Les élections terminées, la réconciliation tellement chantée par le chantre Ouattara n’est plus à l’ordre du jour. Notre “Elu au premier tour” semble dire dans son interview à la presse qu’il peut s’en passer : d’ailleurs, il n’a pas l’intention de construire un gouvernement d’union nationale. «Aujourd’hui, je peux dire que je ne crois plus du tout en ces gouvernements d’union. Je suis un libéral et qu’est-ce que j’aurais à faire avec des gens du FPI qui sont socialo-marxistes? Si c’est le prix à payer pour qu’il n’y ait pas de réconciliation politique, je suis prêt à le payer »
L’opposition doit demeurer l’opposition, sans aucune autre fonction, et si sa voix s’élève trop fort et trop bruyamment, il a les moyens de brider ces contestataires via les arrestations, les disparitions, les assassinats maquillés en crimes crapuleux…
Cette élection n’aura finalement servi qu’à donner encore plus de pouvoir à un despote pas vraiment éclairé, le sourire de son épouse et le zèle rémunéré de ses communicateurs lui suffisant amplement. Cette opposition, il n’a qu’une hâte : s’en débarrasser. Elle est nulle et non avenue.
En somme, pendant la campagne, il aurait fallu que toute l’opposition demande pardon, que les morts et leurs familles demandent pardon, que les exilés demandent pardon, avec les prisonniers, les chômeurs, les enfants déscolarisés, les malades sans traitement…“Pardon de ne pas mourir assez vite pour vous laisser le champ libre, à vous l’Elu, vous qui avez supervisé au FMI les prêts à la Chine et à la Corée du Sud – excusez du peu… – comme vous l’avez récemment affirmé dans une interview !”
Affi a joué le jeu de Ouattara, en pensant d’abord que les Français le pousseraient en avant; puis, voyant leur apparent désintérêt à l’égard des élections, il a persévéré en espérant hériter d’un strapontin. Mais aujourd’hui les choses sont claires, ces paroles de Ouattara ne permettent plus aucune douce rêverie : « qu’est-ce que j’aurais à faire avec des gens du FPI qui sont socialo-marxistes? Si c’est le prix à payer pour qu’il n’y ait pas de réconciliation politique, je suis prêt à le payer » Ces quelques phrases alignées sonnent le glas pour Affi, car il ne peut s’agir que de lui. C’est lui, le FPI reconnu par Ouattara. Les autres, il n’en parle pas, ils n’existent pas pour lui, Gbagbo est loin, très loin; il ne pèse plus rien et ses amis du même parti également. Et s’ils s’agitent trop, qu’ils comprennent bien qu’il y a encore beaucoup de place dans les prisons et goulags du Nord.
« Affi, c’est fini, c’est la fin de notre lune de miel ».
La page est tournée. Ouattara se croit le roi. Ouattara 1er était un roi illégitime ayant usurpé la place du roi déjà consacré selon la Constitution, et destitué à la faveur d’un coup d’état. Mais Ouattara II est un vrai roi, – que dis-je- un empereur ! – Son score, il a apparemment su le bâtir tout seul, il n’a pas eu besoin de recourir à un coup de pouce, comme c’était le cas en 2010, assisté par Super-Nicolas ! Alors il se rengorge, il se frotte les mains, il rit de son génie maléfique, il s’enivre de cette nouvelle béatitude : le voilà enfin devenu populaire ! “Vous voyez sur mon visage, je suis un homme heureux, avec cette confiance renouvelée de mes concitoyens… 84 % [des voix] avec près de 55 % de taux de participation, c’est quelque chose d’exceptionnel !” affirme-t-il au micro de France 24.
Bien sûr, cette soi-disant confiance soi-disant renouvelée, il ne la tire que de l’énormité de sa falsification du taux de participation, métamorphosant un cauchemar réel – 11% tout au plus, fruit du boycott victorieux d’une opposition écrasante – en fiction euphorisante – 44 points de bonus ! –. Quant aux maigres petits 9% récoltés par Pascal Affi N’guessan, le chiffre en a été très certainement été gonflé pour le conforter dans son rôle d’opposant de choix et l’empêcher de se plaindre.
Alors, qu’est ce qui empêchait Affi de dénoncer ces propos, lui qui a parlé après Ouattara, qui a même décommandé sa conférence de presse parce son Excellence ne s’était pas encore prononcé ? Dénonçant les fraudes ici et là, il ne conteste nullement les chiffres retenus, – 54 puis 52% d’électeurs–, alors que ses ex-amis du FPI retiennent le chiffre de 10,58% d’électeurs, le premier chiffre obtenu par la CEI, diffusé puis censuré ! A la vérité, le seul désir du roi des transfuges, c’est maintenant de se mettre à la disposition de la Côte d’Ivoire, c’est-à-dire de Ouattara, et de lui rappeler que sa servilité vaut bien une récompense.
Les paroles de Ouattara équivalent aussi à un camouflet pour la France, cette France d’un président Hollande censé lui aussi appartenir au camp des “socialo-marxistes”. Ouattara est grand; Ouattara est fort : il est parvenu à magouiller tout seul, comme un pro, tout juste conseillé peut-être par quelques officines françaises « libérales », “républicaines” et non-marxistes, entraînant dans le marigot de ses malversations les « socialistes » au pouvoir à bord du vaisseau post-négrier Françafricain, et abandonnant sur le rivage un Affi qui se croyait déjà en chemin pour devenir le nouveau poulain des maîtres de l’Hexagone.
Que va-t-il se passer maintenant ? Bientôt les élections législatives… A n’en pas douter, personne, cette fois encore, ne sortira voter, puisque tout est déjà décidé, concocté, mitonné, mijoté… Alors qu’un candidat aux présidentielles avait été refusé pour raisons de santé, il ne reste donc qu’à souhaiter que le président Ouattara, 73 ans, – dont l’état de santé a causé bien des frayeurs à son entourage pendant son premier mandat et même, selon certaines indiscrétions, lors de la tournée électorale –, jouisse bien de cette trêve glorieuse, de sa forme apparemment retrouvée.
Car bientôt, les mirobolantes perspectives évoquées dans sa com – miracle ivoirien, croissance à deux chiffre imminente, essor vertigineux à la Coréenne, grâce auquel jaillira même bientôt de terre une université entièrement dédiée aux femmes –; tout cela, il va falloir le prouver ! Et ce sera de nouveau l’épuisant recours aux voyages au bout du monde pour dénicher enfin ces investisseurs de plus en plus introuvables, ces perles rares aussi inconscientes que courageuses : car quoi que l’on en dise, la sécurité est loin d’être garantie dans une Côte d’Ivoire où les microbes tiennent toujours les rues, où les dozos ne sont toujours pas désarmés, et où beaucoup de rebelles sans emploi attendent encore leurs soldes de 2010/2011 !
Mais que l’on se rassure, les Ivoiriens ne le verront pas beaucoup, leur Ado-la-Com; il a obtenu leurs voix, surtout leurs non-voix, il n’a pas besoin de faire des promesses en croisant les doigts. Ado a gagné; Ado a triché, mais Ado est le plus fort, le plus intelligent, le plus beau… Au programme il y aura encore des ponts, encore des routes, encore du béton. Encore des dettes, encore des mensonges, encore du micro crédit pour les sœurs de sainte Dominique qui n’arrive plus à dissimuler le travail des enfants dans les champs de cacao. Bienvenue dans le décor de carton pâte de cette Côte d’ Ivoire idyllique, où le train de l’émergence est à quai !
Bienvenue à l’Ivoirien Nouveau incarné par l’empereur omnipotent. Puissent son assurance et son arrogance monter encore d’un cran, son mépris du peuple également; alors, tout naturellement comme un aliment non digéré vomi par l’organisme, il pourra enfin partager le sort enviable et doux du copain Blaise Compaoré, qui lui aussi, avant d’être balayé par le vent d’une histoire qui parfois cesse de bégayer, avait remporté « haut la main » ses dernières élections !
Shlomit Abel, le 1er novembre 2015
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