Côte d’Ivoire – Avec les fêtes, les familles des prisonniers politiques espèrent la libération de leurs proches

Prisonniers

Par Noé Michalon

Discrètement rassemblée dans un maquis de Yopougon, une poignée de membres de l’Association des femmes et familles des détenus d’opinion de Côte d’Ivoire (AFFDO-CI) n’espère qu’une chose, à quelques semaines des fêtes de fin d’année : la libération de leurs proches.

Émues, élégantes et solennelles, toutes se souviennent avec douleur de la date exacte où leurs maris, frères ou enfants les ont quittées pour la prison. Toutes redoutent avec angoisse de repasser la période des fêtes sans eux.

« Mon enfant de 7 ans continue à dire que son papa est au travail », raconte Rita Meliane, dont le mari avait été arrêté alors qu’il partait faire les courses de Noël à Adjamé (Nord abidjanais), en 2012. Enceinte à l’époque, son deuxième fils n’a encore jamais vu son père, accusé de soutenir l’ancien président Laurent Gbagbo. Une accusation qu’elle rejette.

A côté d’elle, Odile Bah est moins joyeuse que les couleurs de son pagne bariolé. « Je veux être heureuse, m’habituer à cette situation. Mais je ne peux pas, je pète les plombs », témoigne la trentenaire, dont le frère cadet est emprisonné depuis la fin de la crise post-électorale de 2011.

Étudiant à l’époque, Stéphane Bah, âgé d’une vingtaine d’années, avait été arrêté au Liberia alors qu’il s’y était réfugié chez une tante. Celui qui ne « faisait jamais de politique » selon son aînée a été ensuite extradé l’été 2012 à Boundiali, 675 kilomètres au nord d’Abidjan. Depuis, Mme Bah n’a que des bribes de nouvelles de lui, et sait seulement qu’il est « très malade ».

L’incarcération semble également représenter pour plusieurs d’entre elles une perte d’autonomie financière. « Mon fils travaillait pour prendre en charge la famille. Maintenant, il est malade, il a des caries et des maux de tête, nous devons prendre en charge ses soins », se lamente Célestine Nando, essuyant une larme d’un revers de main.

Par une journée d’octobre, cette quinquagénaire s’était évanouie lorsqu’elle avait appris que son fils, « si loin des affaires politiques », avait été condamné à un an de prison, après avoir été arrêté avec un autre jeune, à la veille de la marche pro-Gbagbo du 9 septembre à Abidjan.

En plus de l’absence de revenus, la détention de proches représente même un surcroît de dépenses à lors des rentrées des classes ou des fêtes de fin d’année, les deux « pires moments de l’année » selon Rita Meliane.

« Je ne supporterais pas de passer Noël et de ne pouvoir rien offrir aux enfants », témoigne, visiblement émue, Odile Bah.

Les visites en prison sont décrites comme compliquées à obtenir et coûteuses lorsqu’elles ont lieu. « Je dois passer au moins 3 ou 4 barrages quand je veux aller voir mon fils à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan, et à chacun d’eux je dois payer 500 francs CFA. La dernière fois, je n’avais même plus assez d’argent pour rentrer chez-moi », s’insurge Mme Nando.

« C’est difficile d’avoir le droit de visiter ses proches », confirme Dominique Akoh, dont le mari est condamné à 5 ans depuis son arrestation en juin 2012 pour « atteinte à la sûreté de l’État », bien qu’elle soit certaine de son innocence. « Je veux voir mon mari ! », réclame la jeune habitante de Yopougon (Ouest abidjanais), qui demande des soins pour son époux blessé à la tête lors d’une bastonnade.

Présidente de l’association, Ines Douati finance sur fonds propre l’aide qu’elle fournit à ces familles. « J’ai eu droit à une couverture médiatique importante quand j’ai été arrêtée en 2012, mais il faut que tout le monde puisse être écouté, et que les autorités facilitent les visites, notamment à l’école de police », témoigne la fille de l’ex-ministre de Laurent Gbagbo, Alphonse Douati.

En cette fin d’année, l’AFFDO-CI représente un refuge, « une famille », pour Odile Bah. Les membres de l’association, qui sont accompagnés dans leurs démarches pour plaider la libération de leurs proches, se rencontrent deux fois par semaine. Tous et toutes savent déjà qu’ils se reverront après les libérations qu’ils attendent tous. « Nous sommes soudés pour l’éternité ! » s’illumine Dominique Akoh.

Selon l’AFFDO-CI, il y aurait encore plus de 400 détenus politiques en Côte d’Ivoire, contre environ 800 en 2011. Environ 50 prisonniers avaient été libérés en janvier 2015, une décision qui avait été saluée par la représentante de l’Organisation des Nations Unies en Côte d’Ivoire.

NMI, avec DEK

Alerte info/Connectionivoirienne.net

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