avec une capacité de 2000 MW en 2016 qui
passera à 4000 MW en 2020.
Aujourd’hui la Côte d’Ivoire dispose de l’un des réseaux d’infrastructure les plus
denses et les plus diversifiés en Afrique (routes, ports, Aéroport).
Enfin, la Côte d’Ivoire a fait des progrès notables dans le domaine de la réforme de
la sécurité y compris dans celui du Désarmement, la Démobilisation et la
réintégration des Ex-combattants (DDR), programme auquel l’Union Européenne a
contribué avec succès. Ces reformes vont se poursuivre et s’intensifier afin de doter
la Côte d’Ivoire de forces de défense et de sécurité qui pourront contribuer aux
opérations de maintien de la paix.
Monsieur le Président,
Honorables députés,
A quelques années de l’expiration, en 2020, de l’Accord de Partenariat de Cotonou
et au moment où nous devons réfléchir à un nouvel accord entre l’Afrique et
l’Europe, je voudrais suggérer quelques idées qui s’inspirent des relations
exemplaires que la Côte d’Ivoire a entretenues avec l’Union Européenne. Ces
relations doivent être franches, basées sur la confiance mutuelle et l’appropriation
nationale. Elles doivent faire appel à des instruments de financements flexibles et
tenir compte des mécanismes nationaux de gestion et de contrôle qui pourraient être
renforcés si cela est nécessaire. Evidemment nous aurons l’occasion d’aborder plus
en profondeur ces questions d’une grande importance pour mon pays.
Je voudrais, pour terminer, inviter tous les pays que vous représentez à prendre
part au prochain Sommet Afrique – Union Européenne qui se tiendra en novembre
prochain à Abidjan.
Cette importante rencontre, qui se déroulera dans la pure tradition d’hospitalité
ivoirienne, sera l’occasion d’évoquer la coopération internationale nécessaire pour
adresser les nouveaux défis auxquels l’humanité est confrontée, notamment les
questions liées au développement et à la jeunesse.
Je remercie à nouveau le Président Antonio TAJANI pour son aimable invitation et
vous remercie tous pour votre accueil chaleureux et pour votre aimable attention.
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