Examen du Rejet en première lecture, du dispositif de nouvelle loi sur la presse en Côte-d’Ivoire

En premier lieu, il convient d’examiner la constitutionnalité du projet de texte. Ensuite, il est NÉCESSAIRE de procéder à une relecture objective et rigoureuse de notre histoire pour permettre au droit, de prendre en compte les enseignements de notre crise. Une société qui perd sa mémoire s’expose à revivre les éditions antérieures de son expérience, faute d’avoir appris d’elle. Enfin, au plan philosophique et démocratique, se pose la réflexion sur le concept de liberté et sa consubstantialité avec la responsabilité, son corollaire. Faut-il interdire d’interdire au nom de la liberté, alors que toutes les lois comportent des interdictions acceptées, dans tous les domaines de l’activité humaine et de l’organisation harmonieuse des sociétés, comme un gage de paix, de sécurité et de liberté, dans l’interaction des pouvoirs, des citoyens, des agents socio-économiques et des sujets de droit ? Preuve qu’il existe une raison suffisamment forte pour poser des limites à la liberté, et introduire une notion de responsabilité, où chacun devient comptable de ses actes et de ses initiatives devant la Loi. Celle-ci est un régulateur de la société et la raison qui l’inspire s’appelle tout simplement l’intérêt général. La Côte d’Ivoire a t-elle intérêt aujourd’hui à avoir une presse responsable ?

Je souligne qu’une Loi n’est pas gravée dans du marbre, elle s’adapte aux contextes, et accompagne l’évolution des sociétés. Cette flexibilité s’oppose au dogmatisme de certains. La responsabilité ne se comprend pas seulement dans la perspective de la conséquence de nos actes sur autrui ou l’intérêt général, mais aussi, comme une présupposition, du pouvoir d’assumer celle-ci, parce qu’on aura mesurer l’étendue des conséquences de nos actes et que nous en avons une parfaite connaissance. La Presse peut-elle décemment refuser cet effort (formation, sensibilisation, prise de conscience, professionnalisation, respect des normes et règles déontologiques, responsabilité) ?

De ce point de vue, le nouveau dispositif encadrant la liberté de la presse en la responsabilisant plus que par le passé, n’est nullement attentatoire à la liberté. C’est précisément les leçons de ce passé qui constituent la source de sa principale motivation. La responsabilité dans une société qui sort de crise est une nécessité, pour consolider la paix. La Loi est le reflet de nos réalités, de notre culture et de notre histoire. Elle ne peut pas emprunter constamment à des contextes extérieurs, qui n’ont pas la même culture démocratique, le même degré de professionnalisme, la même maturité politique. Autrement dit, qui ne partagent pas les mêmes réalités et la même histoire. Les médias ont joué un rôle dans la crise, ils peuvent jouer un rôle pour la paix. Ils ont une responsabilité, qu’il leur appartient d’évaluer en toute connaissance de cause, comme il appartient à la société de poser des bornes pour se prémunir de « nos vieux démons ».

Dès lors, je soutiens ce projet de texte, car l’on ne saurait offrir à l’initiative des uns et des autres, une liberté indéterminée, sans limites et sans responsabilité. C’est un risque totalement déraisonnable et contre-productif pour le progrès de la démocratie, car il nous exposerait à toutes sortes de dérives qui servent davantage le chaos que la paix, l’harmonie et la sécurité dans une société. La complaisance ou l’air du temps ne devraient pas habiter nos représentants, qui doivent pas se laisser influencer par les cris d’orfraie de certains orphelins de la liberté. Oui et oui la presse doit être responsabilisée. Ce n’est pas une régression démocratique.

SOUMAREY Pierre

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