Communiqué
DECLARATION RELATIVE A LA NOMINATION DU PRESIDENT DU CONSEIL ECONOMIQUE ET SOCIAL (CES)
Le débat sur le projet de dotation de la Côte d’Ivoire d’une nouvelle constitution est au cœur de l’actualité nationale.Ma position est connue. Elle a été clairement exprimée et réitérée à travers ma déclaration du 05 juin et ma lettre ouverte au Président de la République du 19 juin 2016. Je me réjouis de l’évolution positive de la position des acteurs politiques que j’encourage à nous rejoindre dans la clarté et la fermeté du refus de la création d’une nouvelle République dans le contexte présent. Car au fond, c’est moins une question de procédure que de contexte, d’opportunité et de principe.
Cela étant dit, la présente déclaration ne portera pas sur ce débat mais plutôt sur la valeur et l’importance de ces lois que nous nous donnons tant d’honneur à doter nos pays.Le respect que nous leur réservons est-il à la hauteur du caractère prétendument sacré et de l’honneur que nous leur accordonsdans les débats actuels ? Les ivoiriens en doutent et se demandent, au regard des coûts et sacrifices attachés aux processus électoraux sous nos tropiques, à quoi bon prendre tant de risques pour une loi, fut-elle fondamentale si elle devrait être, une fois votée, fondamentalement et royalement foulée au pied par ses propresjanissaires et prétendus défenseurs. Ont-ils raison ? Ont-ils tort ?
Le moins que l’on puisse dire est que ce sentiment est des plus partagés chez nos compatriotes et je dois avouer que je suis de ceux qui se posent la question de savoir si nous avons avec les gouvernants la même compréhension voire la même version de la constitution du 1er août 2000. Je n’exagérerai pas si j’affirmais que j’y suis si perdu que j’en suis à m’interroger sur la notion de normalité et d’anormalité tant l’anormalité tend à se substituersi allègrement à la normalité dans un naturel déconcertant et le silence incompréhensible et approbateur de tous, y compris nos grands maîtres du droit.
En effet, sans émouvoir personne, du moins publiquement, de nombreuses décisions semblent être prises en totale violation de la loi fondamentale. J’en citerai juste quelques-unes à titre d’exemples en terminant par la dernière, celle qui m’a décidé à la présente réaction, la nomination de Monsieur Charles DIBY Koffi en qualité de Président du Conseil économique et social.
1. Du cumul du poste de Président de la République avec celui de Président de parti
L’article 54 de la constitution du 1er août 2000 stipule :
‘’ Les fonctions de Président de la République sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire, de tout emploi public, de toute activité professionnelle et de toute fonction de dirigeant de parti politique.’’
Il se trouve, sauf erreur de ma part, que le Président actuel du Rassemblement des Républicains (RDR) reste bel et bien Monsieur Alassane Dramane Ouattara, Président de la République de Côte d’Ivoire.
2. De la non déclaration de son patrimoine par le Président de la République
L’article 55 de la constitution du 1er août 2000 stipule :
‘’Lors de son entrée en fonction et à la fin de celle-ci, le Président de la République est tenu de produire une déclaration authentique de son patrimoine devant la Cour des Comptes.’’
J’ai eu l’honneur d’assister à la cérémonie d’investiture du Président Alassane OUATTARA. Je n’ai pas souvenance qu’un tel acte ai été posé, ni à cette occasion, ni ultérieurement.
3. De l’élection du Président de l’Assemblée nationale à moins de quarante (40) ans
L’article 65 de la constitution du 1er août 2000 stipule :
‘’Le Président de l’Assemblée nationale et le Premier vice-président sont soumis aux mêmes conditions d’éligibilité que le Président de la République.’’ L’article visé ici est le fameux article 35 qui stipule entre autre:
‘’Le candidat à l’élection présidentielle doit être âgé de quarante (40) ans au moins et de soixante-quinze ans au plus.’’
Il est de notoriété publique que Monsieur SOROKigbafori guillaume, né le 08 mai 1972 ne pouvait avoir 40 ans le 12 mars 2012 quand il a été élu Président de l’Assemblée nationale.Le Président de la République aurait pris un décret pour déroger à la règle, je le sais. Mais sur quelle base légale ? Le Président de la République peut-il faire et défaire la loi comme il le veut, juste pour arranger un individu ?Il me semblait pourtant que la loi devait être impersonnelle ?
4. De la nomination de Monsieur Charles BIBY Koffi
L’article 114 de la constitution du 1er août 2000 stipule :
‘’La composition du Conseil économique et social et les règles de son fonctionnement sont fixées par une loi organique.’’ Laquelle loi n° 2001-304 du 05 juin 2001 stipule à son article 5 :
‘’Le Président du Conseil économique et social est élu pour cinq (5) ans au scrutin uninominal majoritaire à un tour.’’
Or, comme si de rien n’était, le Président de la République vient de prendre un décret (comme il l’a déjà fait du reste pour Monsieur ZADY Kessi, son prédécesseur) pour nommer le Président du Conseil économique et social, en la personne de Monsieur Charles DIBY Koffi.
Sauf dispositions contraires, les faits ci-dessus énumérés (pour ne citer que ceux-là) constituent manifestement des violations flagrantes de la constitution du 1er aout 2000 et l’on se demande par quelles arguties juridiques ces choses ont été faites. Comment expliquer un tel état de fait dans un Etat dit de droit ? Qu’en disent le Président de la République, garant de la constitution et le Président de la Cour constitutionnelle, juge de la légalité constitutionnelle ?
Quelle est la vérité ? Les ivoiriens veulent comprendre, ils veulent savoir quelle est la Norme en Côte d’Ivoire ? Ils veulent en avoir le cœur net.Et qui mieux que le Président de la République, garant et défenseur de la constitution ivoirienne, pour nous rassurer ? C’est pourquoi, au moment où le débatsur une nouvelle constitution s’ouvre, il m’est apparu légitime et du droit des ivoiriens, d’exiger de la part du Président de la République, clarification et explication. A défaut, nous nous contenterons bien d’un éclairage du Conseil constitutionnel, juge de la légalité constitutionnelle.Il est bien de créer des lois mais il est mieux de les respecter.Commençonsdéjà par respecter celle que nous avons.
Respectueusement,
Fait à Abidjan, le 1er juillet 2001
KONAN Kouadio Siméon (KKS)
Président d’Initiatives Pour la Paix (IPP)
Candidat aux élections présidentielles 2010 et 2015
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