Côte d’Ivoire – Un expert français «met en doutes » l’authenticité de l’enregistrement Soro-Bassolé

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La diffusion, le 12 novembre 2015, sur les réseaux sociaux, de ces enregistrements téléphoniques – ou présentés comme tels – avait fait l’effet d’une bombe. On y entendait Guillaume Soro, la deuxième personnalité de l’Etat ivoirien en tant que président du Parlement, conseiller l’ancien ministre burkinabé desaffaires étrangères de Blaise Compaoré, Djibrill Bassolé, sur la meilleure façon desauver une tentative de coup d’Etat alors bien mal engagée.

Source: Guillaumesoro.ci

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Les propos, transparents, entre les deux hommes, exposaient l’implication du grand voisin ivoirien dans une entreprise de déstabilisation du pouvoir de transition installé à Ouagadougou depuis la chute de Blaise Compaoré, un an plus tôt. Mais voilà. Une expertise privée commandée par le défenseur de Djibrill Bassolé, l’avocat français William Bourdon, remet en cause ce scénario.

L’analyse des seize minutes d’enregistrements rédigée par l’expert en acoustique Norbert Pheulpin, auquel Le Monde a eu accès, « conteste de façon formelle l’intégrité de la pièce audio concernée [qui] ne peut être présentée comme étant l’enregistrement intègre d’une interception téléphonique classique ». Au contraire, cette analyse estime que « l’hypothèse d’une intervention de type montage peut être objectivement retenue ». « Il y a sans doute trois ou quatre conversations téléphoniques différentes », avance l’expert, qui ne se prononce pas sur l’authenticité des voix attribuées à Guillaume Soro et Djibrill Bassolé, mais seulement sur les caractéristiques techniques de cette bande.

« L’HYPOTHÈSE D’UNE INTERVENTION DE TYPE MONTAGE PEUT-ÊTRE OBJECTIVEMENT RETENUE »

« Cet enregistrement était supposée être la preuve cardinale de l’implication de mon client dans la tentative de coup d’Etat [du général Gilbert Diendéré]. Elle s’écroule, donc le dossier s’écroule », défend Me William Bourdon. Djibrill Bassolé, incarcéré depuis le 29 septembre à Ouagadougou, est inculpé « d’attentat à la sûreté de l’État », de « haute trahison » et de« collusion avec des forces étrangères ».

« Coupable idéal »

La justice burkinabé a également lancé, le 8 janvier, un mandat d’arrêt international à l’encontre de Guillaume Soro, provoquant une crise diplomatique entre ces deux voisins historiquement liés par des relations politiques, économiques et sociales étroites. C’est au Burkina Faso, au début des années 2000, sous Blaise Compaoré, que Guillaume Soro constitua la rébellion qui finira, dix ans plus tard, par emporter le régime ivoirien de Laurent Gbagbo.

Les tombeurs de Blaise Compaoré cherchent-ils à faire payer à Guillaume Soro sa proximité avec l’ancien chef de l’Etat burkinabé, aujourd’hui réfugié à Abidjan ? Le président du Parlement est-il la cible de concurrents politiques en Côte d’Ivoire ? Ses ambitions dérangent, en effet, au sein même de la majorité présidentielle en Côte d’Ivoire, où la guerre de succession à Alassane Ouattara – réélu en 2015 pour un dernier mandat – se joue pour le moment encore à fleurets mouchetés. « Il est le coupable idéal », dit-on dans son entourage. « Si le soutien aux putschistes burkinabés existait bien en Côte d’Ivoire, il ne faut pas le chercher du côté de Soro ou de la présidence », ajoute une autre source ivoirienne.

« SI LE SOUTIEN AUX PUTSCHISTES BURKINABÉS EXISTAIT BIEN EN CÔTE D’IVOIRE, IL NE FAUT PAS LE CHERCHER DU CÔTÉ DE SORO OU DE LA PRÉSIDENCE »

Les pouvoirs ivoirien et burkinabé jouent dorénavant l’apaisement. « Cette affaire a éclaté à la fin de la transition [séparant la chute de Compaoré en octobre 2014 de l’élection de Roch Marc Christian Kaboré à la présidentielle treize mois plus tard], nous sommes convaincus que “Roch” n’est pas dans le coup », explique une source proche de Guillaume Soro. « Les deux présidents [ivoirien et burkinabé] se sont rencontrés en marge du sommet de l’Union africaine à Addis Abeba, fin janvier, pourdécrisper la situation », explique Alpha Barry, ministre burkinabé des affaires étrangères. « La justice travaille de son côté, nos deux gouvernements aussi, pour apaiser les tensions », ajoute-t-il.

A considérer que l’enregistrement – dont on ignore comment il a été réalisé et par qui – soit judiciairement irrecevable, cela ne signifie pas pour autant la fin de cettehistoire particulièrement opaque. Le tribunal militaire de Ouagadougou en charge du dossier affirme en effet disposer « d’autres éléments, gardés confidentiels ».

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