Par Pierre Soumarey
De manière récurrente, la politique d’endettement de notre pays est remise en cause, au regard de l’importance de son volume, jugée excessive par certains. S’il est admis, qu’un endettement incontrôlé et excessif, est dangereux, en ce qu’il est susceptible de mettre à la charge des générations futures, un poids difficilement supportable, qui pénaliserait à la fois le pouvoir d’achat des populations et la capacité de développement d’un État, cette inquiétude est-elle pour autant justifiée, dans le cas de la Côte d’Ivoire ?
Pour bien comprendre la problématique de l’endettement, il convient d’évaluer notre capacité de remboursement à court et moyen terme, et de déterminer le niveau optimal à partir duquel, il est nécessaire d’emprunter pour nourrir notre croissance, sans toutefois la compromettre à terme. Autrement dit, cela revient à déterminer le niveau d’endettement supportable par notre économie, telle qu’elle est aujourd’hui, mais surtout telle qu’elle sera demain. Cette approche dynamique, nous invite à ne pas considérer uniquement, la hauteur du stock de la valeur actuelle de la dette extérieure à un moment donné, mais à analyser également sa productivité à court et long terme, autrement dit, son impact sur la croissance. Pourquoi ? Parce que la croissance, par les revenus supplémentaires qu’elle génère, améliore aussi progressivement notre capacité de remboursement dans le futur. En effet, l’endettement déclenche un processus économique, où les ressources financières procurées par tout nouvel emprunt, se traduit par une augmentation de l’investissement public, dont les effets peuvent agir positivement sur les performances macroéconomiques d’un État, notamment sur l’emploi et la consommation (commande publique), donc stimuler l’activité, mais surtout et principalement, rehausser sa capacité de production. Cette dernière correspond à la capacité d’un État, à générer des flux de trésorerie additionnels dans le futur. Par voie de conséquence, ceux-ci affectent aussi positivement sa capacité de remboursement dans le futur. Ainsi, plus la Production augmente, plus le Revenu global augmente, et plus il sera facile de rembourser sa Dette dans le futur. Non seulement la Dette « intelligente » favorise le développement, mais elle peut permettre à terme, d’accroitre substantiellement les ressources financières d’un État, donc de réduire en fonction de la plus-value réalisée, la nécessité de recourir à de l’endettement extérieur dans le futur, pour poursuivre le financement de son développement. En d’autres termes, nous faisons racheter par l’extérieur, la dette qu’il nous a prêtée, en lui vendant la production additionnelle (exportation), que cet emprunt nous a permis de réaliser, en empochant au passage une marge, correspondant au revenu du surplus de production, par rapport à ce qui est nécessaire à la couverture de l’emprunt considéré. Cette dynamique peut donc déboucher à terme, sur un cercle vertueux, et non sur une impasse, car l’endettement résulte de l’activité économique dans laquelle elle s’insère. Il y une interdépendance entre son aspect financier et son aspect économique, qui fait qu’on ne peut pas le traiter, comme on le ferait d’un crédit ordinaire.
Nous voyons bien de ce qui précède, que c’est plutôt la gestion de la Dette, et les stratégies d’investissement du Gouvernement, qu’il faut interroger et analyser de manière dynamique, pour s’assurer que la Dette Extérieure est bien utilisée, donc suffisamment productive pour dégager des marges confortable (couverture du remboursement de l’emprunt et dégagement d’un surplus). D’une part, il faut vérifier qu’elle ne sert pas à financer de manière significative, les obligations du service de la Dette antérieure et les dépenses courantes de fonctionnement. Autrement dit, il faut s’assurer que l’emprunt est adossé à de l’investissement. D’autre part, il faut s’assurer qu’il sert à financer effectivement des projets à rendement élevé, pas nécessairement rapide, dans la mesure la mesure où il faut intégrer dans cette dynamique, le long terme, afin de créer aussi, les conditions d’une croissance durable (projets structurants, infrastructures et équipements de base, amélioration du coût des facteurs, réformes structurelles et budgétaires pour affermir l’équilibre des finances publiques et dégager une marge pour les investissements futurs). La structure du budget nous renseigne d’avantage sur le point atteint dans cette dynamique d’évolution, qui une fois de plus s’inscrit dans la durée, pour permettre au processus de se dérouler entièrement, en fonction de la vitesse de rotation de l’activité. Ce que nous pouvons apprécier aujourd’hui, c’est la tendance de fond des indicateurs impliqués dans ce processus, après les avoir correctement identifiés, et les perspectives qu’elles ouvrent, pour nous situer sur le degré de probabilité de l’un des scénarii d’évolution, précédemment décrits. Cercle vertueux ou impasse ?
Comment analyser la stratégie d’investissement du Gouvernement actuel, telle que nous pouvons la percevoir sur le terrain et à travers certains agrégats ? Il convient de se préoccuper en premier lieu, de la relation entre l’en-cours de la Dette Extérieure et la croissance du PIB, appréhendée plus particulièrement à travers les exportations. Cette comparaison, permet d’apprécier le lien mécanique entre le déficit et la dynamique d’endettement, donc d’évaluer dans le moyen terme, le risque de surendettement, suivant que l’une de ces variables croit plus vite que l’autre. Pour l’école Keynésienne, c’est du surplus de sa capacité nette à transférer à l’extérieur sa production, pour couvrir le service de sa dette extérieure, qu’un État viabilise sa croissance et que sa dette devient soutenable (capacité de transfert élargi). C’est le seuil d’entrée dans un cercle vertueux pouvant le conduire à l’autofinancement. Aussi, c’est ce niveau critique qu’il faut rechercher dans nos analyses, en considérant l’endettement comme un processus économique dynamique et non statique. Ensuite, il faut observer, comme nous l’avons déjà dit, la relation entre la dette extérieure et l’investissement public, pour s’assurer de l’efficacité de son emploi, et de ce qu’il n’existe pas de graves distorsions entre ces deux indicateurs, faute de quoi, il faudra les corriger, soit par une augmentation de la pression fiscale, soit par un recours systématique à de nouveaux emprunts, à défaut d’augmenter la masse monétaire. Enfin, il faut analyser la nécessité d’emprunter, résultant de l’écart entre notre besoin effectif d’investissement pour amorcer le processus de notre émergence et le niveau de nos ressources disponibles. Sous cet angle d’approche, la dette correspond à l’accumulation des besoins de financement sur plusieurs périodes successives. La question est de savoir si nous avons face à ce défi, la politique de nos moyens. Il en découle la nécessité de disposer d’un plan pluriannuel de développement, comprenant un programme d’investissement et un prévisionnel d’activité, permettant d’anticiper sur toute dérive. Cette relation met l’accroissement des besoins d’investissement en adéquation constante avec notre capacité de remboursement dans le temps. C’est notre fameux PND qui à ce titre, s’avère être un outil de référence, pour nous éclairer utilement sur l’avenir, quant à notre problématique. On ne saurait omettre sans motif sérieux (incapacité du Gouvernement à respecter ces objectifs/contraintes) cet élément prospectif, déterminant pour l’appréciation objective de notre Dette future. Par ailleurs, à côté de l’endettement extérieur, il convient de porter aussi, une attention particulière, au niveau de l’épargne locale (plus elle est élevée, moins nous avons recours à l’étranger) et à l’équilibre de la balance de paiement (position de notre trésorerie immédiate), pour que le financement de la croissance vers l’émergence soit endogène, sans que le poids d’une dette trop lourde ne la ralentisse, voire ne la compromette. Qu’en est-il de la Côte d’Ivoire et des choix stratégiques du Gouvernement ?
A- Généralités:
Je suis toujours surpris, que ceux qui dénoncent notre endettement, n’envisagent jamais cette question complexe, sous un angle dynamique. Même en adoptant, un angle d’analyse statique, il apparait que les ratios actuels de la Dette Publique nominale brute, ne soient pas alarmants, dans la mesure où ils s’alignent sur des standards internationaux, exprimés au moyen de fourchettes, généralement admises comme étant révélatrices de bons équilibres, lorsque les indicateurs macroéconomiques sont compris dans ces normes (45 à 55% du PIB pour la Dette Nominale, contre une norme UMOA et CEE de 70%, 20 à 30% de la Dette en Valeur Actuelle Nette, 140 à 170% des Exportations, plus de 35% de l’élément don des Dettes Concessionnelles, de 2 à 2,5 des Recettes budgétaires). De mon point de vue, le risque présent se situe d’avantage au niveau du financement des dépenses publiques, relatives aux destructions de la crise post-électorales, du passif (déficit d’infrastructures et d’emploi) de la gestion précédente, de certaines mesures improductives (certains IDH), parce que démagogiques(culte de la personnalité et hymne à la louange d’un être exceptionnel, sorte de messie), et des dépenses de prestige (visibilité de l’action), donc de la capacité de l’Etat à contenir les pressions politiques, sociales et électoralistes, car nous avons encore trop de « fausses dépenses », de « subventions », « d’aides », « de récompenses » et « d’imprévus ». Cette dérive peut nous conduire à la mise en place progressive d’un État Providence et d’une société d’assistanat, par nos sorties régulières du périmètre des missions régaliennes d’un État. Rappelons le encore, pour pouvoir distribuer de la richesse, il faut en créer et en produire en amont. On ne peut distribuer que ce qu’on a, sauf à l’emprunter à un tiers. Pour s’y résoudre, il faut que ce besoin s’avère, soit indispensable (incontournable) soit vital (absolument nécessaire). Ceci tombe sous le coup du bon sens. C’est la logique primaire du comportement économique de tout ménage. Alors d’où nous vient t-il, que des « intellectuels » et des « responsables » politiques, souhaitent une inversion de cet ordre, mieux y poussent constamment ? Faut–il croire qu’ils sont dans la démagogie ? Par ailleurs, lorsqu’ils prétendent que la croissance actuelle est « appauvrissante », et que c’est elle, qui serait à l’origine de la paupérisation des populations et du chômage, ils nient la réalité historique et économique des faits. Faut-il croire qu’ils sont dans l’imposture ? Ces postures ruinent l’intérêt du débat, même si ce dernier doit prendre en compte la dimension sociale de la politique économique. Conflictualité de logiques économiques ou conflictualité politique ?
Premièrement, nous observons que notre étroite collaboration avec les institutions de Brettons Wood rassure, car le FMI et la Banque Mondiale, ont mis en place, depuis quelques années, des cadres d’analyse pertinents, qui permettent de déceler très tôt, les risques de vulnérabilité, liés à la Dette des pays, notamment PVD et post-PPTE. C’est l’une de leurs préoccupations majeures, et elles imposent des mesures de prudence (plafond aux emprunts non concessionnels) et des conditionnalités aux soutiens financiers qu‘elles apportent (bonne gouvernance et réalisation des engagements). Le plafond de la Côte d’Ivoire est limité à 900 Millions de Dollars US, à fin 2014. Celui-ci n’a pas été dépassé, et lui a permis d’élargir et de diversifier, ses sources de financement (marge de liberté). Or, à ce jour, ces institutions se déclarent satisfaites de la gestion et du niveau de la Dette Extérieure Ivoirienne, bien que de nombreux engagements ne soient pas encore pleinement réalisés, au plan macroéconomique. Deuxièmement, nous sortons d’une profonde crise sociopolitique, d’où il apparaît que le niveau excessif de notre Dette Extérieure était essentiellement lié à la crise que nous avions connue, du fait d’une activité économique réduite et perturbée. Dès lors, ce schéma d’endettement, ne saurait se reproduire, dans la perspective d’une sortie de crise, que confirme une croissance vigoureuse et soutenue sur les 3 dernières années. Troisièmement, le profil de notre politique budgétaire, peut non seulement se maintenir dans le long terme, sans ajustements intempestifs, mais s’améliorer au fil du temps pour résorber son déficit structurel et se dégager une marge d’autofinancement. Cette dernière se traduirait automatiquement par une stabilité du ratio de la Dette sur PIB, sans cesse en croissance. Dès lors, la confiance est là, tant au plan de la solvabilité du pays, que de la liquidité de sa Dette (capacité de refinancement à échéance). Cette confiance est fondamentale, tant pour notre capacité d’endettement, que pour l’investissement. Le succès de nos Eurobonds et de nos emprunts obligataires, le confirme aussi. En revanche, le fait de ne pas disposer d’une monnaie propre (nationale ou régionale) nous expose à un risque de change important (Dette libellé en devises étrangères), néanmoins couvert par nos réserves de changes et nos Avoirs Extérieurs à la BCAO et autres Banques (plus de 1700 milliards, mécanisme de la parité du Franc CFA, mutualisation de la garantie du risque, opérations courantes). Quatrièmement, l’insuffisance de banques de données disponibles et fiables (disponibilité et fréquence des publications, coût élevé et amélioration des instruments statistiques de collecte et de traitement, avec des niveaux d’analyse de l’activité plus poussés) ne permet pas de connaître très exactement le montant de la Dette Publique et des engagements de l’État (État, Collectivités territoriales, organismes et entreprises d’État), donc nous avons plus affaire, à la Dette Extérieure de l’État, qu’à une Dette Publique stricto sensu. Dès lors, celle-ci pourrait être minorée. Le programme et les instruments de la Gestion de la Dette à moyen terme ne sont pas non plus disponibles, ou tout au moins, ne sont pas connus du grand public, pour que nous puissions nous y référer valablement. Comment émettre un avis éclairé et faire un pronostic solide, dans de telles conditions ?
Par ailleurs, pour une meilleure pertinence des chiffres, il serait avantageux de revoir les indices de base, que la crise a totalement perturbé. Ils ne sont plus pertinents pour apprécier correctement les variations dans le temps, d’autant plus qu’il convient également de reformer les outils d’appréhension de l’activité. S’ajoute à cette faiblesse de lisibilité, d’autres difficultés relatives aux chiffres eux-mêmes. Ceux-ci lorsqu’ils ne sont pas prévisionnels, sont donnés en valeur relative, sans qu’on ne puisse vérifier, par soi-même, leur exactitude. Les chiffres changent continuellement suivant les sources, pourtant autorisées (Trésor Public Ivoirien, FMI, Banque de France, BCAO, INS, Coface, Trading Economics, Ministères du Plan, Ministère des Finances, etc. …), et ne sont pas souvent actualisés, quant ils ne sont pas tout simplement manquants. C’est hallucinant. Il est urgent d’y mettre de l’ordre, et de faire cesser cette cacophonie et cette confusion, où le commentaire s’est allègrement substitué à l’information primaire, et où les données prévisionnelles, sont présentées comme des réalisations, alors qu’on peut/devrait donner les deux, en les séparant. C’est préjudiciable à la visibilité de l’activité et à la transparence de la gouvernance, mais aussi à la fiabilité des chiffres eux-mêmes, et à la connaissance approfondie de la situation économique réelle de la Côte d’Ivoire. Comment maîtriser une économie dans de telles conditions, et planifier son développement ? Comment faire confiance à un pays dans de telles conditions ? Comment avoir une grille de lecture uniforme, pour tous les observateurs, analystes, et investisseurs potentiels, quand les normes internationales IFS (International Financial Standards) et IAAS (International Audit and Accounting Standards) ne sont pas intégrées dans les présentations ? J’avoue que je ne m’y attendais pas du tout. Je n’ose même pas imaginer la situation de ceux dont c’est l’activité professionnelle. Il faillait que je le dise, car cette circonstance m’irrite.
B- Sur les données disponibles :
En essayant de faire avec les données glanées ici et là, nous pouvons observer que les premiers signes de fragilité de notre capacité de remboursement, apparaissent dans les comptes publics, avec l’accumulation d’arriérés (créances exigibles non payées à terme échu) et le rééchelonnement des échéances arrivant à maturité (recyclage des échéances des emprunts obligataires et contractuels). L’Etat continue à trainer une Dette Intérieure estimée à 391 Mds CFA, tandis que les arriérés sur la Dette Extérieure semblent totalement apurée à fin 2014 (Source : Direction Générale du Trésor et de la Comptabilité Publique). Volonté ou moyens ? Dans tous les cas, cette situation, non seulement grève sa cote de crédit à l’international, pénalise l’activité en interne, mais encore suscite des interrogations légitimes sur sa capacité de remboursement, d’autant plus que partie de l’activité est financée par du déficit. Le Gouvernement assure que cet arriéré, est en voie de restructuration (Rééchelonnement de l’échéancier ou renégociation contractuelle de la dette ?) et d’apurement également.
Pour nous permettre d’apprécier les différentes articulations, notamment entre la croissance de la Dette Extérieure et la croissance économique, rapportées au PIB, et de mesurer le poids de la Dette sur nos finances publiques, nous avons dressé le tableau ci-après. Chacun comprendra aisément qu’il n’est pas parfaitement exact, pour les raisons précitées. Néanmoins, il indique des ordres de grandeurs assez précis (exécution budgétaire, performances réalisées, prévisions actualisées) et exprime des tendances de fonds, et cela est suffisant, pour fonder une appréciation motivée. Il sera toutefois observé d’entrée, que le PIB fait ressortir des incohérences flagrantes, si l’on se réfère aux progressions annoncées par le Gouvernement. (Exemple pour l’année fiscale 2012, TP et FMI = 12.600, alors que la Banque de France donne 10.871 pour 2011 et le FMI, 11.360 pour le même indicateur et la même période, soit une progression de 16, 3% et non 9, 7% suivant qu’on prenne tel ou tel autre chiffre. Quel chiffre prendre ?). Tout ceci laisse perplexe, en termes de facilité d’accès, de lisibilité, de disponibilité, de publication, de fiabilité et de cohérence.
Il ressort de ce tableau, que l’investissement, qui est le moteur de l’activité, augmente régulièrement, avec des effets similaires, sur la création de richesse (PIB), les exportations, et les recettes budgétaires. Le mouvement d’ensemble et la progression de niveau sont bons, puisque à l’horizon 2015, les investissements absorberont 30% de la dette extérieure et 10% du PIB. Ce qui dénote à priori une bonne utilisation de la Dette. Cette perspective permet d’envisager d’accroître notre potentiel de développement dans le long terme. Nos exportations couvrent très largement le service de la dette extérieure, en nous laissant une marge confortable. Il apparaît en conséquence, que c’est le poids de la Dette Intérieure qui pèse sur la Dette Publique (55%) et le service de la Dette (80%), et non l’endettement extérieur. Néanmoins, cette situation asphyxie les ressorts internes du dynamisme de l’activité (initiative, épargne locale disponible, investissements privés) et donne à la croissance actuelle, un caractère quelque peu « artificiel », parce que soutenue à bout de bras par les pouvoirs publics, suite au rebond économique dû à l’annulation de la Dette PPTE, et de très nombreuses mesures de soutien de la part de la Communauté Internationale (aides et dons). Pour éviter les risques de bulle, au moment de l’effondrement de la commande publique (tarissement des investissements publics), il est urgent d’une part, de traiter dès à présent, de manière diligente et adéquate le problème de la Dette intérieure, et de faire jouer au maximum la sous-traitance locale dans les différents chantiers entrepris, afin que les investissements publics ne servent pas uniquement à l’extérieur (importation de bien d’équipements et entreprises étrangères de travaux et services), et d’autre part, de susciter (instruments économiques et cadres réglementaires) l’investissement privé direct (étrangers). Donc, si risque il y a, il ne provient pas d’une forte dépendance à l’étranger, mais d’un étranglement de l’initiative locale (investissement, activité, crédit bancaire) et du climat sociopolitique (incertitudes).
La croissance consolidée sur la période 2010-2015 (40%) est à peu près identique à celle de la Dette Publique (47%), laquelle a permis d’entrainer une augmentation de notre trésorerie dans des proportions nettement supérieures à cette dernière, soit 79% (recettes budgétaires intérieures). Dès lors, l’efficacité de l’utilisation de cette Dette n’est pas en cause, et sa productivité reste bonne (amélioration des recettes budgétaires, donc de la capacité de remboursement). De toute évidence, nous n’avons pas atteint le point critique, ou tout endettement supplémentaire ne produirait plus d’effets significatifs sur l’économie (théorie marginale) ou n’entraine plus une plus-value financière après couverture du service de la Dette (modèle Keynésien de la capacité de transfert élargi). Par ailleurs, notre Dette ne dépasse pas le seuil fatidique de 50%, où la Dette est réputée commencer à peser sur la croissance des pays faibles (PVD, théorie de Cléments), puisque nous sommes exactement à 50% et 46% après correction (Hors C2D). En revanche, il est aussi évident, qu’il nous faut une plus grande marge budgétaire (marge d’autofinancement), puisque nous sommes fondamentalement en situation déficitaire, bien que contenue (moins de 3%), et que celle-ci fait donc apparaître une distorsion qu’il faudra corriger d’une façon ou d’une autre (suppression de la ressource déficit par des taxes additionnelles, comme l’avait prédit le Pr. Mamadou Koulibaly, bien que j’en doute encore). Conclusion, notre endettement n’a pas encore atteint le seuil d’alerte (risque maximum), il se situe dans une zone (keys eareas) de prudence (clignotant jaune et non orange=surveillance). Il convient de le faire évoluer progressivement vers une zone de sécurité (clignotant vert). Il est manifeste, que l’objectif final doit être de nous rapprocher davantage de la fourchette basse des normes, en ce qui concerne nos indicateurs macroéconomiques (le ratio Dette/Recettes internes=2,5 pourrait être ramenée à 2, 2). Donc, ce qui est peut être questionné pour l’heure, est l’efficacité de la gestion de la Dette Publique et non la Dette elle-même, pour bien distinguer la direction vers laquelle elle s’oriente. Or, les données sont rares et incomplètes, les prévisions sont encore trop optimistes, la réalisation des engagements sont encore trop lents, pour qu’on puisse s’y référer valablement. De plus, les années 2011 et 2012, sont statistiquement exceptionnelles (données en dent de scie), en raison des évènements qui les ont affectées (conflit post crise, Point d’achèvement PPTE), si bien que nous disposons en réalité de peu de recul (2013 et 2014), pour apprécier des tendances de fonds, qui soient homogènes et significatives. Au total, il est prématuré de se prononcer ou de juger comme dangereuse notre politique d’endettement à ce stade de notre processus d’émergence, sinon que d’observer comme nous l’avons dit, que nous n’avons pas atteint le seuil d’alerte. Le volume de la Dette ne veut rien dire en lui-même, tant qu’il n’est pas mis en relation avec l’économie. Or, rien dans les paramètres de celle-ci, ne permet de remettre en cause pour le moment, le rendement à court et long terme de l’investissement public (retours plus ou moins rapides) ou sa productivité, qu’il faut sans cesse optimiser par des choix stratégiques judicieux dans les différents types d’investissements (remplacement, maintien, modernisation de l’outil, accumulation du capital, intégration sectorielle, extension spatiale et diversification de la production, accroissement de la transformation locale, création d’activités à forte incorporation de valeur ajoutée, etc. …) afin de pérenniser sa dynamique (soutenabilité), car en définitive , c’est elle qui constitue, notre meilleure garantie en matière d’endettement, dans l’attente de la création prochaine (nous l’espérons), d’une monnaie locale (UMOA) , comme facteur endogène additionnel, pour accélérer le processus de l’émergence à l’horizon 2030.
Je ne saurais clore mon propos, sans ajouter qu’il convient également de faire la chasse au gaspillage (frais de mission ministériels et d’ambassade), à la corruption, aux surfacturations, aux équipements et travaux de mauvaise qualité (durabilité des investissements réalisés et compétence des bureaux d’étude et de contrôle), aux subventions injustifiées, tout en améliorant la formation des ressources humaines (renforcement des capacités), et l’environnement des affaires. C’est à ce prix que nous aurons une gestion optimale de nos ressources. L’Endettement Brut n’est pas le véritable problème, si nous privilégions le moyen et le long terme avec pour objectifs, une diminution du cout de la Dette, une minoration des risques de défaillance, et une protection contre les aléas des chocs économiques. Pour y arriver, il nous faut maximaliser la plus value de développement (progression de la richesse plus rapide que celle de l’emprunt), en s’assurant que l’écart entre le taux d’intérêt des emprunts et le taux de croissance économique soit assez important, de façon à pouvoir rembourser à très court terme, le volume de la Dette Nette, capital et intérêts compris (2 à 3 années d’activité), sans perturber pour autant le bon fonctionnement de l’État, grâce aux avoirs financiers placés à l’extérieur, notamment à la BCAO. C’est à ce reprofilage et recyclage de la Dette que l’État s’adonne, en remplaçant les anciennes dettes par de nouvelles, à des conditions plus viables (intérêt plus bas et durée de maturation plus adéquate). On ne saurait le lui reprocher. C’est notre seconde garantie. La relance économique suivant le modèle Keynésien a des limites (augmentation significative et durable de la production), il faut donc lisser dans le long terme les cycles. En revanche, ce qu’il faut réellement craindre à l’approche de l’échéance de l’élection présidentielle, est un gonflement anormal des dépenses publiques (clientélisme politique, visibilité de l’action, séduction électoraliste, rapidité des résultats) qui se traduirait par un déficit budgétaire important, qui impacterait négativement la Dette (augmentation), alors que nous devrions au contraire, nous efforcer à accroître l’excédent de notre solde primaire (recettes moins dépenses, avant paiement des intérêts de la dette passée). Conclusion finale : il y a nécessité de prudence (discipline budgétaire, et rigueur de gestion), mais pas alarme, car c’est sur des cycles longs, que le processus se stabilise à la baisse.
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