Par Manuella Yapi
Le chef du canton couvrant la zone nord du département de Tabou au Sud-ouest ivoirien, Douai Ouellé, soutient que parmi les quatre assaillants tués lors de l’attaque armée dans la sous-préfecture de Olodio mercredi, figurent de jeunes villageois qui ont été « présentés comme des rebelles », dans une interview accordée à Alerte info/Connectionivoirienne.net
Des positions de l’armée ont été attaquées mercredi à Olodio, faisant sept morts du côté des soldats ivoiriens. Que savez-vous sur ce qui s’est passé?
On ne sait pas, les assaillants sont arrivés nuitamment. Samedi (28 novembre) des assaillants sont allés dans un campement qu’on appelle Topkapleu, à près de 10 km, et après ils sont allés dans le village de Daniplou. Ce village nous a saisis pour nous dire que des hommes puissamment armés sont venus la nuit et ont volé des animaux. Donc il y avait un danger qui planait. Les militaires ont interrogé des habitants de Topkapleu. Ils ont été écoutés, donc je pense que les forces étaient prévenues.
Si les forces militaires étaient prévenues, pourquoi n’ont-elles pas anticipé cette attaque à votre avis?
Nous ne comprenons pas. Il y a des forces de l’Opération des Nations-Unis en Côte d’Ivoire (ONUCI) ici, il y en a aussi au Liberia et c’est toujours depuis le Liberia que des gens nous créent des problèmes et il n’y a aucune force qui réagit.
Maintenant ils passent de campement en campement, de village en village. Aujourd’hui il y a des villages où les gens ont fui parce que les militaires arrivent, ils tirent, prennent qui ils veulent. On va appeler le HCR pour nous évacuer dans un camp où on va rester dans la paix. ça vaut mieux.
Ce n’est pas la première fois qu’il y a une attaque armée dans cette zone du pays. Certains estiment qu’il pourrait exister une complicité entre la population locale et les assaillants. Qu’en dites-vous ?
Regardez les maisons que nous habitons (il montre des cases qui l’entourent), qui peut acheter une Kalachnikov? Peut-être que ce sont des enfants égarés qu’on utilise. Et aujourd’hui on dit que ce sont les kroumen (population autochtone). Que tout le monde se pose des questions, que la Côte d’Ivoire cherche ses problèmes ailleurs. Le pauvre kroumen n’a même pas de ministre. Après la déstabilisation de la Côte d’Ivoire, il gagne quoi? Et si on combat, alors on combat pour qui?
D’où vient donc le problème selon vous ?
C’est ce que tout le monde ne comprend pas. Ici nous sommes à près de 10km de la frontière et nous sommes surpris de constater que c’est là où il y a l’armée qu’on attaque. Quand n’y a pas d’armée il n’y a pas d’attaque.
Il y a quelques jours j’étais avec le sous-préfet et le directeur départemental de la Construction qui est venu me livrer le plan d’Olodio parce qu’ils veulent faire le lotissement de 1.000 lots. Le Conseil régional nous a demandé de faire les ouvertures de nos voies pour nous envoyer des poteaux de plus pour de nouveaux lotissements. Nous sommes allés au V2 (village) pour rencontrer des gens dans ce sens. Le sous-préfet est au courant de ce que je fais. Aujourd’hui je suis écoeuré qu’on dise que c’est dans mon village que s’est tenue la réunion.
Les deux camps sont face à face, qu’est ce qui prouve que ce ne sont pas eux qui se sont tués entre eux pour accuser le pauvre kroumen? il y a les Frci et les forces spéciales. Certains traitent les autres de vigiles. Est-ce qu’il y a une entente entre eux d’abord? Il faut poser le problème tel qu’il est. Qu’ils cessent d’arrêter nos enfants qui ne savent rien.
En 2002 Toute la population ne voulait pas la destruction de la Côte d’Ivoire. Ils ont demandé aux Ivoiriens de se tenir comme un seul homme, les gens ont échoué à Olodio et ça, ça a fait mal. Le fait de bouder le MPIGO (ex-mouvement rebelle dans la zone ouest de la Côte d’Ivoire) à Olodio, C’est peut être la source de nos problèmes.
Il semble qu’il y a une fracture entre la population et les militaires. Peut-on décrire la situation actuelle ainsi ?
Oui je peux le dire, même si on a formé une équipe. Mais est-ce que c’est réglé ? On a organisé un tournoi où on a eu une équipe pour que tout le monde joue ensemble. Les jeunes gens qu’ils ont eux-mêmes demandé d’aller prendre, qu’ils ont recruté, c’est ceux-là même qu’ils ont tués et présentés comme des rebelles. Parmi les morts, il y a de jeunes joueurs qui jouaient avec eux et qu’ils connaissent bien. Le doigt accusateur c’est bien, mais accuser sans réflexion c’est un problème. Mon chef de village et moi sommes menacés.
Face à cette atmosphère de méfiance entre populations et forces militaires, que proposez-vous ?
Il faut créer un cadre de concertation et de communication entre les populations et les armées qui viennent s’installer. Qu’ils s’asseyent pour discuter avec les populations. S’ils ne terrorisent pas les populations peut-être qu’elles pourront dire ce qu’elles voient. Toute la richesse sort d’ici (le sud-ouest est une grande zone de production cacaoyère) mais nous n’avons rien. Au moment où on construit des ponts et des écoles chez les autres, chez nous ce sont des casernes. Ce n’est pas normal. Nous sommes tellement en retard qu’on ne peut plus penser à une guerre, nous sommes fatigués de la guerre.
MYA
Alerte info/Connectionivoirienne.net
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