Lettre ouverte à son excellence monsieur le Président de la république
Excellence Monsieur le Président de la république
Quelques mois après votre prise de fonctions, j’avais, à travers des lettres ouvertes, attiré respectueusement votre haute attention sur les premiers écueils de votre régime naissant. J’ai dû arrêter rapidement cet exercice car, débordé par les multiples anomalies qui émaillaient votre gouvernance, je ne savais où donner de la tête. Je suis donc resté muet et impuissant, ne sachant plus quelle incongruté dénoncer ou quelle anomalie porter à votre connaissance pour vous aider. Mais au fond de moi-même, je m’étais toujours consolé en me disant que tout début étant difficile, vous finiriez par trouver votre cap et redresser énergiquement le gouvernail.
Malheureusement, le temps passe, la fin de votre mandat approche et je ne vois rien venir. Aucun changement ne pointe à l’horizon. Alors, je panique. C’est pourquoi je reprends à nouveau ma plume, parce que j’appartiens à cette immense majorité d’ivoiriens qui, bien qu’ayant beaucoup de choses intéressantes à vous dire, n’auront jamais ni la chance ni l’honneur de se retrouver en face de vous et, encore moins, d’échanger avec vous pour vous dire les vérités qui peuvent vous aider, les vérités qui nourrissent la paix et qui libèrent.
Mais, rassurez-vous, Excellence, en 2015, je voterai encore pour vous, que vous soyez candidat unique du RHDP ou pas, parce que je continue de croire en vous.
EXCELLENCE MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE !
Vous ne le savez peut-être pas mais, dans l’opinion publique, l’image de votre gouvernement est profondément dégradée.
En effet, votre Premier ministre nous « saoule » avec ses chiffres. Chaque fois qu’il parle, et Dieu sait s’il parle ces derniers temps, il n’a que des chiffres à la bouche: des histoires de PIB, de ratio de ceci ou de cela, de PNB, ou autres taux de croissance, ce fameux taux de croissance à deux chiffres derrière lequel il court vainement depuis la Présidence d’Henri Konan Bédié. On est fatigué de tout cela maintenant. Ce Monsieur est certes compétent et travailleur mais les gens sont fatigués de ses discours secs et de ses alignements de chiffres qui ne font plus rêver personne. Il a même réussi la prouesse d’aller pourrir la dernière Paquinou des Baoulés en allant leur servir des chiffres à Tiébissou. Qu’il nous serve un peu de concret, de réalisme et de réalités sociales. Dieu lui-même s’est reposé un jour. Quand on l’écoute, on se rend compte qu’il ne s’adresse pas aux Ivoiriens, car très peu de nos compatriotes comprennent son langage d’initié. Il s’adresse plutôt aux Institutions de Bretton Woods ou à leurs représentants en Côte d’Ivoire. Personnellement, je ne l’écoute plus, je ne lis plus ses déclarations dans la presse. Je suis rassasié de lui et pourtant j’ai faim parce que la vie est très chère en Eburnie et je ne suis pas le seul, croyez- moi, à vivre difficilement, ne mangeant souvent qu’une seule fois par jour.
S’agissant de vos ministres M. le Président, certains parmi eux n’ont vraiment plus leur place dans votre gouvernement. Comme celui-là dont l’épouse, député de la nation, se rend à Abuja, au Nigeria pour prendre part à une session du Parlement de la Cedeao en jet privé envoyé par des amis pétroliers de son mari. Des amis qui assurent son hébergement, la restauration et tous les autres caprices, le tout évalué à près de 200.000.000 de francs CFA, et cela pendant deux à trois semaines. Après tant de générosité, il est certain que les pétroliers nigérians soient en bonne position pour obtenir des contrats sur notre pétrole.
Comme cet autre ministre qui ne rassure pas du tout: Les amateurs de bandes dessinées l’appellent « Averel Dalton ». Le secteur des transports doit être assaini parce que tout le monde est témoin du grand désordre qui y règne. Mais ce n’est certainement pas lui qui va rétablir l’ordre, occupé qu’il est à s’enrichir vite et par tous les moyens. Toutes les structures sous sa tutelle sont mises systématiquement sous coupe réglée, copieusement et régulièrement rackettée. Les rançons ainsi collectées sont versées dans une cagnote tenue énergiquement par son ambitieuse épouse. Le bouquet de sa mauvaise gouvernance est ce prétendu guichet unique des transports qu’il envisage de mettre en place. Si le projet en lui-même est louable, on s’inquiète parce que ledit ministre en a confié la réalisation à une société…… Colombienne dans laquelle son épouse détiendrait 26% du capital. Attention aux narcotrafiquants qui pourraient profiter de l’aubaine ! Vous avez vu ce qu’ils ont fait de la Guinée-Bissau. Alors, vigilance, Monsieur le Président. C’est l’avenir de notre pays qui se joue ainsi.
Pour ne pas vous infliger une trop longue lecture en raison de votre convalescence, je diffère au prochain courrier la suite de mes commentaires sur vos ministres critiquables. Pour l’heure, sachez de façon générale que l’image de votre gouvernement s’est dégradée dans l’opinion publique. En tout cas suffisamment dégradée pour ne plus pouvoir vous servir de fusible. Il est temps, grand temps, de donner un coup de pied dans la fourmilière. Faites-le avant qu’il ne soit trop tard.
TRÈS HAUTE CONSIDÉRATION
A. TOURÉ
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