CPI Côte-d’Ivoire: Le Général Kassaraté ne reconnait pas sa signature, “le juge le menace”

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Le General Kassaraté était ce jeudi à sa première véritable journée complète d’audience à la CPI. Les commentaires sont nombreux.

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Haut-gradé du système Gbagbo pendant la crise, Kassaraté se montre peu bavard

Ivoire Justice
Par Anne Leray

Après la déposition de l’ancien directeur général de la police ivoirienne en février, c’est l’ex-commandant de la gendarmerie nationale qui répond désormais aux questions de l’accusation dans l’affaire Gbagbo – Blé Goudé. L’appareil de gendarmerie ivoirien a été passé à la loupe aujourd’hui.

« C’est un témoin-clé, il sait tout ce qui s’est passé ». Dans la galerie publique qui surplombe le prétoire, une dame venue soutenir celui qu’elle appelle « notre Président », à savoir Laurent Gbagbo, attend beaucoup de la déposition d’Edouard Tiapé Kassaraté pour comprendre ce qui s’est passé durant la crise électorale. Et elle n’est pas la seule.

Kassaraté un témoin de l’intérieur

En tant que commandant de la gendarmerie ivoirienne au moment des faits, Kassaraté est un témoin de l’intérieur. Le fait qu’il ait longtemps officié aux côtés de l’ancien chef de l’Etat l’a placé au premier poste des événements. « Chaque fois que le Président de la république se déplaçait, le directeur de la police, le chef d’Etat-major et moi-même étions dans la délégation », a-t-il exprimé cet après-midi.

Pourtant cette journée de déposition, avant tout consacrée à l’examen de la gendarmerie, n’a pas apporté de révélations. Il était pourtant question d’établir la chaîne de commandement, et ce faisant les responsabilités des protagonistes impliqués dans l’affaire.

Comme cela avait été fait avec l’ex-patron de la police ivoirienne, le représentant du procureur Alexis Demirdjian a cherché à établir la typologie de la gendarmerie. Une structure qui comptait 17 000 hommes en octobre 2010 a renseigné le témoin, la décrivant comme « une photocopie de la gendarmerie française ». Il a aussi précisé en fin de journée que l’armée, la police et la gendarmerie étaient alors en sous-effectif.

Avec pour tutelle le ministère de la Défense, à qui Tiapé Kassaraté fait alors remonter les informations du terrain, la gendarmerie reçoit des instructions du chef de l’Etat-major, à savoir Philippe Mangou. « En cas de crise ou d’événements graves, l’Etat-major est responsable de la planification des opérations et nous exécutons ses ordres ». Au sommet de la pyramide, le Président Gbagbo « qui dirige et coordonne la politique de la défense », est informé des événements « par le général Tivoli, son chef d’Etat-major particulier ».

« Un match de foot pour ramener la paix »

Les forces de gendarmerie, situées devant la police et derrière l’armée par ordre de puissance, ont été passées au peigne fin : missions, hiérarchie, liens avec les services des Forces de défense et de sécurité, organigramme, modes de communication ou encore réseau disciplinaire. « La discipline est la force de l’armée et tout chef a l’impérieuse nécessité de la faire respecter en restant conforme à la loi », a indiqué Kassaraté.

Il a ensuite explicité le pouvoir d’enquête de la gendarmerie, à propos « de violations commises par tous les citoyens militaires ou civils », et donc par les FDS. Quand Alexis Demirdjian lui a demandé s’il avait été informé d’infractions commises au sein de la gendarmerie, Kassaraté a retourné la situation, évoquant vaguement des affrontements à Yopougon. « Des individus armés non identifiés ont pris à partie des gendarmes et des militaires qui ont riposté, et il y a eu mort d’hommes ».

La police se serait alors chargée d’une enquête dont il dit n’avoir jamais eu les résultats. Il évoquera ensuite une attaque de gendarmes par des militaires qui voulaient leurs armes. « J’ai dû organiser un match de foot pour ramener la paix ».

Les documents de l’accusation font des vagues

Ce qui a fait le plus de vagues dans le prétoire aujourd’hui, ce sont les documents soumis à l’ex-patron de la gendarmerie par l’accusation, et cela a donné lieu à bien des flous artistiques. Face à ces documents, le témoin a diversifié ses réponses : « je ne m’en souviens pas », « je ne le reconnais pas », « je pense que c’est un faux » ou encore « je ne nie pas le contenu mais je ne reconnais pas ma signature », la jugeant « incomplète », « pas conforme à la mienne », « imitée », « pas entièrement retranscrite ».

De son côté, la défense a souvent interrompu l’interrogatoire de l’accusation pour contester la façon de questionner le témoin sur ces documents. « Il faudrait d’abord les authentifier avant de poser des questions de fond », a regretté Me Gbougnon.

Enfin, le juge-président tapotant nerveusement sur la table, a formulé à haute voix une pensée le tenaillant apparemment depuis longtemps : « Nous travaillons toujours avec des photocopies, je ne comprends pas pourquoi le bureau du procureur ne garde pas les originaux en laissant les photocopies aux sources. Cela empêche de faire des examens techniques. » Il a ainsi demandé au haut-gradé d’apposer sa signature une fois pour toutes sur une feuille blanche pour comparaisons ultérieures.

Témoin charismatique, le très diplômé Tiapé Kassaraté a répondu avec précision aux questions techniques mais s’est montré évasif face aux faits. Son comportement a d’ailleurs été évoqué en son absence, et à huis-clos, à la demande du juge Tarfusser qui lui a lancé en fin de journée : « Je vous rappelle que vous êtes là pour dire la vérité. »

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