L’actuel numéro un ivoirien, Alassane Ouattara, conçoit l’élection présidentielle du 25 octobre prochain comme une sorte de « sacre » et de « plan de communication » qui convaincra le monde entier que le pays qu’il dirige est désormais une vraie démocratie et un pays réconcilié. Une chose est sûre : son système fonctionne selon une sorte de dualité. Il donne une « belle image » à l’étranger ; et présente un autre visage à l’intérieur. Et se distingue par des dérapages verbaux aux relents autoritaires très peu relayés à l’extérieur de la Côte d’Ivoire, où il jouit de solides soutiens. Nous en avons relevé quelques-uns.
Bruno Koné
1 – Bruno Koné, porte-parole du gouvernement, s’expliquant, le 6 octobre 2015, sur le choix du gouvernement d’octroyer une « subvention » de 100 millions, non prévue par la loi, aux opposants acceptant de participer au scrutin : « Quand vous jouez un match et que vous menez 10 à 0, vous pouvez donner une passe à votre adversaire pour qu’il joue aussi. Ainsi, nous leur avons fait la passe parce que nous avons déjà gagné le match. »
2 – Le même Bruno Koné, justifiant l’occupation du siège du quotidien d’opposition Notre Voie par des miliciens à la solde du pouvoir, le 4 août 2011 : « Ce qui entraîne ce genre d’actes, c’est ce qui se dit tous les jours. Notre voie dit tous les jours ce qu’elle pense. Mais cela peut choquer des sensibilités qui peuvent s’exprimer de façon incorrecte. Peut-être qu’en se comportant autrement, on peut amener les gens à mieux se comporter. »
Kandia Camara
3 – Kandia Camara, ministre de l’Education nationale, le 6 octobre 2015 : « C’est une élection kouman bana » (« kouman bana » = on ne parle plus = les jeux sont déjà faits).
Adjoumani
4 – Kobenan Kouassi Adjoumani, ministre des Ressources animales et halieutiques : « Affi [le président d’une des deux branches rivales du FPI, parti de Laurent Gbagbo] oublie qu’il est un prisonnier ambulant. Il oublie également que c’est grâce à Ouattara qu’il est candidat. Affi doit savoir qu’il n’a pas le monopole de la violence. S’il continue, il trouvera devant lui des Éléphants qui vont l’écraser. » [Le 12 septembre 2015].
Aamadou Soumahoro
5 – Amadou Soumahoro, secrétaire général par intérim du RDR, parti ouattariste : « Le FPI est une tragédie. Par pitié, nous avons libéré Affi N’Guessan de prison… » [Le 12 septembre 2015]
6 – Le même Amadou Soumahoro, le 18 mars 2012, sur la place de la grande mosquée de Dioulabougou, à Daloa : « Nous assumons la responsabilité de l’insécurité dont les militants du FPI parlent tant. (…) Désormais, nous allons demander à nos militants de se mettre en ordre de bataille pour mater tous les militants du FPI qui s’attaqueront au président Alassane. Nous n’allons plus accepter les arrogances du FPI. Oui, nous allons les mater. Ils oublient que tous ceux qui se sont attaqués à Alassane se trouvent au cimetière. »
ADO
7 – Alassane Ouattara lui-même, lors d’un meeting à Odienné, dans le nord du pays : « Nous sommes maintenant dans la campagne bientôt, et exigez que chacun [des candidats, nda] qui viendra vous dise ce qu’il va faire pour vous comme moi je le fais aujourd’hui. Chers parents, je lance cet appel à partir d’Odienné parce qu’ici je sais qu’en réalité je ne suis pas seulement le candidat unique du RHDP mais je suis le candidat unique ; un point un trait. »
Hamed Bakayoko
8 – Hamed Bakayoko, le 25 juillet 2015, lors d’un meeting d’Alassane Ouattara à Séguéla, dans le nord du pays : « Nous sommes vos guerriers et nous sommes fiers de l’être. Celui qui touche à ADO, il doit d’abord passer sur notre corps. Quand tu as affaire à ADO, tu as affaire à nous. Monsieur le président, ici, quand on dit « Alassane », les gens lèvent la main. Si la suite est bonne, ils viennent de façon vigoureuse vous rejoindre pour vous donner une clameur d’applaudissements. Mais si tu dis « Alassane » (…) et que ce que tu dis ne leur plaît pas, ils tombent sur toi. »
Affoussiata
9 – Affoussiata Bamba Lamine, ministre de la Communication, le 22 octobre 2014, à propos du jugement des ex-dignitaires de l’administration Gbagbo : « Vous savez que c’est quand même un procès politique. En plus du droit, c’est aussi l’aspect politique qu’il faut regarder (…) Il faut savoir que le politique est important, il faut en tenir compte. Il faut tenir compte du fait que nous sommes dans un environnement (…) Il s’agit d’un problème politique. Il s’agit aussi d’un procès politique. Donc il faut tenir compte de ce procès, du fait qu’il soit politique ».
Alain Lobognon
10 – Alain Lobognon, ancien ministre des Sports, le 18 septembre 2013, à propos des traitements inhumains et dégradants infligés au syndicaliste Mahan Gahé, mort deux ans plus tard après une longue maladie : « La torture ne tue pas ».
Théophile Kouamouo [avec la participation de Stéphane Bahi]
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