Côte d’Ivoire Emprunts obligataires: L’Etat contraint les créanciers à un rééchelonnement

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LIDER News | 15 décembre 2014

Dans la période du 16 novembre au 16 décembre 2014, l’Etat de Côte d’Ivoire a lancé deux emprunts obligataires de 80 milliards de fcfa chacun pour mobiliser 160 milliards de fcfa.

La tranche B, celle de nouvelles mobilisations, est à 5,85% d’intérêt annuel net sur 7 ans, pour les résidents en Côte d’Ivoire. La tranche A, qui porte sur des conversions d’anciens emprunts que l’Etat ne semble pas vouloir payer, portera un intérêt de 3,00% par an sur 10 ans. Cette tranche A servira, selon le gouvernement, à financer les arriérés de remboursements de la dette de l’Etat vis-à-vis des banques et des compagnies d’assurance, par conversion des dettes à rembourser en obligations sur 10 ans avec trois ans de différé. Ceci n’est rien d’autre qu’un rééchelonnement forcé des emprunts anciens. Ceux qui ont dans leurs portefeuilles des anciens emprunts, à 5 ou 5,25% par exemple, ne peuvent acheter de nouvelles obligations à 5,85% que s’ils s’engagent à accepter que la moitié de leur placement se fasse par conversion de leurs dettes anciennes en nouvelles de la tranche A, dont la rémunération annuelle sera désormais de 3%, donc inférieure aux 5% de 2011.

Le gouvernement entend ainsi imposer une compensation partielle de l’emprunt obligataire du Trésor public de Côte d’Ivoire émis le 9 décembre 2011, d’un montant de 169 milliards 766 millions, avec échéance le 8 décembre 2014, au taux de 5,00% par an (voir page 98 du bulletin statistique de la BCEAO http://www.bceao.int/IMG/p/bulletin_de_statistiques_monetaires_et_financieres_a_fin_aout_2012.pdf).

Cet ancien emprunt provient d’un montage que le gouvernement avait principalement négocié avec les banques, après la crise post-électorale, afin de restructurer un stock de dettes à court terme d’un montant de 600 milliards, essentiellement constitué des bons de trésor.

Un deuxième emprunt de même montant et émis à la même date, au taux de 5,25%, portait sur une échéance de 5 ans et donc devrait être remboursé le 8 décembre 2016.

Il faut quand même mentionner que l’Etat ne donne pas d’autres choix aux banques et aux assurances que de porter encore pendant 10 ans la moitié d’une dette à une rémunération correspondant à la moitié de celle du marché libre. Quelle logique de gestion des finances publiques peut soutenir de telles pratiques si ce n’est la répression financière?

En outre, les montants concernés sont des ressources longues dont la maturité est comprise entre 5 et 10 ans. Les ressources qui sont en jeux sont donc celles qui sont rares en Côte d’Ivoire, le crédit à moyen et long terme étant plus bridé que le crédit à court terme. Ces ressources longues devraient plutôt être mises à la disposition du secteur privé afin que ce dernier puisse y accéder pour faire des investissements risqués dans des projets porteurs de profit, d’emplois et de recettes fiscales futures.

Les investisseurs locaux peinent aujourd’hui à avoir accès à des prêts à moyen terme, même si leurs projets présentent de fortes rentabilités. Tous rêveraient d’avoir accès de façon aussi privilégiée à des prêts bancaires sur 10 ans au taux d’intérêt discriminatoire et répressif de 3,00% par an. On s’endette donc à moindre frais pour rembourser les dettes anciennes pour lesquelles on avait pourtant proposé des taux supérieurs.

La tranche B servira, selon le gouvernement, à financer des investissements publics prévus au budget de 2014 et dont les financements n’ont pu être mobilisés du fait de la croissance qui aurait été de 9%, alors que l’on s’attendait à une croissance à deux chiffres de 10%. L’on prévoyait un excédent budgétaire au moment de l’adoption du budget et maintenant, c’est un déficit budgétaire de plus de 307 milliards de fcfa qui est estimé, qui ne tient pas compte des 50 milliards de fcfa hors budget prévus pour «cadeauter» les 8400 combattants des Fafn qui se sont mutinés en novembre dernier. Le gouvernement garde cependant espoir qu’avec la baisse du prix du baril de pétrole à moins de 66 $, la croissance sera de plus de 10% en 2015. Et puis après tout, 9% c’est mieux que les Usa, la France et la Chine réunis.

L’histoire des emprunts obligataires est hallucinante. Elle ne semble obéir à aucune logique financière traditionnelle. Les créanciers de l’Etat sont invités à se faire de facto rééchelonner leurs obligations sur 10 ans et à se faire payer un taux d’intérêt moindre comparé à ce qui est proposé à quelqu’un qui prête sur 7 ans. Les investisseurs individuels et les gestionnaires de trésorerie des entreprises privées et des banques doivent découvrir là une ingénierie financière des plus autoritaires. Ils apprécieront.

Pour réussir à mobiliser les 160 milliards fcfa attendus, le gouvernement ne peut que mettre la pression morale et forcer sur l’intimidation des institutionnels, c’est-à-dire les banques et les compagnies d’assurance, pour les obliger à acheter ces obligations pourries ((junk bonds) qui iront augmenter la part compromise de leur portefeuille.

On se demande ce que deviennent les rapports sur la Côte d’Ivoire avec des conseils de soi-disant fameux principes de bonne gestion de la dette publique rédigés et diffusés par le FMI dans ses aide-mémoires, notamment celui de novembre 2011 émanant de la mission chargée des conseils pour la relance de l’élaboration de la stratégie de développement du secteur financier, la gestion de la dette publique et le règlement des problèmes du secteur bancaire, qui était conduite par George Anayiotos.

Mais qui peut sur cette terre refuser quelque chose au bienheureux Alassane Dramane Ouattara, même si tous se rendent compte qu’il dérive complètement et que les fonds mis à sa disposition sont parfaitement fongibles?

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