Côte d’Ivoire – Diatribes et raclée de «l’éternel» ministre des infrastructures aux cadres du Bafing

Achi-

Retour aux sources et développement de la région :

Qui n’a pas compris le son de tocsin émis le vendredi 1er avril dernier par le ministre Patrick Achi Jérôme à Mimballa (12 km de Touba) ? En effet, dans un vibrant exposé oral à la faveur de l’inauguration du château d’eau de cette localité, «l’eternel» ministre des Infrastructures économiques a arraché de l’admiration, de l’estime et des vivats au grand public qui l’écoutait religieusement.

Après avoir rendu hommage à tous ceux qui résistent à l’exode vers les grandes villes, Patrick Achi a fait un ‘cours magistral’ sur la nécessité de rester au bercail. «Les gens pensent souvent à tort que le bonheur se trouve uniquement en ville et à Abidjan. Mais cela n’est pas juste !», a-t-il dit d’entrée. Avant de se lancer dans une diatribe à l’endroit des cadres et hauts fonctionnaires qui tournent définitivement dos au village et aux villageois. Il a certainement voulu encourager les cadres à faire comme Ulysse, ce grand guerrier et voyageur Grec qui a bravé pendant une décennie de multiples tourments sur le chemin du retour avant de reprendre pied dans son royaume. L’autre figure emblématique du retour à la maison étant le célèbre écrivain français Joachim Du Bellay, torturé par la nostalgie (maladie du retour) alors même qu’il était dans les grâces à Rome. L’Esprit a préféré son petit village d’Anjou natal à la majestueuse Rome.

Encore un coup de semonce : « Quand on prétend avoir réussi dans la vie, on ne doit aucunement oublier les autres qui sont au village. Car avant de réussir à Abidjan ou ailleurs, avant d’être ministre ou haut cadre, c’est bien dans un village que nous avons fait l’enfance. C’est parce qu’un imam ou un prêtre a prié pour nous avant notre départ ; des parents, des frères et des amis nous ont accompagnés de bénédictions. Nous avons été élevés, avons grandi parmi des gens qui nous ont encadrés et éduqués. Etant enfant au village, nous avons reçu une éducation et une culture qui ont pu nous suivre et nous orienter dans la vie… », rappelle M. Achi.
Autre morceau choisi : « Il faut que les cadres retrouvent leur localité d’origine pour faire face aux besoins des parents. Le tout n’est pas de réussir et de vivre dans le luxe à Abidjan. La réussite sociale se mesure au bonheur que l’on fait procurer à son entourage. L’on doit comprendre maintenant que le village n’est pas que la sorcellerie ; c’est notre origine, nous avons l’obligatoire d’y faire face. »

Il n’a pas oublié d’encourager les ruraux à s’armer de courage. « Vivez et restez dignes, restez fiers de vous. Tout le monde ne peut pas être ministre. Cela n’est qu’une question de chance ou de Dieu. Je suis certes ministre aujourd’hui, mais ce n’est pas uniquement grâce à mes compétences. Sinon à l’école, Touré Moctar (Dircab du SG de la Présidence Amadou Gon Coulibaly) et Dr Fofana Mamadou (Conseiller spécial du Président de la République chargé de l’Environnement, des Eaux et Forets et du Développement durable) ici présents étaient doués que moi. Si on devenait ministre uniquement par l’intelligence intrinsèque, ils seraient ministres à ma place. Mais comprenez chers parents, que ceux-là même qui sont dans l’ombre en tant que Directeur de Cabinet ou Conseiller du président, sont des travailleurs compétents et inlassables qui ne dorment presque pas souvent. C’est eux qui font le gros du boulot ; ils ont tout mon respect. Le prototype de cadre souhaitable pour les parents, c’est celui qui lutte pour poser des actes tels l’électrification, l’adduction en eau potable, etc. Car un cadre est l’espoir d’une famille, d’un village, d’une région, etc. »
Ce discours qui a surpris plus d’un, a marqué les populations Mahou venues alors de plusieurs localités de la région du Fleuve noir (Bafing). Qui est ce ministre à l’allure Européenne mais qui raisonne comme un bon bourg-eois (habitant d’un bourg, d’un village) ? L’on comprend d’ailleurs pourquoi il a été félicité par le grand imam de Man, Fofana Aboubacar (président du Cosim du Tonkpi) qui est natif de Mimballa. Le Cheick a en effet emboîté le pas à l’orateur principal en demandant aux ressortissants du Bafing « à ne pas abandonner leur région sous le prétexte qu’ils ont peur des sorciers. Fuyez les sorciers, mais sachez qu’ils peuvent vous rejoindre partout où vous allez », interpelle le guide religieux.

Le parcours contrasté de Patrick Achi
Le voyant et l’écoutant s’exprimer ce jour-là dans un langage plutôt courant, l’on avait cru avoir affaire à une de ces personnalités qui ont vécu la dèche avant de devenir « quelqu’un ». L’on n’a pas pensé un instant que ce ministre de la République que l’opinion trouve métissé pouvait raisonner comme le Roi Christophe dans la Tragédie éponyme mis sous écritoire par le dramaturge Aimé Césaire. Son amour pour ses ‘origines villageoises’ a été clairement perçu dans ses propos. Et pourtant un coup d’œil sur son profil suffit pour savoir que l’homme Achi Patrick Jérôme est issu d’un milieu intellectuel et aisé.

Né en 1955 sur les bords de la Seine à Paris (en France), Patrick Achi est un haut cadre d’Adzopé. Il est ancien consultant en énergie électrique et expert-comptable. Bardé de diplômes, il est issu du Pdci. Mais Achi Pat (pour ses amis d’Amphi) est entré sur le tard en politique. N’empêche ! Cet homme de confiance du président Bédié est devenu un habitué des Conseils de ministre, et garde jalousement le portefeuille des Infrastructures économiques depuis bien longtemps maintenant. Et sa longévité gouvernementale fait de lui l’homme fort des travaux herculéens depuis le déclin du régime Laurent Gbagbo.

Mieux, au delà d’être ministre, Patrick Achi Jérôme est député de la circonscription d’Adzopé et président élu du Conseil régional de la Mé. Ce cumul de fonctions fait de lui un cadre parfaitement au contact et au fait des réalités de chez lui.

Conscients que les cadres constituent les espoirs de la région, espérons que son appel solennel de Mimballa sera compris de ses collègues du Bafing ! Eux qui en majorité, laissent en friche la région et ne s’annoncent que seulement après l’ouverture des campagnes électorales. Et le grand projet soja qui est attendu avec tous les espoirs et qui devra aider la jeunesse agricole et/ou au chômage est toujours en phase net de vague projet tandis que le président Ouattara l’avait annoncé pour janvier passé. Entretemps, ça croupit dans la misère chez l’avant-dernière des régions pauvres de Côte d’Ivoire ! Bravo à l’altruiste et chauvin constructif Patrick Achi ! Vivement qu’il soit entendu par ses pairs cadres du Bafing.

Bayo Lynx, à Touba

Commentaires Facebook

Les commentaires sont fermés.