Récemment, le ministère du Commerce a lancé une opération visant à rendre « conformes » tous les taxis d’Abidjan. Lancée en avril 2015, cette opération censée prendre fin en mars 2016, devra à cette date butoir, voir la majorité des taxis compteurs certifiés conformes.
Les taxis d’Abidjan certifiés « conformes » sont visibles grâce à un sticker vert et blanc collé sur les potières avant, côté droit du véhicule, afin de permettre aux clients de faire la distinction. Leur compteur comporte un sticker vert scellé par un cadenas noir ou orange. La prise en charge est de 100 Fcfa puis une pulsation de 40 Fcfa toutes les 60 secondes ou tous les 250 mètres.
Dans l’après-midi du vendredi 13 novembre, notre équipe de reportage décide de tenter l’expérience. Nous partons d’Adjamé (Fraternité Matin) à l’hôtel du Golf sis à Cocody. D’habitude, le client négocie le trajet à 2000 Fcfa. Ce que l’on appelle dans le jargon ivoirien du transport « un arrangement ».
Nous décidons de guetter le passage des taxis estampillés « conforme ». Après quelques minutes d’attente, nous empruntons un et lui demandons de mettre son compteur en marche. Il accepte avec un air grave. Alors que nous sommes au niveau du feu de Saint Jean, dans la commune de Cocody (Abidjan), nous jetons un regard sur le compteur qui marque 500 Fcfa, soit la moitié de ce que nous aurions payé en termes d’arrangement.
A notre arrivée au Golf Hôtel, le compteur marque 1300 Fcfa. Nous sommes rassurés car, à Abidjan, on se souvient que dans le passé, quand le compteur faisait « clic, le cœur faisait clac et la poche pesait moins » pour paraphraser Bilé Didier dans sa chanson intitulée « Gboklo Koffi ».
« Cela ne m’arrange pas. Je préfère un arrangement »
Le retour sera, à notre grande surprise, un peu plus compliqué. Le premier taxi « conforme » que nous arrêtions, lance: « le compteur ne marche pas ». Surpris, nous lui demandons « mais comment est-ce possible puisque le taxi est certifié conforme? » Il reste silencieux à cette interrogation et démarre en trombe. Il en sera de même pour un deuxième et troisième taxi. Le quatrième, lui, décide de nous dire la vérité quand nous lui demandons de mettre en marche son compteur. « Cela ne m’arrange pas. Je préfère un arrangement » avec un sourire. Nous refusons et décidons d’attendre le prochain avec cette fois la technique de monter dans le taxi, laisser le chauffeur démarrer et lui demander de mettre en marche son compteur.
Quelques minutes après, nous voici dans un taxi « conforme ». Dès qu’il démarre, nous lui demandons de mettre en marche son compteur. Ahmed, le chauffeur, nous répond: « c’est abîmé. Cela ne marche pas. » Alors nous lui demandons comment est-ce possible? Car, à la Société ivoirienne de contrôles techniques automobiles et industriels (Sicta), lors de la visite technique du véhicule, le compteur est contrôlé avant de recevoir l’étiquette « conforme ».
Il se lance dans une argumentation difficile à convaincre. « C’est moi-même qui l’ai abîmé. Actuellement s’il y a un contrôle, j’aurais des problèmes. Je voulais régler quelque chose et j’ai cassé le bouton du compteur. La réparation me fera perdreau moins une heure alors que le propriétaire du véhicule n’attend que sa recette et non des explications. »
« En attendant mars 2016, la fraude se poursuit »
Le lendemain samedi, nous décidons d’en savoir plus en interrogeant certains amis chauffeurs de taxi. Les réactions sont mitigées. Si certains estiment que la tarification est normale et non préjudiciable au conducteur, d’autres pensent que les nouveaux compteurs arrangent plus le client et sont en défaveur du taximan.
Pour l’instant, au niveau du ministère du Commerce, l’on invite les populations à la vigilance car, certains conducteurs activent la double tarification. Le ministère dit également attendre la date butoir de l’opération avant d’entamer la phase de répression avec des agents accrédités, des agents de mairie et des policiers qui seront chargés de contrôler et punir les contrevenants.
En attendant, les usagers, dans leur majorité, hésitent de les emprunter ou encore ignorent la nouvelle tarification desdits taxis.
Est-ce un manque de communication autour de l’opération ou une simple négligence? Bien malin celui qui pourra répondre. En attendant mars 2016, la fraude se poursuivra sous le manteau du sticker »conforme » au détriment des Abidjanais pour qui la politique de réduction du coût de la vie reste encore au stade des décisions de bureaux.
Ouattara Ouakaltio
Correspondant communal
Fraternité Matin
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