Côte d’Ivoire: Ouattara peut-il tenir le pari d’une guerre de reconquête de Bouaké ?

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Par Connectionivoirienne

Bouaké, une marche des populations violemment dispersée – Daloa, un médecin tué – corridor fermé à Abengourou…

Si le calme est apparent à Abidjan, la situation sécuritaire à l’intérieur du pays n’est guère rassurante, selon les nouvelles qui nous parviennent ce dimanche 14 mai 2017.
Des correspondants de presse sur place à Bouaké font savoir que la ville est totalement sous contrôle mutin et que contrairement aux rumeurs distillées, aucune riposte de soldats loyalistes n’a été effectuée dans aucun secteur de la ville. Les tirs entendus sont plutôt le fait des mutins qui font régner leur propre ordre. Ce matin, ils ont violemment dispersé une marche des populations orchestrée, selon nos informations, par un député du pouvoir, Béma Fofana. La situation reste tendue dans la ville et la circulation est considérablement réduite. Un habitant sur place craint une escalade de la violence si rien n’est fait dans les heures à venir pour ramener le calme. Selon lui, en raison du blocus, les vivres pourraient se faire rares et les pillages de magasins qui restent fermés, pourraient s’ajouter à la situation déjà délétère. Les autorités préfectorales, en tête, le secrétaire général 1 de la préfecture, (le préfet Aka Konin reste invisible depuis) semblent impuissantes et la peur commence à gagner les habitants. Les policiers, sans moyens d’intervention, auraient déserté les commissariats quand les gendarmes eux, restent dans leurs casernes.

À Daloa où les mutins règnent en maître et l’on signale la mort d’un médecin dont l’identité ne nous est pas encore révélée. Il a été abattu avec son chauffeur dans un braquage au PK 12 dans les environs du village de Zépréguhé. Les circonstances de ce braquage restent à élucider mais, selon les premières informations, ses auteurs seraient les nouveaux maîtres de la ville.
Loin de Daloa, à l’Est, Abengourou serait devenu un autre point névralgique avec la fermeture du corridor Sud de la ville, bloquant du coup la desserte des villes du Nord-est comme Agnibilékrou, Koun-Fao, Tanda et Bondoukou. Les tirs auraient cessé dans la capitale du Zanzan mais les mutins y restent les seuls maîtres.
Comme on le voit, ce qui se passe loin d’Abidjan est suffisamment préoccupant et inquiétant pour la stabilité du pays. Cependant, la communication officielle ambiante fait passer l’image d’une situation sous contrôle après que le chef d’état-major général des armées a menacé de représailles ceux qui contreviendraient à la discipline militaire. C’était vendredi et depuis, plus rien. C’est dans ce contexte que des partisans du pouvoir ont appelé à un rassemblement samedi devant la mairie d’Adjamé. Le secrétaire général par intérim du Rdr, Amadou Soumahoro qui avait le soutien de Maurice Kakou Guikahué du Pdci, y a tenu un discours aux accents divisionnistes en parlant en langue malinké devant un auditoire censé être multiethnique.
Dans ce même conteste d’hésitation, les sécurocrates du pouvoir seraient au laboratoire pour une stratégie de riposte. Le ministre en charge de la Défense, Alain Richard Donwahi a exclu toute négociation, arguant qu’il n’y avait plus rien à négocier et laissant planer l’hypothèse d’une riposte armée. Cette option est, cependant, contrariée par l’allié Pdci qui prône plutôt des négociations sans violence.

Mais comment espérer un retour au calme rapide quand le chef de l’Etat n’est pas prêt de revenir sur son discours tenu devant les « jeunes » soldats jeudi dernier après qu’ils ont renoncé ( ?) à leurs revendications financières ? Ce serait se dédire et se faire hara-kiri.

Mais en l’état actuel des choses où plusieurs villes sont sous le contrôle des mutins et où la confusion-suspicion règne comment la solution d’une guerre de reconquête des territoires occupés pourrait-elle prospérer. Pour le faire, il faudrait s’assurer le soutien de la population dans un pays où la réconciliation était déjà en panne. Trop de dissensions existent entre les populations, trop de comptes restent à solder entre le pouvoir et ses opposants.

Au plan purement militaire, si la stratégie de reconquête est échafaudée, comment limiter les dégâts collatéraux face à des mutins déterminés à mener un combat de vie ou de mort ? Il y a là un risque de déflagration généralisée dont Ouattara porterait l’entière responsabilité. Il avait le choix entre la solution précipitée de janvier face à la première mutinerie de l’année et un règlement plus serein, prenant en compte tous les contours (politique, économique, financier, social voire moral) de la question des primes.

La solution actuelle ne saurait être dans la guerre. Les Ivoiriens en portent encore des souvenirs douloureux et indélébiles. Il faut absolument faire l’économie d’une guerre et envisager les bonnes solutions de compromis dynamique. Ces jeunes en action actuellement ont été nourris à la sève de la violence et les simples menaces ne sauraient les faire reculer. Il y a entre le chef de l’Etat et ses bébés gâtés une relation socioaffective, une relation de nombrilisme. Il doit trouver les bons mots pour les apaiser. Par exemple, payer ce qu’il a promis ne serait-ce qu’en renégociant les termes de l’échéance et le montant alloué en fonction de la situation économique. Toute autre solution militaire ferait inutilement sombrer le pays dans un chao.

SD à Abidjan
sdebailly@yahoo.fr

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