Par Connectionivoirienne.net
Le billet de connection
Alassane Ouattara voulait véritablement d’une nouvelle Constitution en Côte d’Ivoire qu’il s’y prendrait autrement dans sa démarche actuelle. En lieu et place d’un large consensus, le chef de l’Etat ivoirien a opté pour une démarche solitaire, jouant à fond la carte du diktat de ses propres idées au détriment d’une loi fondamentale incontestable qui tire les leçons du passé et s’inspire des modèles qui marchent ailleurs.
Tout commence lorsque, longtemps avant même la mise en place de son comité d’experts chargé de lui faire des propositions, des cadres du Rdr se basant sur les simples intentions de modification constitutionnelle annoncée par le chef de l’exécutif qui inaugurait son 2e mandat, se mettent en mission pour une campagne prématurée en faveur du « oui » lors du référendum à venir. Sans le vouloir, ils alertaient ainsi, l’ensemble de la classe politique et la société civile sur l’idée d’une constitution manipulée qui porte les aspirations d’un groupe que celles de l’ensemble des Ivoiriens. 1ere erreur.
Les suspicions s’aiguiseront davantage lorsque, le 31 mai 2016, Alassane Ouattara nomme un comité de dix experts, tous des juristes et présidé par le constitutionnaliste, Pr. Ouraga Obou. Ledit comité a un mois pour faire des propositions au chef de l’Etat. Mais contre toute attente et alors même que le comité d’experts composé du reste dans son écrasante majorité de proches du chef de l’Etat ou du Rhdp, n’a pas encore débuté son travail, Alassane Ouattara lui fait déjà des injonctions lors du conseil des ministres du vendredi 3 juin 2016. Celles-ci concernent notamment les conditions d’éligibilité qui de l’avis du chef de l’Etat doivent devenir « plus souples ». Dans le même temps, il entame des « consultations » (des séances d’information et d’échanges à proprement parler) avec la classe politique, les religieux, les chefs traditionnels et les organisations de la société civile ivoirienne. 2e erreur.
A cette occasion, les Ivoiriens qui ne sont pas dupes, ont clairement exprimé leur opinion sur la question. L’opposition politique et certaines organisations de la société civile ont désapprouvé clairement la démarche du chef de l’Etat.
Si nous considérons la démarche du président de la République, il aurait fallu que le comité d’experts achève le travail qui lui a été confié, fasse ses propositions écrites (par exemple en proposant deux textes de projet de constitution) et que le chef de l’Etat s’en saisisse pour demander l’avis de ses concitoyens. A défaut de la mise en place d’une Assemblée constituante ou d’un comité élargi à toutes les couches sociales, ç’aurait été, de notre avis, le moindre mal pour taire toute suspicion.
3e erreur, le comité d’experts lui-même. Tel qu’il a été constitué n’est pas exempt de critiques de par les personnes qui le composent. De l’avis de plusieurs Ivoiriens, Pr. Ouraga Obou n’est pas un homme nouveau. Il a participé à la rédaction de la Constitution de 2000 en vigueur en ce moment. Du coup, même s’il est connu comme un grand juriste constitutionnaliste, sa crédibilité est mise en doute à cause justement de ce passé, vu que le fruit de son travail a engendré la guerre en Côte d’Ivoire. Dans le même comité, figure également Cissé Bacongo ancien ministre de la Fonction publique qui, en 2015, avait clairement exprimé sa préférence pour une illimitation du mandat présidentiel. Qu’est-ce qui fait dire qu’il a abandonné ses thèses ?
Avec ce qui est en cours en ce moment, comment le pouvoir pourrait-il convaincre une bonne partie de l’opinion nationale que sa démarche n’est pas intéressée et qu’elle vise vraiment à mettre en place une Constitution impersonnelle ?
« La troisième République est (vraiment) mal partie », écrivait le juriste et analyste politique, Geoffroy-Julien Kouao. Nul doute qu’avec les récriminations actuelles et la déclaration des chefs traditionnels se disant favorables à un 3e mandat, le front du refus qui se met en place pourrait faire ressurgir les vieux réflexes identitaires et nationalistes. Il va falloir, à ce jeu-là, que le Rhdp se surpasse pour faire admettre son projet. Déjà dans l’opposition des voix se font entendre et qui incitent les Ivoiriens à dire « non » au projet de nouvelle loi fondamentale.
SD à Abidjan
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