Côte d’Ivoire – le cheveu crépu, la mode chez la femme décomplexée

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Actualisé 25 février 2014

Abidjan, sa lagune, sa douceur de vivre et… ses rajouts capillaires : en Côte d’Ivoire, le cheveu naturel, crépu, est une rareté, pour laquelle quelques milliers de jeunes femmes, les Nappy de Babi, ont décidé de se battre.

Début février, un forum d’un nouveau genre se tient à Cocody, un quartier huppé de la capitale économique ivoirienne : ses participants sont tous des femmes, à une exception près. L’heure est aux conseils de beauté, à la splendeur africaine.

Les « Nappy », un mélange de « naturel » et de « happy », de « Babi », un surnom d’Abidjan, se veulent une édition 2.0 des réunions entre filles. Les convocations se font via facebook – le groupe, créé il y a plus de deux ans, compte 17 mille membres – dans un endroit public, une fois tous les deux mois environ.

L’on y échange ses trucs et astuces, ses petits secrets, ses inconforts capillaires. Des stands vendent des produits ethniques, traditionnels, naturels… Des ateliers pratiques sont organisés, à l’ombre d’une tonnelle.

– « Comment fais-tu pour savoir si tes cheveux sont hydratés ? », demande une jeune participante à Bibi Gagno, une juriste américano-ivoirienne de 29 ans, dont la très longue chevelure, non coupée depuis cinq ans, est savamment enroulée au sommet de son crâne.

– « Et bien… quand ils sont durs et secs, ça veut dire qu’ils ne le sont pas du tout », lui répond-elle, sérieuse. Avant de proposer ses propres produits cosmétiques, à base de « beurre de karité, d’huile de coco et de jojoba », aux vertus curatives.

La discussion peut sembler lunaire vue d’ailleurs. Elle revêt pourtant un intérêt crucial en Côte d’Ivoire, où le cheveu disparaît à l’adolescence sous rajouts et perruques, fréquemment changés.

Du coup, les femmes africaines « ne savent pas s’occuper », de « leurs cheveux crépus », qu’elles ont « des problèmes » à « sublimer », observe Miriam Diaby, l’une des fondatrices des Nappy de Babi.

Autre problèmes, de taille, pour les libérées de l’épi : « la société n’aime pas les cheveux afros qui débordent de partout », poursuit-elle. La gente féminine est donc « obligée » d’ »aborder des coiffures un peu plus conventionnelles », soit « défriser ou se tisser les cheveux », pour des questions d’emploi.

Si « black is beautiful » fut le cri de ralliement des américain(e)s noir(e)s dans les années 1960, leurs soeurs africaines doivent encore s’émanciper du modèle blanc dominant, estiment les Nappy.

« Quand je suis arrivée à Abidjan (après une jeunesse passée aux Etats-Unis et quelques années en Europe), j’ai remarqué, et ça m’a marquée, que toutes les pubs montraient des femmes au teint clair avec les cheveux longs et lisses. Pourtant, ici les femmes ont le teint noir chocolat », observe Bibi Gagno, qui à force de se faire complimenter, en anglais, pour son impressionnante toison, a créé un site, omgiloveyourhair.com (pour OMG – Oh my God, oh mon Dieu – J’aime tes cheveux.com).

La peau claire, notamment grâce aux produits de dépigmentation, cancérigènes, est « synonyme de réussite », regrette la néo-businesswoman. Le cheveu lisse itou.

Aller à l’encontre de la tendance dominante provoque des réaction inattendues. « Les gens ont du mal. Quand ils voient vos cheveux naturels, ils vous regardent comme si vous étiez une paria, comme s’il y avait un souci, alors que ça devrait être normal », s’étonne Liliana Lambert.

Et cette métisse européenne de 27 ans, d’origine ivoirienne, à la chevelure fournie encerclée de fleurs, de raconter les gens « qui veulent tout le temps toucher (ses) cheveux », « parce qu’ils ne connaissent pas ». « C’est juste de l’ignorance », sourit-elle.

Seul Nappy-boy présent à la rencontre, Ange-Dady Akre-Loba, styliste de 28 ans à la coupe mi-long, plaide également pour la lutte contre la pensée unique capillaire.

« Ici, à partir de cinq centimètres, c’est trop long. Le fait même de ne pas se coiffer, de ne pas avoir les cheveux très ras, c’est considéré comme avoir (…) trop de cheveux. On va dire que j’ai un peu trop de cheveux pour beaucoup », ironise-t-il.

Les hommes moins conformistes doivent ainsi « rester discrets », constate Ange-Dady, qui explique avoir pu se laisser pousser les cheveux à la faveur de la violente crise post-électorale ayant secoué son pays en 2010-2011.

Depuis lors, le Nappy-boy, qui dit « ne pas vraiment se préoccuper du regard » d’autrui, vit sa différence sereinement. « J’essaie de passer outre et d’être moi-même. »

jf/jr

AFP

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