Réponse aux Évêques catholiques de Côte-d’Ivoire – Venance Konan défend le régime Ouattara

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Vérité et réconciliation

Par Venance Konan

La conférence des évêques catholiques de Côte d’Ivoire a clôturé sa 101e assemblée plénière il y a quelques jours à Taabo et publié, à cet effet, une déclaration dans laquelle elle se prononce sur « les conditions d’une réconciliation vraie pour une élection apaisée.»

Pour nos évêques, nous sommes encore très loin de la réconciliation.

Ainsi, écrivent-ils dans leur texte : « En effet, la Cdvr (Commission dialogue, vérité et réconciliation) qui avait si bien commencé et qui suscitait beaucoup d’espoir chez les populations, est arrivée au terme de son mandat sans avoir relevé le défi de la Réconciliation. à vrai dire, les rancœurs, les tensions, les frustrations, les traumatismes et la pratique du rattrapage ethnique sont toujours présents dans notre pays. Le pouvoir et l’opposition continuent de se défier. L’on reste toujours arc-bouté à son appartenance régionale, tribale ou ethnique. Par ailleurs, le problème foncier reste entier dans certaines régions… Par ailleurs, le front social en ébullition, ces derniers temps, nous inquiète tous. Aussi les archevêques et évêques encouragent-ils les uns et les autres à créer les conditions d’une réconciliation vraie. » Nos évêques et archevêques ont parfaitement raison.

Mais à les lire, on peut se demander si « le défi de la Réconciliation » comme ils disent, a jamais été relevé dans ce pays. Y a –t-il eu dans ce pays une période où les rancœurs, les tensions, les frustrations, les traumatismes, le rattrapage ethnique, les problèmes fonciers n’ont pas existé ? Et cesseront-ils un jour d’exister dans ce pays ou ailleurs dans le monde ? Est-ce le jour où tous ces maux disparaîtront que nous dirons que le défi de la Réconciliation a été relevé ? Je pense qu’il ne faut pas être trop idéaliste. Le front social en ébullition nous inquiète, certes, et nous aurions préféré qu’il fût plus calme. Mais un front social chaud ne signifie pas que nous sommes sur le point de nous découper en petits morceaux. Il signifie que des travailleurs réclament des droits. Ont-ils tort ou raison de le faire maintenant ? Leurs revendications sont-elles fondées ? L’état a-t-il les moyens de satisfaire leurs attentes ? Je dirais que ce sont des débats normaux dans toute démocratie, et une grève ne devrait pas inquiéter plus que cela, si elle n’a pas de visée politique. « Le pouvoir et l’opposition continuent de se défier », écrivent les archevêques et évêques.

Dans une démocratie, le pouvoir et l’opposition n’ont pas à se défier. Ils doivent coexister, dans la connaissance de leurs droits et devoirs respectifs. Là où le problème se pose, c’est lorsque l’opposition ou du moins une frange de l’opposition ne veut pas reconnaître le pouvoir. C’est le cas dans notre pays. Et c’est là que nos prélats doivent jouer le rôle qu’ils se sont assigné. Ils écrivent ceci dans leur texte : « Nous, autorités religieuses, sommes les guides et les éclaireurs des consciences des hommes, des femmes et des communautés au nom de la foi en Dieu. à ce titre, nous ne devrions pas avoir peur de dire la vérité qui s’impose, et qui seule libère. »

C’est cette vérité que nous attendons de vous depuis fort longtemps. En 2010, j’avais écrit ces lignes à l’attention du Cardinal Agré : «Votre éminence, les deux vérités que vous auriez dû dire à vos ouailles, et, au-delà d’eux, à tous les Ivoiriens, sont celles-ci. »

La première est qu’en 2005
, à Pretoria, devant la méfiance qui régnait entre tous les acteurs politiques ivoiriens, nos leaders politiques, avec à leur tête le chef d’état d’alors, M. Laurent Gbagbo, ont décidé que les résultats de ces élections-ci soient certifiés in fine par les Nations unies. Et celles-ci ont traduit cela en 2007 par la résolution 1765. Cela veut dire que le dernier mot ne revenait plus au Conseil constitutionnel, mais au certificateur de l’Onu. Vous conviendrez avec moi, Votre éminence, que si le dernier mot devait revenir à l’une de nos institutions, il n’aurait pas été nécessaire d’aller chercher un certificateur ailleurs.

Et je remarque que vous-même n’aviez pas bronché lorsque le représentant de l’Onu avait certifié, après le Conseil constitutionnel, les résultats du premier tour qui plaçaient M. Gbagbo en tête du scrutin et éliminaient, entre autres, M. Bédié. Comment donc pouvez-vous parler d’ingérence, dès lors que ce sont les Ivoiriens eux-mêmes qui ont demandé, sans aucune contrainte, à l’Onu de venir certifier leurs élections ? Vous n’avez pas vu d’ingérence dans nos affaires intérieures lorsque cette même communauté internationale finançait notre processus électoral, des audiences foraines à la fourniture d’isoloirs et d’encre indélébile en passant par les inscriptions sur les listes électorales ?

La seconde vérité que vous auriez dû dire à vos ouailles, aux Ivoiriens, et au monde entier, c’est que notre droit dit précisément ceci à propos du rôle du Conseil constitutionnel: « Dans le cas où le Conseil constitutionnel constate des irrégularités graves de nature à entacher la sincérité du scrutin et à en affecter le résultat d’ensemble, il prononce l’annulation de l’élection et notifie sa décision à la Commission électorale indépendante qui en informe le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies et le Représentant spécial du Facilitateur à toutes fins utiles. La date du nouveau scrutin est fixée par décret pris en Conseil des ministres sur proposition de la Cei. Le scrutin a lieu au plus tard 45 jours à compter de la date de la décision du Conseil constitutionnel. » Votre éminence, nulle part notre droit n’autorise le Conseil constitutionnel à annuler les résultats d’une région et à inverser les résultats d’ensemble du scrutin. »

Messieurs les archevêques et évêques, le jour où vous aurez le courage de dire ces vérités aux hommes et aux femmes qui croient en vous, quand vous auriez dit qui a livré Robert Guéi à la soldatesque de Gbagbo, vous auriez fait un grand pas vers la Réconciliation.

Venance Konan

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