Côte d’Ivoire – révélations sur le décès brusque du Vicaire général du diocèse d’Abidjan

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Disparition inattendue du Vicaire général du diocèse d’Abidjan Douleurs et interrogations autour du décès de Monseigneur Blaise Anoh

Publié par l’Intelligent d’Abidjan

Tout avait pourtant si bien commencé pour l’église catholique de Côte d’Ivoire en ce nouvel an. Le 12 janvier dernier l’un de ses pasteurs les plus illustres, l’archevêque d’Abidjan était élevé à la dignité de cardinal par le pontife régnant, sa Sainteté le Pape François, devenant ainsi le troisième cardinal ivoirien, depuis 1983. La communauté catholique dans son ensemble et le clergé, en particulier celui de l’archidiocèse d’Abidjan s’apprête donc à vivre et à suivre cet autre moment de grâce que lui fait le Seigneur pour et par Mgr Jean-Pierre Kutwa. Dans la curie de celui qui vient d’être créé cardinal de la Sainte Eglise, son premier collaborateur, Monseigneur Aboua Anoh Blaise ne s’épargne aucun repos, comme à son habitude, notamment depuis près de vingt ans qu’il assume la très haute charge de Vicaire général (sous deux cardinaux, Mgr Agré, le précédent et encore vivant puis le nouveau). Helas, deux semaines seulement après l’annonce de cette nouvelle, le cardinal Kutwa, sa curie, son presbyterium et l’ensemble des fidèles apprennent le rappel à Dieu de Monseigneur Abou Anoh, dans la nuit 31 janvier au 1er février dernier. Au petit matin de ce samedi, il s’en est allé paisiblement, presque secrètement, alors que la veille, il avait bien devisé avec ses vicaires de la paroisse Saint François Xavier dont il avait aussi la charge curiale. Ce moment de convivialité nocturne s’était prolongé jusque vers 22 heures. L’équipe presbytérale s’est couché peu après, d’autant que ce samedi matin, son Curé allait, par ses fonctions de Vicaire général d’Abidjan, représenter le Cardinal à la messe d’ordination sacerdotale que devait conférer le tout nouveau Nonce Apostolique, Mgr Joseph Spiteri à la Cathédrale St Paul du Plateau, à une dizaine de nouveaux prêtres. Contrairement à ses habitudes d’être tôt réveillé pour les offices du matin, ce jour là Monseigneur Blaise ne se fait pas voir. A 7h, il n’est toujours pas sorti de sa chambre. Quand ses collaborateurs, alertés par ce fait tendent l’oreille devant sa porte, ils ne perçoivent aucun signe de vie et quand ils collent l’oreille, le silence qui enveloppe la chambre, ne les rassure pas. Alors, ils frappent à cette porte : doucement d’abord, puis plus fort, et plus violemment. Aucun écho ne leur répond. L’occupant n’a pourtant pas le sommeil aussi profond ! Hélas, il venait de sombrer justement dans ce profond sommeil, le sommeil éternel, quelques heures avant le lever du jour, couché sur le ventre, dans son lit, la main gauche levée comme pour dire au revoir et l’autre main posée le long du corps. C’est ce que découvrent les vicaires, après avoir téléphoné à l’archevêché, avoir reçu l’ordre de défoncer la porte et avoir été informés que trois autres prêtres viendraient constater en même temps ce qu’ils verraient qu’eux.

Monseigneur est là, étalé. Il ne bouge pas et il ne parle pas. Le groupe pense un moment qu’il a replongé dans un nouveau coma, après celui du 10 février 2010 qui l’avait plongé dans le noir pendant plusieurs mois. Mais ils s’avisent, dans un geste purement humain, de le toucher. Le corps n’a pas encore la raideur cadavérique mais il est froid. L’évidence semble alors s’imposer, mais ils veulent en avoir le cœur net. L’un des prêtres, familier des services hospitaliers et bien connu du milieu médical contacte alors un médecin du Chu de Cocody qui arrive au presbytère de la paroisse avec une ambulance. Il constate le décès et embarque le corps à destination de la morgue de ce centre hospitalier universitaire. C’est alors que la famille du défunt est saisie. L’un de ses frères, le plus proche, est prié de rallier l’hôpital. L’appel venant d’un prêtre, celui-ci pense alors que son frère prêtre a des ennuis sérieux et soudains de santé. Il n’envisage même pas une issue fatale. C’est pourtant le triste spectacle qui s’offre à ses yeux lorsqu’un casier de la morgue est tiré, que le corps recouvert est découvert et qu’il reconnaît Monseigneur, son frère tellement aimé avec qui la veille, il avait eu une longue conversation téléphonique que avant le milieu de la nuit, au cours de laquelle ils avaient parlé de tout, comme d’habitude. Le Seigneur qui l’avait donné à la famille Aboua vientt de le leur reprendre. Désormais les deux familles savaient : la famille cléricale d’abord (le Cardinal Kutwa en premier), la famille biologique ensuite. Le plus dur allait commencer : répandre la mauvaise nouvelle et vivre avec les douleurs de la perte d’un être cher. Monseigneur n’allait plus manifester sa joie pour son chef qui le 22 février prochain, recevra à Rome, les insignes de sa dignité cardinalice. Surprise, consternation, émotion, peine, les sentiments se disputent et les douleurs refusent d’être muettes à l’annonce de la disparition de ce grand serviteur de l’Eglise ivoirienne et de l’Afrique de l’Ouest.

Le service de celui qui nous a quitté, commence le 1er mai 1973. Il a 30 ans quand le fils de François Aboua et de Paulette Ayemou, devient prêtre par le sacrement de l’Ordre que lui confère Mgr Bernard Yago en l’Eglise Notre Dame du Perpétuel secours, dans la commune de Treichville. Peu de temps après cette ordination sacerdotale, il part comme coopérateur dans le nouveau diocèse de Man où Mgr Bernard Agré a été nommé en 1968. Son séjour n’y sera pas très long car Mgr Yago a besoin de son prêtre pour l’envoyer, en compagnie d’un autre, l’Abbé Michel N’dri, suivre des études de philosophie à Lille (France). Lorsqu’il reviennent en Côte d’Ivoire, pétris de savoir et nantis de diplômes, l’Abbé Blaise se voit confier la charge de Supérieur du Moyen séminaire Saint Joseph Mukasa de Yopougon et de professeur de philosophie dès l’année 1979. Un mandat de trois ans qu’il achève en 1982. Il avait succédé à l’Abbé Christophe Yekagnan (1976-1979) et désormais il allait céder cette responsabilité à l’Abbé Anaclet Frindethié (1982-1991).

En février 1983, son évêque le fait nommer Secrétaire général de la conférence épiscopale régionale de l’Afrique de l’Ouest (CERAO). Il a désormais une responsabilité ecclésiale à l’échelon international qu’il assume jusqu’en 1992, sous la présidence de l’évêque de Koupela (Burkina Faso), Mgr Dieudonné Yougbaré (1982,1985) et celle de Mgr Bernard Agré (1985-1991) et d’un autre évêque burkinabé, de Bobo Dioulasso, Mgr Anselme Titiamna Sanon. Alors l’Abbé Blaise qui avait remplacé à ce poste un prêtre du Burkina, l’Abbé Abel Ouédraogo, est remplacé à son tour par un prêtre togolais l’Abbé Denis Amouzou (qui deviendra archevêque de Lomé le 8 juin 2007). L’Abbé Blaise a donc terminé son mandat de 9 ans à la CERAO, mais continuera à donner ses cours de philosophie au Grand séminaire d’Anyama où il enseigne parallèlement depuis 1990, c’est-à-dire avant la fin de son mandat africain en même temps qu’il assume une première responsabilité curiale, à la paroisse St Ambroise d’Angré dans le quartier des Deux-Plateaux de 1990 à 1995. Après la CERAO, il a donc une autre vie et il ne chôme pas. Curé fondateur de cette paroisse pendant cinq ans, il est un vrai pasteur bien apprécié de ses paroissiens et de son évêque. Ses ouailles ne tarissent pas d’éloges à l’égard de sa pastorale. Ils le disent proche d’eux, peu avare de soutien moral, matériel et financier, patient, humble et découvrent une forme de poésie dans ses homélies et une grande spiritualité dans ses prédications ainsi que son coté enseignant fait de pédagogie. Un bonheur ! Mais l’Abbé Blaise qui est quasiment « Tout à tous » et si bien apprécié dans son « milieu », va aller vers d’autres cimes. Fini Saint Ambroise, voilà l’archevêché d’Abidjan que Mgr Yago vient de laisser à Mgr Agré, transféré du diocèse de Yamoussoukro et qu’avec le siège d’Abidjan, devient le deuxième archevêque ivoirien, comme il succèdera en 2001 comme cardinal et celui qui dès 1983 est devenu le Cardinal Yago. L’Abbé Blaise reçoit donc une charge plus grande et monte en dignité : nommé Vicaire général de Mgr Agré, il se voit conférer le titre de Monseigneur Blaise Anoh. Sa nouvelle dignité le rapproche aussi, pourrait-on dire, à l’épiscopat. En attendant cette éventualité, il se donne à fond dans les attentes que contiennent son titre. Mgr Agré le charge et le surcharge de travail car il sait que son premier collaborateur en a les capacités intellectuelles, physiques et pastorales. Le sachant, l’évêque résidentiel va même lui confier également la charge de Curé de la Cathédrale St Paul du Plateau en 1999. Monseigneur Blaise cumule donc les fonctions de Vicaire général, Curé de la Cathédrale et professeur au Grand Séminaire d’Anyama. Il fonce et se défonce.

En 2002, il est déchargé des deux dernières pour mieux assumer la première. Et sans doute aussi pour moins s’épuiser. Lorsque Mgr Jean-Pierre Kutwa prend en 2006 la succession de Mgr Agré, il le convainc de rester comme Vicaire général, alors que Monseigneur souhaitait retrouver une charge plus tranquille, celle d’une paroisse. Qu’à cela ne tienne : il va « faire» les deux Saint François Xavier d’Abidjan. Celui de la paroisse d’Abobo (peu de temps) et celui d’Anono (jusqu’à son décès). Certains, dans la communauté catholique du diocèse s’étonnaient que le « grand Monseigneur Blaise » ait été « redescendu » dans une paroisse rurale (surtout celle d’Anono qui est un village). Les commentaires allaient bon train. En réalité, c’était le choix de l’intéressé qui espérait ainsi trouver quelque repos. Ce village le lui a permis. Et c’est delà que la mort est entrée dans sa chambre ce 2 février 2014, alors que lui et sa famille avaient prévu de fêter son 71e anniversaire d’âge et de rappeler ses 41 ans de sacerdoce. Des moments qui se présentaient comme des rayons de soleil dans sa vie toute donnée. D’ailleurs, il avait prévenu sa famille un certain jour : qu’à sa disparition, son corps soit donné à l’église. Les interrogations continuent tout de même à s’exprimer depuis sa subite disparition. C’est dans cet esprit de don soi et des services rendus à l’Eglise catholique et à la société, que le Cardinal Kutwa a donné cette consigne : « que Monseigneur Blaise ait des funérailles dignes de son rang et de ses mérites ». Aussitôt dit, aussitôt à commencé à être fait. Depuis le mercredi, les condoléances sont reçues au domicile de son frère Aboua Joseph dans la cité résidentielle « Oscarine 3 » de la Riviera Bonoumin. Dès le lundi 10 février, une veillée religieuse va se dérouler de 20h à 21 30 à la Paroisse Saint François Xavier d’Anono dont il était le Curé. Le lendemain, le corps de Monseigneur sera accueilli sur le parvis de la Cathédrale Saint Paul du Plateau à 17h et les vêpres seront chantées par le clergé jusqu’à 20 h. Suivra une autre veillée religieuse qui se terminera à l’aube du mercredi 12 février. Et ce matin là sera le moment des laudes dès 8h30 puis de la messe de requiem qui débutera à 9 heures. Enfin, le défunt sera inhumé vers 12h30 au cimetière du Petit séminaire Saint Augustin de Bingerville, berceau des vocations sacerdotales. Là où au milieu des années 50, s’est forgé sa propre vocation au presbytérat. Il dormira auprès du premier prêtre ivoirien, Monseigneur René Kouassi, ordonné en 1934 et décédé 1970. Ainsi repose désormais en paix, celui qu’on appelait aussi « Tonton Blaise ».

Lebry Léon Francis

Journaliste
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