Côte d’Ivoire Augustin Comoé (pro Affi) «Les camarades de Mama servent les intérêts du pouvoir»

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Interview par Connectionivoirienne.net

«Nous sommes venus militer au Fpi parce que ce n’était pas une secte dirigée par un gourou»

Augustin Comoé, ancien ministre de Laurent Gbagbo a dirigé ce weekend l’organisation du séminaire sur l’actualisation du programme de gouvernement du Fpi. A cette occasion, Connectionivoirienne a recueilli ses avis sur le congrès de Mama et sur bien d’autres sujets

Vous organisez un séminaire du Fpi alors que vos anciens camarades viennent de prononcer la radiation de Pascal Affi N’guessan à l’issue de leur congrès de Mama. Quelle réaction cela suscite de votre part ?

Je ne pense pas qu’il soit utile pour le Fpi de régler son calendrier sur les agissements de personnes qui se mettent volontairement hors des lois de la République. Nous avons un programme, nous avons des responsabilités. En tant que responsables politiques, première force politique de ce pays, nous nous devons d’avoir en toute circonstance, une attitude de responsables et c’est ce que nous sommes en train de faire. Notre objectif en tant que parti politique, c’est d’œuvrer à la reconquête du pouvoir que nous avons perdu dans les conditions que tout le monde sait, pour que le peuple de Côte d’Ivoire, désemparé compte tenu de la mauvaise gouvernance de ceux qui nous ont remplacés, puisse trouver dans le Fpi un moyen d’être soulagé des problèmes qui les écrasent. C’est là notre préoccupation et toute autre préoccupation n’est que diversion servant des intérêts que nous ignorons et auxquels l’on ne peut prêter attention. Nous nous apprêtons à reconquérir le pouvoir et le premier outil de reconquête du pouvoir, c’est le programme de gouvernement.

Est-ce que leur acte que vous considérez pratiquement comme un non-événement ne vous fragilise pas, vous qui voulez aller à la conquête du pouvoir ?

Vous posez deux problèmes différents. Le fait que ce soit un non-événement et le fait que cela nous fragilise. Et c’est vraiment un non-événement parce que si vous avez suivi le développement interne de cette crise, vous comprendrez après analyse que les camarades frondeurs servent les intérêts du parti au pouvoir. De sorte que le Fpi qui est la seule vraie alternative ne puisse pas avoir les moyens de créer l’alternance. C’est donc un non-événement qui ne doit pas nous ébranler.

Ils ont quand même avec eux une frange de militants sur lesquels vous comptez pour briguer la présidentielle d’octobre !

Bien sûr ! Mais ce sont des militants du Fpi qui peuvent être égarés. L’essentiel est que les forces politiques du Fpi qui comptent sont avec la direction légale incarnée par Pascal Affi N’guessan. Si vous suivez, nous avons envahi les régions depuis une semaine avec 32 délégations pour porter le message du Fpi. Et partout où nous avons été, il y a eu de l’engouement pour écouter ce message ! Moi j’étais dans le N’zi et je puis vous dire que là-bas, les militants n’ont pas la même préoccupation que ceux qui entretiennent le bruit de Mama.

Monsieur le ministre Comoé, depuis plus de huit mois que dure la crise, le président Gbagbo vous observe et ne dit pratiquement rien officiellement. Qu’est-ce que cela vous fait ? Son mot aurait pu inverser les choses à votre avis ?

Là n’est pas le problème. Notre préoccupation c’est de dire que le président Gbagbo est incarcéré à la CPI et comment il en sort. La préoccupation d’un prisonnier politique de ce niveau-là, n’est pas de rentrer dans des palabres politiques.

Pensez-vous toujours que le fait pour lui d’être président du Fpi est l’expression de sa volonté ou le fait d’une manipulation ?

Je n’en sais rien car je ne peux pas lire dans la pensée de quelqu’un ! Mais je dis et je répète que la préoccupation d’un prisonnier international, retenu dans la prison de la communauté internationale, ce n’est pas de gérer un parti politique.

Même s’il n’est pas encore jugé ?

Même s’il n’est pas encore jugé et encore plus ! Sa préoccupation c’est comment sortir de là surtout que nous savons tous comment le président Gbagbo a été déporté là-bas. Ce n’est pas pour avoir tué qui que ce soit ! Le président Gbagbo n’est pas un dictateur, il n’est pas un violeur. C’est un humaniste ! Et il est encore soutenu par son peuple. Il avait l’effectivité du pouvoir et avait toutes les institutions avec lui. Cela n’a pas empêché ceux qui l’ont emmené là-bas de le faire. C’est tout un message que nous devons percevoir. Est-ce le fait de diriger un parti politique qui donnera plus d’étoffe au président Gbagbo qui a dirigé la République et qui est rentré dans l’histoire ? Il est rentré dans l’histoire, il est allé au-delà de la Côte d’Ivoire. Est-il encore utile de le ramener au stade d’une association privée là où il revendique la popularité africaine et la paternité de la démocratie ivoirienne ? Moi je pense que cela n’est pas nécessaire et je pense que nous qui sommes en liberté, avons le devoir de démontrer que Gbagbo n’a pas fait œuvre inutile trente ans durant pour que la Côte d’Ivoire soit sur le chemin de la démocratie. Il a formé les cadres que nous sommes. La seule fois qu’il a besoin de l’apport de ceux-là, il n’est pas bon qu’on aille encore le chercher pour venir régler des problèmes. Il a besoin de nous pour le sortir de cette mauvaise passe dans laquelle il se trouve.

Et s’il arrivait que le président Gbagbo reçoive ceux que vous appelez frondeurs à La Haye sans vous, irez-vous jusqu’à le renier ?

Il n’y a pas de reniement à faire. Nous ne sommes pas des politiciens de circonstance. Vous connaissez l’histoire de la Côte d’Ivoire. Nous sommes nés sous le parti unique, le Pdci-Rda. Pourtant nous n’avons pas milité, nous autres au Pdci-Rda alors que nous avions tout le confort de militer au Pdci. Nous ne l’avons pas fait pour une seule raison : la pensée unique qui régnait dans ce parti. Nous sommes venus militer au Fpi parce que ce n’était pas une secte dirigée par un gourou. C’est un vrai parti politique moderne et démocratique. Il ne suffit pas qu’un dirigeant de ce parti dise quelque chose pour que les autres s’aplatissent. Donc si nous sommes au Fpi, c’est parce qu’il y existe la possibilité de discuter. Ce qui permet de comprendre avant de choisir. C’est cela notre posture.

Venons-en à votre séminaire. Vous actualisez le programme du gouvernement du Fpi. Peut-on savoir avant terme les changements attendus par rapport à l’ancien programme ?

Le Fpi est le premier parti politique en Côte d’Ivoire à avoir introduit la culture de programme de gouvernement. Dès l’entame nous avons élaboré notre projet de société qui donne notre vision du monde et nous avons actualisé ce projet chaque fois qu’il y a des échéances électorales. Tous les cinq ans normalement, nous revisitons ce programme-là. Nous le faisons pour l’adapter au contexte parce qu’un programme de gouvernement n’est pas immuable. Il tient compte des circonstances. Le cap est maintenu, nous sommes des socio-démocrates, nous voulons créer de la richesse pour la partager de façon équitable pour que tous les Ivoiriens puissent être à l’aise. Pour y arriver nous avons besoin d’adapter notre programme en tenant compte de la mondialisation. Il y a dix ans nos programmes n’avaient pas pris en compte les données d’aujourd’hui. Nous le revisitons en tenant compte des effets de la guerre notamment et de la longue crise de 20 ans.

A propos du bilan de la guerre, que répondez-vous à vos détracteurs qui ont tendance à faire passer la thèse selon laquelle c’est le Fpi qui a fait venir la guerre en Côte d’Ivoire ?

Encore faudrait-il qu’ils le prouvent !

Ils disent qu’en prenant le pouvoir en 2000, vous n’avez pas créé les conditions de la stabilité jusqu’à ce qu’une rébellion coupe le pays en deux…

Comment un pouvoir peut-il installer une rébellion ?

En ne prenant pas les dispositions militaires pour assurer la défense des frontières, disent-ils…

Je vous ai dit que nous étions le seul parti qui a un programme de gouvernement. Nous ne venions pas pour le plaisir de prendre le pouvoir mais pour transformer positivement la Côte d’Ivoire. C’est pour cela que nos propositions pour gouverner sont claires. Tout ce que nous voulons faire, nous le disons au départ. Et vous avez vu à partir de 2000, les 18 mois de pouvoir du Fpi. L’élan que nous avions pris, les réformes institutionnelles que nous avions engagées, notamment la réforme des institutions, celle des filières agricoles, la réforme du système de santé avec la création de l’assurance maladie, la politique de décentralisation révolutionnaire qui a eu l’adhésion de tous les Ivoiriens. Elle permettait la reconstruction équilibrée de toute la Côte d’Ivoire dans ses régions. Et c’est les vrais ennemis de la Côte d’Ivoire qui n’avaient pas de vision pour ce pays qui nous ont attaqués pour empêcher ce que nous étions en train de faire.

Avez-vous une nouvelle idée des questions de défense au regard de l’état actuel des choses après la crise ?

Le Fpi a son idée. Après cette crise, il est évident que nous n’avons plus d’armée. Notre armée a besoin d’être reconstruite et pour le faire, il faut une conjugaison de toutes les intelligences. Ce ne sera pas l’affaire d’un seul parti politique et il faut que tous les Ivoiriens disent un mot. Il faut qu’ils disent leur vision de la sécurité en Côte d’Ivoire. Qu’ils disent leur vision de l’armée. Bien sûr que les gouvernants vont décider, ils ont d’ailleurs toujours décidé. Mais aujourd’hui, nous pensons qu’il est bon qu’on s’arrête pour interroger les Ivoiriens. Et notre proposition là-dessus, c’est « les états généraux de la République » pour entendre les propositions des Ivoiriens.

SD

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