Côte-d’Ivoire: Venance Konan au secours du régime

blank

 

Venance Konan “Comment un pays se détruit tout seul”

Alassane Ouattara prit le contrôle de l’État à partir d’avril 2011, à l’issue de la guerre contre les forces loyales à M. Laurent Gbagbo. Bon nombre des jeunes gens qui manifestent ces temps-ci (…) ont joué un rôle magnifique dans cette histoire…

Éditorial : Comment un pays se détruit tout seul

Faudra-t-il donc que nous nous résolvions à voir, à intervalles réguliers, des groupes sociaux descendre dans les rues, et exiger avec les armes dont ils disposent, des augmentations de salaire ou des primes ? tout semble indiquer que nous sommes bien embarqués sur cette voie.

Et qu’espérons-nous obtenir au bout du compte ? La satisfaction de toutes nos revendications ? Mais non ! Nous obtiendrons seulement la destruction de notre pays, ni plus, ni moins. Et, à la clé, la perte de tous nos avantages. Rafraichissons la mémoire de nos jeunes frères qui usent en ce moment de leurs armes pour exercer un chantage sur le gouvernement.

En 1999, il y eut un coup d’état et des groupes de soldats utilisèrent leurs armes pour obtenir tout ce qu’ils voulaient. Ce fut le temps de la terreur. Dans le même temps, la Côte d’Ivoire qui connaissait déjà à cette époque une très forte croissance et prévoyait de réaliser de grands travaux afin d’améliorer le sort des populations, dut revoir toutes ses ambitions à la baisse, et abandonner même certaines réalisations. Il y a par exemple une route qui devait relier Daoukro à Apprompronou, entre Agnibilékrou et Abengourou, faisant gagner des dizaines de kilomètres et un temps très précieux aux voyageurs.

Cette route a été stoppée en 1999 et n’a jamais été achevée. A partir de cette irruption des militaires sur la scène politique, la vie ivoirienne a toujours été agitée, jusqu’en 2011. Il y eut 2000, avec l’élection présidentielle que quelqu’un qualifia de calamiteuse, 2001, avec les législatives dans le sang et ce qu’on appela le « complot de Mercédès noire », la rébellion de 2002, l’attaque de Bouaké de 2004 suivie de notre guerre avec la France, notre crise post-électorale avec ses milliers de morts, et ainsi de suite, jusqu’à la chute de Gbagbo.

La croissance économique de notre pays était alors proche de zéro, c’est-à-dire que nous ne produisions plus de richesses, pendant que toutes nos routes, nos écoles, nos centres de santé se dégradaient à vue d’oeil, que nous vivions au milieu des ordures, que les salaires stagnaient, que le nord du pays était totalement abandonné, que tout le monde nous fuyait et que l’électricité commençait à se faire rare. Ne parlons pas des droits humains qui étaient quotidiennement bafoués, des moeurs complètement dépravés et du taux de chômage qui atteignait des sommets. C’est à partir de ce moment que de nombreux jeunes Ivoiriens choisirent de fuir le pays et commencèrent à mourir en masse dans la Méditerranée.

M. Alassane Ouattara prit le contrôle de l’Etat à partir d’avril 2011, à l’issue de la guerre contre les forces loyales à M. Laurent Gbagbo. Bon nombre des jeunes gens qui manifestent ces temps-ci pour réclamer de l’argent ont joué un rôle magnifique dans cette histoire, et la grande Histoire ne pourra jamais les oublier. Prendre le contrôle du pays et le remettre en marche ne fut pas chose facile. Il y eut de nombreux indisciplinés parmi ceux qui avaient libéré le pays. Il y eut beaucoup de haine et des tentatives de déstabilisation de la part de fanatiques de l’ancien pouvoir. Et pendant plus d’une année, le pays vécut au rythme des attaques de casernes, de commissariats, de populations vivant à la frontière, etc.

Malgré tout cela le pays s’est remis en marche, et du fait du charisme, de l’audience et de la compétence de notre président, la Côte d’Ivoire a recommencé à créer de la richesse et à attirer les investisseurs. On a commencé à réparer les infrastructures détruites, à en construire de nouvelles ; on a revalorisé les revenus des travailleurs, repositionné la Côte d’Ivoire sur la scène internationale.

Nous avons remporté la Coupe d’Afrique de football au passage, sans compter de nombreux trophées dans d’autres disciplines sportives, artistiques ou littéraires. La ville de Grand-Bassam a été classée au patrimoine mondial de l’Unesco. La Banque africaine de développement qui avait quitté notre pays est revenue, en même temps que d’autres institutions internationales, avec leurs milliers de travailleurs ; nous avons recommencé à abriter de grandes rencontres internationales et les prochains jeux de la Francophonie sont programmés chez nous dans quelques mois.

Sommes-nous un peuple maudit pour détruire ainsi en quelques jours le fruit de tant d’efforts et une réussite pour laquelle tout le monde nous loue ? Hier nous faisions pitié. Aujourd’hui nous faisons envie. Nous avons les meilleurs salaires dans toute la région ouest-africaine, les meilleures infrastructures, la meilleure image et le plus fort potentiel de développement. Quelle est donc cette malédiction qui nous pousse ainsi à l’autodestruction, en voulant tout, tout de suite ? à jouer à ce jeu, notre pays fera de nouveau peur, aucun investisseur n’aura envie d’y venir, et les prix de nos matières premières chuteront, pour le malheur de nos paysans.

A jouer à ce jeu, nos caisses seront vides et aucune arme ne pourra permettre à qui que ce soit de se servir. Ceux qui manifestent avec leurs armes ont peut-être de réelles raisons d’être frustrés. Mais réalisent-ils la détresse de ces milliers de jeunes gens qui n’ont pas d’emploi et qui avaient commencé à espérer, au vu des performances économiques du pays.

Ressaisissons-nous, chers frères et soeurs, et, en dignes fils d’Houphouët-Boigny, pratiquons ce dialogue qui lui était si cher et qu’il savait si bien utiliser dans les moments de grande tension. Parlons-nous, écoutons-nous, discutons de tout publiquement, sans faux-fuyant, mais dans le respect des uns et des autres, et la sérénité reviendra dans nos coeurs. La paix aussi.

VENANCE KONAN

Commentaires Facebook

Les commentaires sont fermés.