Par Connectionivoirienne
Douleur, émotion et regrets à l’aéroport: Témoignages sur la cruauté et le calvaire des subsahariens en Libye post-Kadhafi
151 migrants qui ont quitté leur pays de naissance dans le secret espoir de franchir la mer méditerranée pour se retrouver en Europe, sont de retour à la case départ. Grâce à l’organisation internationale pour les migrations (Oim) et aux efforts conjugués du gouvernement ivoirien à travers le ministère de l’Intégration africaine et des Ivoiriens de l’extérieur, ils décident, volontairement pour certains et par contrainte pour les autres de mettre fin à leur calvaire en territoire libyen.
Mardi, au pavillon Djeddah de l’aéroport international Houphouët-Boigny de Port-Bouët, ils sont arrivés sous le coup de 17 h GMT. Les visages pâles, des larmes aux yeux, les uns amaigris, les autres présentant des signes de maltraitance avec jambes cassée. Il n’y a pas plus pour rendre compte des conditions inhumaines qui étaient les leurs dans ce pays aux mains des milices où l’Etat a foutu le camp.
Ils devaient être 180 mais 151 ont pu embarquer par le vol spécial qui les a ramené au pays. Les agents de la direction des Ivoiriens de l’extérieur, le Dg Issiaka Konaté en tête, étaient là pour les accueillir et les enregistrer avant qu’ils ne regagnent leurs familles. L’Oim aussi, fortement représentée. Cette organisation, en plus de la prise en charge totale des frais du voyage retour, a pu fournir à chacun un kit alimentaire et un pécule de 100 euros (65.500 FCFA), juste pour rentrer en famille. Une somme largement dérisoire comparée à celle que les uns et les autres ont pu investir dans ce voyage périlleux (souvent plusieurs millions de FCFA, selon les témoignages), mais bonne à prendre.
Au nombre des arrivants, figuraient quatre mineurs dont les parents étaient présents à l’aéroport.
Selon le DG des Ivoiriens de l’extérieur, Issiaka Konaté qui était au four et au moulin hier à l’aéroport, ces retours au pays sont d’abord volontaires. Il assure que l’enregistrement des arrivants permet de les suivre. Il ajoute qu’ils ont les mêmes droits que l’Ivoirien lambda pour dire qu’ils ne sont en rien des privilégiés.
Les témoignages recueillis sur place, sont quant à eux pathétiques et devraient décourager tout candidat au voyage dans les mêmes conditions. Voici ce que dit Yéo Kolo, parti de San Pedro jusqu’à la frontière algérienne avant de gagner la Libye plus tard :
« Le 14 janvier 2017, des libyens (armés) ont attaqué notre foyer. Ils ont tué des gens parmi nous et blessé d’autres. J’ai quitté la Côte d’Ivoire parce que je n’ai pas un métier. Et quand je regarde, je vois que dans ces conditions, je n’ai pas d’avenir ici. Donc j’ai essayé d’aller en Europe. J’étais bloqué en Libye où j’ai passé un an parce que mes économies étaient finies. J’appelais mes parents ici pour qu’ils m’aident. Ils m’ont dit de patienter jusqu’à ce 14 janvier (tragique). Je suis content de rentrer au pays mais je ne suis pas totalement content parce que je suis ruiné. Cependant je ne rêve plus de retourner en Libye. Je conseille à mes frères ivoiriens de ne pas essayer. Dans les pays magrébins, ce n’est pas facile. Il y a le racisme. J’ai fait l’Algérie, j’ai fait la Libye et j’ai vécu cela de moi-même. Ils sont racistes ! »
Yéo Kolo a dépensé au total, non compris les dépenses de nourriture, un million deux cent mille FCFA pour ce voyage depuis San Pedro jusqu’à Gao au Mali où il traverse le désert en subissant les tracasseries des passeurs. Une fois en Algérie, il fait de petits métiers d’aide maçon et autres avant d’aller en Libye.
Revenue avec son garçon de 4 ans, Soumahoro Fatoumata a vécu une autre expérience. Elle a un pincement au cœur car une partie d’elle reste en Libye. Lisons son témoignage : « Avant de venir, j’ai cherché partout mon mari et mon petit frère. Je ne les ai pas vus. Peut-être qu’ils sont morts, je n’en sais rien. Moi-même j’ai été arrêtée et emprisonnée par des hommes en armes. Les libyens ne sont pas bons, ils ne nous considèrent pas. Ils ont tué beaucoup d’entre nous. Beaucoup d’Ivoiriens sont emprisonnés là-bas. J’ai passé trois mois en prison avec mon enfant et c’est de la prison que je suis venue ici. »
Fatoumata explique que c’est sur invitation de son mari qui y travaillait depuis 7 mois, qu’elle s’est rendue en Libye en compagnie de son petit frère. Elle ajoute qu’un jour, leur maison a été attaquée par des libyens et la famille s’est dispersée. Depuis lors son mari et son petit frère n’ont plus fait signe de vie. Elle en est bouleversée, amèrement. « Si j’ai de l’argent je vais faire du commerce ici mais je veux voir mon mari, je veux voir mon petit frère », termine-t-elle, écrasant une larme.
SD à Abidjan
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