Le chef de l’Etat Alassane Ouattara a participé le jeudi 28 mai 2015, à la célébration de la journée internationale des casques bleus. Ci-dessous son discours dans lequel il met en garde contre les dérives à l’occasion de la future présidentielle
Mesdames et Messieurs,
C’est avec beaucoup d’émotions que je prends part aux célébrations de la Journée Internationale des Casques bleus.
J’ai tenu à être parmi vous, à l’occasion de cette journée, pour traduire la reconnaissance du Gouvernement et du peuple ivoiriens, pour la contribution exceptionnelle des Nations Unies au retour de la paix dans notre pays.
Je voudrais donc, profiter de la cérémonie qui nous réunit ce matin pour rendre hommage aux 133 de vos collègues, militaires et civils, disparus depuis la création de votre mission en 2004.
Je salue leur mémoire et je présente la compassion de la nation tout entière à leurs familles.
Tout comme le peuple ivoirien, le personnel des Nations Unies a payé un lourd tribut des douloureux évènements que notre pays a connus.
Je voudrais à cet égard qu’on se souvienne de ces sept braves soldats Nigériens lâchement assassinés en juin 2012 près de Guiglo. Ce crime n’est pas resté impuni et nous continuerons de traquer tous ceux qui ont été mêlés à cet acte odieux.
Les casques bleus des Nations Unies ainsi que le personnel civil peuvent être fiers de ce que les Nations Unies ont accompli en Côte d’Ivoire. Vous êtes, avec le peuple ivoirien, les principaux artisans du retour de la paix dans notre pays et de sa reconstruction.
Le thème de cette Journée est pertinent et d’actualité.
Il nous interpelle sur les enjeux contemporains des opérations de maintien de la paix et sur son avenir, pendant cette période cruciale, caractérisée par des restrictions budgétaires et de nouveaux enjeux.
Alors que nous célébrons cette année le 70ème anniversaire de l’Organisation des Nations Unies, force est de constater que les Opérations de maintien de la paix et le métier du maintien de la paix en lui-même ont beaucoup évolué depuis 1948. En effet, la première Opération de maintien de la paix dénommée Organisme des Nations Unies Chargé de la Surveillance de la Trêve (ONUST) a été déployée en 1948 en Palestine.
67 ans plus tard, le maintien de la Paix est à nouveau à la croisée des chemins, confronté à des défis bien plus complexes que ceux rencontrés au lendemain de la chute du mur de Berlin. La nature des conflits et des acteurs a changé. Les Opérations de maintien de la paix sont de plus en plus compliquées à concevoir et à encadrer. Les ressources et les équipements difficiles à mobiliser, alors que leur Budget a dépassé, en cette période de crise financière, le seuil critique des 8 milliards de dollars américains.
Face à ces contraintes, notre organisation doit en permanence s’adapter, afin de répondre efficacement aux appels au secours émanant de plusieurs théâtres de conflits, notamment en Afrique. Nous devons tout faire pour ne plus avoir à vivre les terribles scènes d’humiliation des Casques Bleus en Bosnie en 1995, en Sierra Léone en 2000 ou plus récemment au Liban dans le Golan en 2014.
L’adaptation du Système des Opérations de maintien de la paix tient surtout de notre détermination, nous les Etats membres, à éviter à la communauté internationale de nouvelles faillites telles que le terrible génocide des Tutsis au Rwanda en 1994 et, dans une moindre mesure, les massacres de Srebrenica en 1995. C’est pourquoi, la situation actuelle au Burundi nous interpelle tous.
Ainsi, de courageuses réformes ont été menées, afin de renforcer l’efficacité des Casques Bleus.
A cet effet, je voudrais saluer l’action, la volonté et surtout la détermination des Secrétaires généraux des Nations unies de ces dernières décennies, notamment Messieurs Boutros-Boutros Ghali, Kofi Annan et Ban Ki-Moon. Une question persiste néanmoins, celle de savoir si la réaction de la Communauté internationale, à travers les Casques bleus, est toujours adaptée à la violence des conflits actuels.
Au regard de notre expérience, la réponse est variable. Les Opérations de maintien de la paix sont de plus en plus confrontées à l’hostilité des parties au conflit, qui exploitent les faiblesses et la complexité de leurs mandats.
Toutefois, pour atteindre les objectifs assignés aux Opérations de maintien de la paix, le Conseil de sécurité doit faire sa mue et adopter des résolutions et des mandats plus clairs et plus précis. En outre, les contingents déployés doivent être constitués de professionnels bien formés, bénéficiant de règles d’engagement et d’équipements adaptés aux menaces.
Sur ce point, je salue les efforts importants qui ont été réalisés récemment et qui ont permis le recours aux drones dans les opérations des Nations unies en RDC et au Mali par exemple. Néanmoins, des efforts supplémentaires sont nécessaires. J’encourage donc les pays qui en ont les moyens à faire davantage pour doter nos missions de paix des équipements importants qui leur font tant défaut, notamment les hélicoptères de transports de troupes et d’attaque. La même importance doit être accordée au renforcement des capacités des contingents en privilégiant les partenariats nord-sud dans le but d’améliorer la formation des contingents des pays du Sud, en particulier des pays africains, servant dans les Opérations des Nations unies.
Dans le paysage des mandats adoptés par le Conseil de sécurité des Nations unies ces dernières années pour les opérations en Afrique, nous pouvons dire que celui de l’ONUCI a été particulièrement cohérent et inédit à plus d’un titre, même s’il n’a pas toujours été pleinement à la hauteur de nos attentes en ce qui concerne la protection des civils.
Ce mandat a été marqué par une rare originalité de la part du Conseil de sécurité, qu’il s’agisse de la certification des élections, de la sécurisation du scrutin ou de la protection des civils pendant la crise postélectorale. L’ONUCI fera toujours figure d’exception parmi les opérations déployées par les Nations Unies en Afrique et dans le monde, parce que les grands moments de consensus international sont rares dans l’histoire de notre Organisation.
En dépit des critiques qui jalonnent son histoire, le maintien de la paix mené par les Nations unies reste très utile, compte tenu de l’incapacité de la plupart des grandes organisations régionales à mettre en place des outils de sécurité collectifs à même de répondre aux nouvelles menaces.
Le futur model du maintien de la paix prend forme chaque jour sous nos yeux.
En effet, les flux migratoires incontrôlés et illégaux, les catastrophes naturelles de grande ampleur telles que les Tsunami, les drames épidémiologiques telles que l’épidémie à virus Ebola, qui a déjà fait plus de dix mille morts dans notre région, l’intolérance et l’extrémisme, sont autant de facteurs qui nécessiteront le déploiement de casques bleus d’un type nouveau. Nous devons dès maintenant préparer notre Organisation à faire face à ces menaces du 21ème siècle.
Le Sacrifice des Casques bleus nous invite à célébrer la paix, qui est le but ultime de leur mission, de votre mission dans notre pays. Depuis 2004, nous avons franchi ensemble de nombreuses étapes. Elles ont permis au pays de renouer avec la paix et de renforcer notre construction démocratique. Je voudrais tout spécialement vous féliciter et vous remercier Madame la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies, pour vos actions discrètes mais importantes de bons offices, et pour le soutien que l’ONUCI et le Système des Nations unies apportent aux Ivoiriens.
Onze ans après la création de l’ONUCI et au moment où, d’un commun accord entre le Gouvernement et le Conseil de sécurité, la mission a entamé la réduction progressive de ses effectifs, en vue de sa fermeture dans les années à venir, nous avons de nombreux objectifs à atteindre ensemble.
Je vous invite notamment à mettre au service de la Commission Nationale de Réconciliation et d’Indemnisation des Victimes (CONARIV), dirigée par Monseigneur Ahouana, un homme de grande qualité, d’expériences et de conviction, votre connaissance des évènements que nous avons vécus, afin de l’aider à identifier partout les victimes à indemniser, pour que personne ne soit oublié.
Nous devons également accélérer la réalisation du DDR et de la RSS qui bénéficient déjà de votre soutien total, de l’engagement de l’Etat et de nombreux partenaires. Le DDR notamment sera mené à terme cette année. Je compte sur votre assistance pour atteindre cet objectif tout en rassurant les ex-combattants sur les opportunités qui s’offriront à eux.
Nous devons surtout organiser, avec votre soutien et dans le cadre de votre mandat actuel, au demeurant bien connu de tous, l’élection présidentielle d’octobre prochain, qui enracinera définitivement la démocratie dans notre pays et pourra ainsi attester de la solidité de nos institutions.
La Côte d’Ivoire est désormais en paix et dispose des capacités nécessaires pour permettre aux Ivoiriens de voter en toute sécurité. Cette élection sera transparente, ouverte à tous et apaisée. Aucune dérive susceptible de porter atteinte à la cohésion nationale, à la paix et à la sécurité des ivoiriens à l’occasion de ce scrutin, ne sera tolérée.
Honorables invités,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais pour conclure, féliciter encore une fois toutes ces femmes et tous ces hommes qui, au sein de la grande famille des Nations Unies, contribuent avec courage, détermination et abnégation, à l’avènement d’un monde de paix et de démocratie, débarrassé du fardeau de la guerre et de la violence.
Je vous remercie.
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