Côte d’Ivoire: Le destin des WE à la lumière de l’affaire Meho

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Est-ce parce que le premier ivoirien que j’ai connu était un wé, que j’ai pris fait et cause pour la Côte d’Ivoire et son président Laurent Gbagbo ? Est-ce parce que j’ai bientôt 60 ans que le sort de cette femme m’affecte particulièrement ? Est-ce parce que la première photo diffusée la représente dans une robe avec un Maguen David (étoile à 6 branches) sur la poitrine, me ramenant à de sinistres souvenirs inhérents aux juifs dont je liée par le sort ? Est-ce parce que le monde politique n’en a cure que j’ai la rage de voir que cette dame emprisonnée ?

<< ANTOINETTE ROYSSIA Epouse MEHO >> MD. 16/8/2016, est : Inculpée d’atteinte à la défense nationale, attentat ou complot contre l’autorité de I‘Etat; constitution de bandes armées, direction ou participation à une bande armée; participation à un mouvement insurrectionnel; atteinte à l’ordre public; assassinat; tentative d’assassinat; vol en réunion à mains armées portant sur des armes, munitions et divers objets; destruction volontaire de biens d’autrui.” lisons nous sur l’acte d’accusation.
Apparemment cette femme est une bonne mère de famille et grand-mère, travaillant dur pour nourrir sa maisonnée. Elle est de cette génération d’hommes et de femmes qui sont venus à la politique parce que le président Gbagbo les a mis devant leur responsabilité face à une histoire qu’il fallait détourner de son cours normal pour amorcer une ère nouvelle, où l’indépendance acquise maintenant depuis 56 ans paraît-il, n’a rien changé dans les fait, si ce n’est que le colonialisme s’appelle maintenant néo colonialisme, comme si une réalité nouvelle était venue se greffer sur l’ancienne ! Mais voilà, le 8 août Ouattara et sa blonde, toute de rose vêtue, se sont envolés pour des congés bien mérités en France, et comme toujours, il ne peut être tenu pour responsable de cette arrestation. Curieusement, ces dénis du droit sont en forte hausse, chaque fois qu’il s’absente, à croire que le vacataire Hamed Bakayoko s’exerce à jouer les gros bras en son absence ! A moins que ce ne soit un cadeau empoisonné de Guillaume Soro, essayant de détourner l’attention pour charger son maitre!

Sur l’autorisation de visite à notre prisonnière sexagénaire, que son époux Gabriel a divulgué, le document porte la date et la signature juge un 17 juin, comme si ce papier avait été préparé depuis deux mois ! Certainement s’agit-il d’une erreur, mais dans ce pays, face à un droit tordu qui est prononcé chaque jour, où un voleur de cabris écope de 20 ans de prison alors qu’un FRCI tuant à bout portant un étudiant participant à une manifestation pacifique écope de 18 mois seulement, et peut-être aurait-il été gracié si l’affaire n’avait pas été ébruitée… On ne peut que secouer la tête devant tant de pratiques illégales.
Des témoins ont relevé que le véhicule qui a conduit les huit hommes commis à l’arrestation d’Antoinette Mého était dépourvu de plaque d’immatriculation, et qu’aucun mandat d’amener n’avait été présenté à la famille; seule trace de cette arrestation: des tirs dans les murs et le plafond, devant des enfants en bas âge, qui ont été maltraités ainsi que le grand père, époux de la femme arrêtée dans sa cuisine.
Avant d’être interrogée par la DST, elle aurait été amenée dans la sinistre forêt du Banco. Foret qui compte certainement plusieurs charniers de jeunes que l’on a vu entrer dans la foret, encadrés de FRCI et autres dozos hilares, sans jamais les voir en sortir. C’est probablement là qu’elle a écopé de l’inculpation de “constitution de bande armée, vol d’armes, munitions et divers objets”… En effet à cause de la casse d’Adjamé, du démantèlement des ferrailleurs, des 60% qui n’ont pas obtenu de nouvel emplacement, la foret du banco se repeuple: ces derniers, précédés des “microbes” et autres cancrelats, ont été obligés de trouver un nouveau point de chute avec leur ferraille pour les uns et matériel de délestage des pauvres populations pour les autres; ça a été direction la foret du Banco ! C’est probablement ainsi que l’arsenal de notre commerçante de vivrier a été découvert, balance, papier d’emballage et cageots, à côté de machettes, kalachnikovs et autres armes non répertoriées des « anges protecteurs » de la nouvelle Côte d’Ivoire !

Ouattara et sa clique nous ont habitués à comprendre le contraire de la vérité, ainsi, il aurait gagné les élections, il serait aimé de son peuple, la croissance grâce à lui s’écrit avec deux chiffres, « assassinat, tentative d’assassinat, destruction de biens d’autrui » c’est ce qui a été tenté sur sa personne à lui. Mais voilà, lors de l’irruption dans la maison Meho, il y avait des témoins, l’affaire a été ébruitée trop tôt, alors les balles sont allées se loger dans les murs.
Le journaliste wé Désiré Oué a eu moins de chance, le 18 novembre 2013 lorsqu’il est rentré chez lui, et été abattu sur le pas de la porte. « Rédacteur en chef de la revue « Tomorrow Magazine », M. Oué « a été abattu à son domicile par des hommes armés non identifiés », a expliqué à l’AFP le président du Synapp-CI, Guillaume Gbato. Le journal du FPI, Notre Voie, avait qualifié l’assassinat de « crime crapuleux des milices pro-Ouattara ». Et bien sûr, notre justice qui a retrouvé tous les assassins pro-gbagbo pour endosser la majorité des crimes de la république bananière, peine à retrouver les assassins du journaliste. Elle n’a pas trouvé, évidemment, ceux du professeur Philippe Rémond, ce français, qui avait pris fait et cause en 2010 pour le candidat Laurent Gbagbo, et qui attendait impatiemment de recevoir sa nationalité ivoirienne. Il est des crimes difficilement imputables au camp Gbagbo. Ainsi la recherche des responsables des atrocités de Douékué et Nahibly n’a guère avancé. Depuis le début, pourtant, ses auteurs sont connus, mais comme les commanditaires sont intouchables, alors ces deux massacres ne sont même pas évoqués à La Haye par le Bureau du Procureur, qui pourtant se défend d’avoir une approche unilatérale du drame ivoirien.

Une fois de plus, nous avons affaire à un enlèvement sauvage, crapuleux, adossé à de fausses accusations, car madame Mého ne remuait certainement pas son riz sauce graine avec une machette ou une arme dérobée à un frère Cissé? Elle ne vendait pas non plus des munitions à côté de ses dentées alimentaires ! La vérité est bien plus simple : cette dame collectait des témoignages de victimes, ces témoignages que maitre Habiba Touré et Martine Kei Vao ont envoyé à la Haye pour que l’avocate des seules victimes RDR de la crise post électorale puisse mettre de côté son petit crocodile, et verser de vraies larmes à la CPI ! En effet, le 13 août, maitre Touré, accompagnée de Martine Key Vao devait prendre la parole aux Etats unis afin de rappeler et faire connaître le massacre des Wé et la situation générale qui prévaut en Côte d’Ivoire. Le 30 juillet sur Facebook, Antoinette Meho saluait cette initiative et écrivait « Courage à toi même et merci à la présidente de l’ong solidarité WE. Grâce à cette dame dynamique, on parlera du genocide wé. Sois bénie Presi ! » Mais elle n’a pas eu le temps de collecter les échos de la conférence du 13 aout, car dès le 10, elle devenait personna non grata. En quelques heures la voici affligée de tous les péchés d’Israel. Bientôt on l’accusera d’avoir écrit « comment je suis devenu rebelle » en signant de son nom de plume « Soro Gillaume » !

Selon les avocats, Antoinette Meho figurait sur la liste des témoins devant intervenir à la Haye. Son tour n’est pas prévu dans un futur proche, car pour l’instant ce sont les témoins à charge qui s’expriment, et la cour fait tout pour ralentir le procès. Dame Meho en quelque sorte est le pendant de Matt wells, mais à décharge. Alors que le britannique évoquait des témoignages qu’il avait reçu de visu et surtout par téléphone, sans être témoin lui-même, dame Meho, pouvait parler de l’intérieur, des siens disparus à Douékué et Nahibly, persécutés, spoliés, et se faire la voix de ses frères, et aussi dire tout ce qu’elle avait traversé.
Bien sûr le FPI, son parti a protesté contre son arrestation dès le début. Le FPI des 9% a attendu plus d’une semaine, le 18 août pour entreprendre semble-t-il quelque chose : une visite timide de son chef de file au domicile de l’inculpée, mais nous attendons encore le cri d’indignation et d’exaspération d’Affi, trop occupé semble-t-il pour que du trop plein de son coeur sa bouche parle.
Grâce à la fonction photo des téléphones portables, nos policiers zélés, sous la férule de Hambak n’ont pu cacher que cette femme avait été molestée; une photographie de notre dame circulant sur la toile, nous dévoile une dame Mého, portant un grand pansement sanguinolent au bras et à la jambe en faisant foi ! Et son visage que l’on avait vu souriant et aimable, était grave et triste !

Comment accepter un tel comportement dans ce pays qui pourtant se veut un pays démocratique, avec une justice qui vaut celle d’autres pays ? Comment peut-on faire disparaître un témoin, le menacer, l’intimider ? Comment imaginer que rien ne filtrera, que personne n’en saura rien ? Comment cacher toute cette vilénie, cette corruption, cette méchanceté originelle d’un clan qui ne doit ses privilèges qu’à la seule communauté internationale, France en tête, dont l’unique ambition pour mieux dépecer la Côte d’Ivoire, était d’installer des incapables suffisamment corrompus pour être aux ordres des vrais administrateurs, ceux envoyés par la France et l’ONUCI?
Pour l’instant, ces chers occidentaux ont toujours couvert la gabegie, les passe-droit et l’injustice du club d’incapables d’Abidjan, la CIA locale. Jusqu’où iront-ils ? Couvriront-ils une fois encore cette mise au trou d’une innocente dont le seul tort est de vouloir dire la vérité, rien que la vérité à La Haye et à Abidjan, lors du procès de madame Gbagbo, puisqu’elle est citée là aussi comme témoin à décharge ? La CPI fermera-t-elle les yeux une fois de plus sur un témoin malmené ? Elle qui a fermé pudiquement les yeux sur les conditions de témoignage de Jean-Noel Abéhi, un prisonnier du régime quoi aurait dû célébrer ses bourreaux ? Certes il était convenu qu’il déposerait contre Laurent Gbagbo, ce chantage s’est exercé sur lui comme sur les autres prisonniers célèbres, militaires, anciens ministres de Gbagbo à qui l’on avait demandé de témoigner de la bonté du bourreau de leur Patron ! Si dans les extraits vidéo délivrés par la CPI, le témoin P321 ne met pas à mal Ouattara, il ne se gêne pas pour décrire dans le détail l’implication de la France dans le renversement du président Gbgabo ! Madame Meho est certainement une femme moins “dangereuse” que le commandant Abéhi, son témoignage de commerçante, de militante du FPI, de mère de famille ne pourra causer du tort à la France, mais sa connaissance du drame Wé met directement en cause Ouattara et sa bande.

En voulant reproduire le scénario Abéhi, un prisonnier dont le témoignage est reçu malgré son statut de prisonnier donc de personne qui n’est pas libre de ses mouvements et certainement de ses dires, Ouattara oublie que l’affection occidentale pour le célèbre économiste du FMI s’est refroidie en 5 ans de mauvaise gestion de la com. Dame Ouattara, qui joue dans le film « la Côte d’Ivoire Emergente » le rôle de l’égérie blonde rassurante, n’arrive plus à égaler le jeu de la blonde Catherine Deneuve, qui probablement était son modèle lorsqu’elle a demandé à un chirurgien esthétique de revoir son visage et d’adoucir ses traits; en fait de les banaliser pour adopter un visage qui n’est pas le sien, où les sentiments vrais sont remplacés par ce masque figé, où le sourire ne dépasse pas l’esthétique et surtout ne rejoint plus le regard, pour fonctionner harmonieusement et découvrir une bonté d’âme, apparemment totalement absente.

Lorsque madame Meho a été arrêtée, les bruits ont circulé que son arrestation était programmée depuis plusieurs mois déjà et qu’elle se cachait. Ce n’est semble-t-il que le 10 août qu’on aurait pu mettre la main sur elle, alors qu’elle vaquait tranquillement à ses occupations d’épouse et de grand –mère dans sa cuisine ! C’est probablement ce qui s’explique par ces deux dates sur le chef d’accusation déjà prêt à la date du 17 juin, formulaire de base, fourre-tout où l’accusé (au singulier) est affublé de toute la panoplie possible de délits, pour être sûr qu’au moins un seul pourra être retenu. En l’occurrence, appliqué à cette dame qui semble être une femme tout ordinaire, qui a mis son humanité au service de ses frères massacrés à Douékué et Nahibly et de la vérité pour soutenir Simone et laurent Gbgabo, ce qui semble être en plein accord avec la Constitution ivoirienne, révisée ou non, et de la démocratie, telle qu’elle est affichée officiellement en Côte d’Ivoire.
En ce mois d’août, alors que 56 ans d’Indépendance ont été chantés, dansés et célébrés avec un éléphant de la Francophonie, cette farce-fête à venir de 2017, où le pachyderme ressemblait davantage à la légendaire souris des dessins animés américains, mon cœur est serré et triste, mais ne faut-il pas enfin réagir ? Faut-il vraiment que tout se termine avec ce célèbre poème du pasteur Martin Niemoeller dont la première version date de 1942 dans le camp de Dachau ? Où sont ces hommes et ces femmes? Vont-ils encore se taire et laisser faire, sans protester? Vont-ils assister impuissants à l’arrestation, la liquidation, des derniers courageux, qui partent les uns après les autres, sans réaction, ou presque ?

Quand ils sont venus chercher les communistes Je n’ai rien dit Je n’étais pas communiste Quand ils sont venus chercher les syndicalistes Je n’ai rien dit Je n’étais pas syndicaliste Quand ils sont venus chercher les juifs Je n’ai pas protesté Je n’étais pas juif. Quand ils sont venus chercher les catholiques Je n’ai rien dit Je n’étais pas catholique. Puis ils sont venus Et il ne restait personne pour dire quelque chose. (Dachau, 1942)

Shlomit Abel, 19 août 2016

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