Par André Silver Konan – andresilverkonan.com
L’affaire agro-business est une vraie bombe à retardement qui risque d’éclater si les autorités chargées du dossier continuent de le gérer tel qu’elles le font actuellement. Démontration.
D’abord la crédibilité. En donnant un chiffre précis de 36 699 souscripteurs à rembourser, les autorités semblaient sûres de leurs calculs. Personne ne donne un chiffre aussi précis, s’il n’est certain de son affaire. A cette occasion, personne n’a parlé de nombre de contrats, seulement du nombre de souscripteurs.
Depuis hier, nous apprenons qu’en fait, ce sont pas moins de 65 206 contrats qui ont fait l’objet d’enrôlement devant le Comité de veille. Notez avec moi que c’est un terme nouveau (encore une question de crédibilité). Jusque-là, tous les communiqués du Comité de veille parlaient de souscripteurs. Les communiqués sont encore disponibles sur Internet.
Et nous apprenons encore que le traitement des données est en cours, pour déterminer le nombre exact de souscripteurs. Lol. La question que je pose depuis toujours revient donc. Sur quelle base a-t-on conclu, en janvier, qu’il y avait 36 699 souscripteurs ?
Petite inquiétude de ma part. Avec quelles listes va-t-on faire les croisements ? Oui, puisqu’on apprend que les entreprises qui ont vu leurs comptes gélées ne collaborent pas. Et la preuve qu’elles ne collaborent pas réside dans l’appel même du Comité de veille.
En effet, il n’aurait pas eu besoin de demander aux souscripteurs d’aller se faire enrôler avec leurs contrats, s’il disposait de la liste fournie par les entreprises. Bref, quelque soit le croisement qui sera fait, il ne donnera pas le chiffre précis de 36 699 annoncé dès le départ. Discrédit.
Ensuite la date de payement. D’abord c’était avant la fin du mois de février. Hier, le Comité a assuré que ce serait fait à partir du 15 mars. Demain ce sera quelle autre date ? Discrédit encore.
Affaire agro-business: bombe sociale
Mais là n’est même pas le problème. La bombe à retardement se trouve dans la promesse de rembourseemnt du capital investi. S’il est convenu que les souscripteurs se contenteraient d’un tiens (leur capital), en lieu et place de deux tu l’auras (leur RSI), je ne suis pas sûr qu’un seul sera content qu’on lui rembourse en déça de son capital.
Or il est quasiment certain qu’ils n’auront même pas leur capital. Faisons un calcul simple. Il a été annoncé qu’il n’y avait que 22.7 milliards FCFA disponibles sur les comptes des entreprises mises en cause. Notez qu’ici aussi le chiffre était précis.
« Que dire de ces veuves qui ont utilisé le capital décès de leurs maris, en accord avec leurs enfants ? Des officiers et de hauts cadres qui ont préféré y mettre toute leur économie ? »
L’on annonce plus de 65 000 contrats. Notez que le recensement n’est pas terminé. De même, le minimum général investi par les souscripteurs était de 200 000 FCFA. Sur la base de mes propres calculs, je peux soutenir (ça n’engage que moi), que la moyenne dépasse largement 500 000 FCFA par individu. La preuve est que les autorités elles-mêmes ont annoncé que le capital investi s’élevait à 66 milliards FCFA.
Du coup, en estimant même que 15 000 contrats sont fictifs ou ne sont pas concernés, par l’enrôlement, on est à 50 000 contrats. Calcul simple. 22.7 milliards FCFA, à partager en 50 000 parts. Cela donne 454 000 FCFA. Lol ça craint ! Cela sous-entend qu’on est parti pour que les souscripteurs reçoivent le tiers de leur capital (22 milliards FCFA disponibles contre 66 milliards investis).
Le piège qu’il fallait éviter
On le voit, les gens se sont mis dans un piège duquel il leur sera difficile de sortir. Et c’est pour cette raison que je leur demandais gentiment depuis le début, de quitter dans cette affaire et de laisser « victimes » comme « bourreaux » régler leur contentieux, comme eux-mêmes le suggéraient.
Voyons, quel argument valable pourra-t-on avancer pour convaincre une personne qui a investi 1 million FCFA, qu’il ne peut toucher que 300 000 FCFA, alors qu’elle s’attendait déjà à percevoir 3 millions FCFA ?
Or, c’est vers cet arrangement qu’on se dirige. Pour comprendre le piège de la bombe à retardement, il faut chercher déjà à comprendre l’histoire personnelle des souscripteurs. Pour certains, ce sont de véritables drames.
De fait, certains ont pris des emprunts dans leurs banques. D’autres, gérant des fonds à leur disposition, dans leurs entreprises (privées comme publiques) ont puisé dans les caisses. Ils espéraient tous, que six mois plus tard, ils rembourseraient l’argent, ni vu ni connu et se taperaient en bonus, un bon bénéfice.
Drames personnels
Que dire de ces veuves qui ont utilisé le capital décès de leurs maris, en accord avec leurs enfants ? Des officiers (eh oui) et de hauts cadres qui ont préféré y mettre toute leur économie, souvent des millions, voire des dizaines de millions ?
Quid des chômeurs qui ont utilisé l’argent de leurs frères vivant en Europe, qui devraient servir à la création d’une entreprise familiale ? Il y a des gens gens qui ont vendu des biens, pour espérer les reprendre, après avoir touché leur retour sur investissement (RSI).
Quand vous prenez tout ce melting-pot de drames personnels et que vous mettez ensemble, ça fait un cocktail potentiellement explosif, avec lequel il ne fallait pas s’amuser. Cette affaire est mal gérée, je le répète. Et elle pourrait déboucher sur des conséquences imprévisibles. On a vu avec quelle détermination, les souscripteurs ont fait leur manifestation non loin de Sococé.
On peut déjà prédire que tout ce monde n’acceptera, pour rien au monde, de perdre dans cette affaire. Lorsque j’attirais l’attention des décideurs sur le fait qu’il fallait laisser les gens se gérer entre eux, j’ai été incompris. J’ai la conscience tranquille du leader d’opinion qui sonne l’alerte, une alerte précoce (mes premières propositions remontent à janvier).
Solution de sortie de crise
La meilleure chose qui était à faire, était d’interdire toute nouvelle sousciption, enjoindre les entreprises de payer les RSI promis et de leur mettre la pression pour être en règle vis-à-vis de nos textes communautaires. Dès que ce serait fait, il fallait prendre un texte pour réguler le secteur. Tuer le modèle économique était une erreur. Plus aucun dirigeant au monde ne fait ça.
Par exemple on pouvait fixer un nombre maximum de souscripteurs. Parce que plus les gens déposent leur argent, plus le risque de la chaîne de Ponzi est élevée. Et surtout faire respecter un cycle de payement précis.
En clair, prendre des souscripteurs par vagues. De sorte, que tant que le dernier souscripteur de la première vague n’a pas reçu son argent, il est interdit de prendre de nouvelles souscriptions dans une nouvelle vague.
Mais bon, toutes ces solutions réalistes existaient, on a préféré faire compliqué ce qui était simple. Comment sortir du bourbier ? Eh bien, la seule chose raisonnable qui soit est que l’Etat qui s’est invité dans une affaire sans le consentement de la principale « victime », devra mettre la main à la poche, pour combler le gap potentiel. Je ne vois pas une autre solution. Autrement… Qui vivra verra !
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