Côte d’Ivoire : les députés s’opposent à l’examen des projets de loi et exigent l’activation de l’article 53 de la constitution si…
Abidjan le 17 fév 2014–@rtici.net– L’Assemblée Nationale est passée à côté d’un second clash, ce lundi à l’ouverture d’une session extraordinaire demandée par l’exécutif à l’effet d’examiner 9 importants projets de loi qu’il compte incessamment mettre en œuvre.
De fait, les députés ont émis beaucoup de réserves sur ces projets de lois qui ne portent pas la signature du Chef de l’Etat.
« Les neuf (9) projets de loi qui nous ont été soumis ne portent pas la signature du Chef de l’Etat, initiateur desdits projets de loi. La seule mention de son nom ne saurait nous amener à croire que ces projets de lois émanent du Chef de l’Etat. Cette mention ne peut donner un cachet à ces documents », fait observer l’honorable Kramo Bernard, député de Bocanda.
Après cette observation, sera lue pour l’Assemblée la saisine du Chef de l’Etat qui elle également date du 3 février (Fait à Abidjan le 03 Février 2014) alors que le Chef de l’Etat se trouvait en France.
« S’il y a urgence pour que ces textes soient examinés maintenant, alors pourquoi ne pas faire appel à l’article 53 qui autorise le Chef de l’Etat à déléguer certains pouvoirs aux membres du Gouvernement et dans le cas d’espèce, le Premier Ministre peut le suppler pour signer les projets de loi », a suggéré le député Kramo revenu à la charge après lecture de la saisine.
« Ne nous infantilisez pas. La saisine du parlement n’exclut pas que les exposés des motifs soient signés du Chef de l’Etat. Si vous pensez qu’il y a urgence, alors faites signer ces documents par le Chef de l’Etat », a reprend le député indépendant Oula Privat.
Des observations apparemment pertinentes auxquelles, la table de séance avait du mal à apporter des éléments de réponses pour convaincre ses interlocuteurs.
Le Ministre chargé des relations avec les institutions, Albert Agré qui assistait à cette séance d’ouverture a dû quitter discrètement la salle.
Après une suspension de plus de trois quart d’heures, les groupes parlementaires ont pu s’accorder et le Député Saraka Adolphe, dès la reprise a demandé à ses collègues de ne plus en faire un préalable à l’examen des textes.
« Les groupes parlementaires se sont concertés et nous avons formellement signifié que tous les projets de lois doivent être signés du Chef de l’Etat même si cela n’est pas clairement mentionné dans nos textes. Nous souhaitons que pour les prochaines fois cela soit fait. Alors nous vous invitons à l’adoption du calendrier et que les textes soient examinés », a plaidé le porte-parole des groupes parlementaires dont la voix sera aussi entendue.
Jules Eugène N’DA
Article 53 de la constitution ivoirienne :
Article 53 : Le Président de la République peut, par décret, déléguer certains de ses pouvoirs aux membres du Gouvernement
Le Premier Ministre supplée le Président de la République lorsque celui-ci est hors du territoire national. Dans ce cas, le Président de la République peut, par décret, lui déléguer la présidence du conseil des ministres, sur un ordre du jour précis.
Le Président de la République peut déléguer, par décret, certains de ses pouvoirs au Premier Ministre ou au membre du Gouvernement qui assure l’intérim de celui-ci. Cette délégation de pouvoirs doit être limitée dans le temps et porter sur une matière ou un objet précis.
A propos de la santé du Président de la République
Le parti de Mamadou Koulibaly prend position : ‘‘Ceux qui souhaitent ou pronostiquent la mort de M. Ouattara devraient réfléchir encore un peu plus’’
Ceux qui souhaitent la mort de M. Ouattara ne se rendent pas compte des dangers que la Côte d’Ivoire court en pareille situation. Jamais notre pays n’a été sur les braises autant que maintenant.
Si une vacance de pouvoir s’imposait à nous maintenant, selon la constitution, c’est Soro, en tant que président de l’Assemblée nationale, qui devrait assurer l’intérim pendant pour une durée de 90 jours maximum, donc 3 mois. Il ne peut, pendant cette période, changer ni de gouvernement, ni de premier ministre, ni la constitution. Sa seule mission serait d’organiser les élections et rien que cela. Or, en trois mois, Soro ne pourra pas préparer et réussir des élections car :
Nous n’avons pas de fichiers démographiques pour la population, sa taille, son lieu d’habitation… Il faut donc faire le recensement général de la population et de l’habitat. Et cela ne peut se faire dans les trois mois.
Nous n’avons pas de liste électorale et son actualisation ne peut se faire dans les 3 mois, à moins d’accepter d’aller de nouveau à des élections escamotées avec la liste électorale de 2009 qui exclue au moins 50% de l’électorat potentiel.
Nous n’avons pas de commission électorale digne de ce nom et qui soit indépendante, légale et légitime. Le reformatage et la recomposition d’une nouvelle Cei ne peuvent se faire dans les trois mois, or c’est elle qui une fois mise en place, doit organiser les élections.
Nous n’avons pas une ambiance sécuritaire propice à des élections avec les préfets et sous-préfets affaiblis et des dozos et ex combattants hyper puissants partout sur l’étendue du territoire. Ils sont les seuls armés et les seuls à assurer la sécurité et l’insécurité dans le pays. La coalition Frci plus dozos plus ex combattants, c’est environ 180.000 à 200.000 guerriers et les seules forces organisées actuellement dans le pays avec des commandements indépendants et conjoints. Ce que l’on appelle souvent des éléments incontrôlés.
Nous n’avons pas une société civile organisée harmonieusement. Les syndicats sont hors service ; les partis de l’opposition sont évanescents, sans statut, ni argent, ni volonté d’organisation cohérente et programmatique ; les partis au pouvoir sont dans un jeu de poker menteur.
Nous n’avons pas d’accès libre des politiques de tous bords aux médias d’Etat. Seuls la coalition au pouvoir et le clan de Ouattara ont le monopole d’utilisation de ces médias pour leur propagande.
Avec toutes ces insuffisances, Soro ne pourrait organiser les élections en trois mois. Que peut-il donc se passer ?
D’abord la constitution règle tout en son article 40 : «En cas de vacance de la Présidence de la République par décès, démission, empêchement absolu, l’intérim du Président de la République est assuré par le Président de l’Assemblée nationale, pour une période de quarante-cinq jours à quatre-vingt dix jours au cours de laquelle il fait procéder à l’élection du nouveau Président de la République.
L’empêchement absolu est constaté sans délai par le Conseil Constitutionnel saisi à cette fin par une requête du Gouvernement, approuvée à la majorité de ses membres. Les dispositions des alinéas 1 et 5 de l’article 38 s’appliquent en cas d’intérim. Le Président de l’Assemblée nationale, assurant l’intérim du Président de la République ne peut faire usage des articles 41 alinéas 2 et 4, 43, et 124 de la Constitution. En cas de décès, de démission ou d’empêchement absolu du Président de l’Assemblée nationale, alors que survient la vacance de la République, l’intérim du Président de la République est assuré, dans les mêmes conditions, par le Premier vice-président de l’Assemblée Nationale. »
Mais dans la pratique les choses ne seront pas aussi simples qu’elles semblent l’être sur papier. Plusieurs hypothèses apparaissent: examinons-en deux parmi les plus évidentes.
Hypothèse1 : Le conseil constitutionnel, s’appuyant sur la constitution sur saisine du chef de l’Etat qui lui demandera son avis, explique que compte tenu du fait que les conditions pour organiser les élections ne sont pas réunies, il faudrait laisser Soro en place comme président le temps que les conditions soient réunies.
C’est ce que dit l’article 38 : «En cas d’événements ou de circonstances graves, notamment d’atteinte à l’intégrité du territoire, ou de catastrophes naturelles rendant impossible le déroulement normal des élections ou la proclamation des résultats, le Président de la Commission chargée des élections saisit immédiatement le Conseil constitutionnel aux fins de constatation de cette situation. Le Conseil constitutionnel décide, dans les vingt quatre heures, de l’arrêt ou de la poursuite des opérations électorales ou de suspendre la proclamation des résultats. Le Président de la République en informe la Nation par message. Il demeure en fonction.»
Or, Soro ne peut pas exercer la vacance comme s’il était un dauphin constitutionnel. Au-delà de cet état de fait, des questions se posent. Combien de temps cela prendrait-il d’organiser les élections dans ces conditions? Cette interprétation serait-elle acceptable par tous ? Serait-elle la bonne ? Ne violerait-elle pas la constitution ? Soro pourrait-il alors changer de gouvernement ? Le Rhdp accepterait-il cette interprétation de la constitution ? Le Rdr lui-même accepterait-il que Soro reste président le temps que les conditions des élections soient réunies ? Lorsque Houphouët-Boigny décède alors que tout était en place pour transition sans faute, les mêmes acteurs n’ont pas été capables de s’entendre, plongeant le pays dans 20 années de guerre de succession non encore achevées.
Aujourd’hui, alors que les conditions sont encore plus floues qu’en 1993, devons-nous nous attendre à de meilleurs comportements ? Tout porte à croire que la guerre de succession pourrait être plus violente et plus meurtrière entre ceux qui ont les armes et qui sont les mieux organisés. Les factions rivales vont s’affronter et déchirer le pays comme à l’époque au Liberia avec les Prince Johnson, Samuel Doe, Charles Taylor… Comme en Somalie, chaque groupe armé cherchera à avoir le contrôle d’une partie du territoire. L’Etat déjà défaillant avec Ouattara va se déchiqueter complétement.
Les milices armées vont entrer en guerre pour le contrôle des zones de production de café, de cacao, de l’or du diamant, du pétrole. Les villes, les ports, et autres infrastructures vont faire l’objet de violentes convoitises. Apocalypse now.
Hypothèse 2 : Comme Soro ne peut organiser les élections dans les trois mois de sa gestion de la vacance du pouvoir, alors il faudrait mettre en place un gouvernement de transition qui aura une mission précise : rassembler les conditions pour que nous ayons des élections démocratiques. Mais alors, au nom de quoi cette transition serait légitimée ? Qui, dans ce cas, présiderait l’Etat et la République pendant cette période? Qui dirigerait le gouvernement de transition? Au nom de quels principes? Quelles seraient ses prérogatives vu qu’il ne serait le résultat d’aucune disposition constitutionnelle? Cette option violerait la constitution ; pourquoi Soro l’accepterait-il ? Les partis politiques en accepteraient-ils la logique ? Et pendant que les chefs de partis seraient en train de faire leurs calculs de positionnement, le temps passera. Et plus le temps passera, plus les forces organisées que sont les guerriers en armes seront incontrôlables. Elles finiront par prendre le contrôle de l’Etat. Et la guerre des clans s’installera. Apocalypse again !
Ceux qui souhaitent ou pronostiquent la mort de M. Ouattara devraient réfléchir encore un peu plus. Il reste fatalement une seule chance pour éviter à notre pays de sombrer encore plus dans un immense bourbier : celle du retour de Ouattara au pouvoir, le seul qui soit légitime pour rassembler le plus tôt les conditions d’élections démocratiques. Sa mort prématurée serait le prélude à des risques de chaos d’une ampleur inimaginable. Vivement qu’il guérisse et vienne travailler à la réalisation d’un scrutin présidentiel crédible, sécurisé et apaisé en 2015.
LIDER – Liberté et Démocratie pour la République
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