Côte d’Ivoire – Soro Guillaume dans le collimateur de l’Elysée après Gbagbo

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Isaac Pierre BANGORET (Écrivain)

Au moment où commence le grand déballage du président Gbagbo dans son livre : « Vérité et Justice », nous assistons, étrangement, à la publication d’œuvres écrites par des auteurs français qui, en feignant d’accuser Sarkosy, ou de dévoiler des confidences de militaires français, ne font que défendre les intérêts de leur pays et suffoquer le « scandale français » en Côte d’Ivoire. Il ne s’agit pas d’une coïncidence, d’un hasard, nous assistons à une guerre médiatique qui vise à contrôler le temps et les événements. Si Laurent Gbagbo a toujours affirmé que le Temps est l’autre nom de Dieu, et trouve opportun de commencer maintenant son grand déballage, les hommes politiques français, partisans de cette doctrine qui prétend que l’ordre surgit du chaos (des guerres, des assassinats, du désordre) s’érigent, au contraire, à travers leurs parutions, en maîtres du temps. Que dit, en effet, l’un de leurs grands philosophes politiques, Nicolas Machiavel, à propos du temps? Une analyse de ses pensées politiques nous aide à mieux comprendre cette concomitance. Machiavel affirme que « La fortune (la fortuna : mot italien qui signifie sommairement chance) ne change que pour ceux qui ne savent pas se conformer au temps » ; « La fortune (la chance) est femme.

Il faut la battre pour la dominer » ou encore : « Le hasard gouverne un peu plus de la moitié de nos actions et nous dirigeons le reste ». Pour Machiavel, comme pour les partisans du chaos, le mal est inhérent à l’humanité, le rôle du philosophe est de composer avec ce mal sans chercher à transformer les hommes. Pour les hommes politiques français, la Providence divine (le Temps : l’autre nom de Dieu) n’est qu’un hasard qui a permis, par exemple, au président Gbagbo d’échapper à son élimination physique programmée, lors de la crise électorale. Ce hasard a, certes, une influence sur nos actions, mais l’homme politique se doit, pour ces derniers, de devenir maître du temps, en contrôlant simplement les événements. Cette pensée politique explique la parution des livres et les accusations de l’ambassadeur Lidec contre Soro Guillaume, au moment de la confirmations des charges contre le président Gbagbo, parce que son but est de rassembler autour de l’Élysée tous ceux qui haïssent le leader des Forces Nouvelles. Il cherche à canaliser nos émotions, à orienter notre haine vers Soro et ses partisans, afin que nous soyons complices de leurs mauvaises actions. L’Élysée veut ainsi « composer avec le mal » qui nous oppose ; la haine qui oppose Soro Guillaume à toutes les victimes de la rébellion. Lidec va plus loin, il donne l’impression de partager la vérité historique du président Gbagbo et son combat en faveur de la justice, dans le but de faire porter éventuellement à sa personne et à ses partisans tous les mauvais coups que la France préparerait contre les Forces Nouvelles et son leader. Soyons donc lucides et recherchons l’unité de tous les Ivoiriens, en accueillant avec humilité, dans un souci de réconciliation nationale, la vérité historique du livre du président Gbagbo, qui ne fait que relater, grosso modo, les faits pour signifier au monde qu’il n’a jamais conçu un plan secret, pour éliminer une partie de son peuple ou les étrangers qui vivent sur le sol ivoirien. Analysons quelques propos de l’ambassadeur Lidec pour comprendre qu’il ne fait que saper l’unité nationale, en nous faisant croire qu’il apporte des informations utiles, inédites, sur la crise ivoirienne. « C’est injuste ce qui arrive à Gbagbo » dit-il, « Soro est un arriviste qui a mangé à tous les râteliers ».

En politique, dit-on, il n’y a pas d’amis, il n’y a que des intérêts à défendre. Les propos de ce diplomate, qui semble encenser le président Gbagbo ne font que confirmer la position de force du leader du FPI et de ses partisans dans un procès, qui s’achèvera certainement avec un non-lieu, grâce à de nouvelles preuves qui attesteront son innocence. Lorsque le diplomate français semble louer les qualités de Soro Guillaume, il ne fait en effet que le rendre responsable de tous les crimes commis depuis la rébellion : «C’est un arriviste, très intelligent et très bien formé, avec une exceptionnelle force de conviction […]». Si Soro est un homme politique intelligent, très bien formé, convaincu des actes qu’il pose, c’est que la France ne peut rien lui imposer. Il sait ce qu’il fait et où il va. La France ne peut donc être associée aux crimes commis par les Forces Nouvelles, à un arriviste; un homme sans scrupules qui veut réussir, par n’importe quel moyen. Quand Lidec ajoute : « Il a mangé à tous les râteliers, chef des rebelles un jour, avec Gbagbo un autre, puis le trahissant pour Ouattara […] Mais étonnamment il avait des soutiens en France», il disculpe aussi bien la France que leur allié le plus fidèle, en affirmant, dans un langage politique (hermétique), qu’Alassane Ouattara n’est pas le père de la rébellion, puisque Soro l’a rejoint, après avoir trahi Gbagbo qu’il a servi, comme premier ministre. Il avait des soutiens en France qui ne sont pas, selon ses propos, ceux d’Alassane Ouattara, qui a été porté au pouvoir par la Communauté internationale, et non par les Forces Nouvelles qui ont participé au gouvernement de Gbagbo. Alassane Ouattara a toujours affirmé, en effet, avoir reçu sa légitimité de la Communauté internationale, propos confirmés ici par le diplomate français qui fait porter à Soro Guillaume les crimes commis par tous les groupes armés africains qui se sont battus pour Alassane Ouattara. Pour justifier les interventions militaires de la France en Côte d’Ivoire contre le président Gbagbo, Lidec plaide une mauvaise analyse des faits politiques dans notre pays de la part de l’Élysée : « Gbagbo n’est plus à ses yeux le nationaliste intransigeant. Il n’a jamais été l’ennemi de la France…». Toutes ces interventions militaires françaises sous son régime furent donc suscitées, selon ce représentant de l’Élysée, par des erreurs d’appréciation. Elles étaient dues au fait que Gbagbo, ce socialiste africain, était perçu, comme un nationaliste intransigeant, qui voulait s’accaparer les intérêts de la France en Côte d’Ivoire. La France s’est trompée et tient à réparer cette injustice, en demandant officiellement, par la voix de ses diplomates, sa libération, tout en préparant un autre coup plus tordu. La stratégie militaire récente de l’Élysée, avec l’avènement de Sarkosy, consiste, en fait, à éliminer physiquement, aux yeux de tous, les leaders politiques africains opposés à leurs intérêts, taxés de dictateurs, de nationalistes intransigeants, d’arrivistes, ennemis d’un Nouvel Ordre mondial, pour venir ensuite à bout de leurs partisans civils (le cas de Gbagbo) ou militaires (l’exemple de Kaddhafi). Il n’est donc pas étonnant de voir la France chercher à se débarrasser physiquement de leurs victimes expiatoires ; Soro et ses chefs de guerres.

Il suffit de penser aux nouveaux accords militaires signés entre Le Drian et Alassane Ouattara qui permettraient, certainement, à l’armée française d’intervenir, cette fois-ci, officiellement, dans la politique intérieure de la Côte d’Ivoire. Nous en voulons pour preuve le déploiement des troupes françaises à Gagnoa, la région de Gbagbo, le jour de la confirmation des charges par la CPI. Une élimination physique de leaders des Forces Nouvelles leur permettrait de semer le chaos dans notre pays, afin d’éviter, éventuellement, l’élection de Gbagbo aux présidentielles de 2015. Ne nous associons donc pas aux accusations acerbes d’hommes politiques français contre Soro et les Forces Nouvelles pour nous faire porter la responsabilité de crimes qui opposeraient à jamais le Nord au Sud de notre pays. Toute réaction armée des Forces Nouvelles contre les forces étrangères d’Alassane Ouattara introduites au sein de nos armées serait suicidaire, à cause des mandats d’arrêts de la CPI contre ses membres. Toute réaction violente ne ferait que légitimer une intervention militaire de la Communauté Internationale contre les personnalités accusées de crimes contre l’humanité, et entraînerait l’occupation définitive de notre pays par les forces onusiennes pour le compte de la France. Que les Forces Nouvelles se muent simplement en forces civiles afin de s’associer à la lutte pour la souveraineté de notre pays, en vue d’élections démocratiques, c’est leur unique voie de sortie. Nous n’avons pas choisi de composer avec le mal, puisque tout homme peut changer, seuls les « pauvres » orgueilleux, les êtres vils vont à leur propre perte.

Isaac Pierre BANGORET (Écrivain)

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