Centrafrique – La spirale de la vengeance

La mosquée de Fouh, à Bangui, a été saccagée mardi par des Centrafricains chrétiens. REUTERS/Emmanuel En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/la-centrafrique-dans-la-spirale-de-la-vengeance_1306924.html#WAhQGYQWgfxuGY6J.99
La mosquée de Fouh, à Bangui, a été saccagée mardi par des Centrafricains chrétiens.
REUTERS/Emmanuel

Par Hélène Pillon

Les forces françaises ont entamé lundi l’opération de désarmement des milices de la Séléka en Centrafrique. Mais elles doivent désormais faire face au désir de vengeance d’une partie de la population chrétienne, victime pendant des mois des rebelles musulmans.

Ils voulaient amener la paix, mais libèrent la colère. Depuis lundi, les soldats français déployés en Centrafrique désarment les combattants de la Séléka, sous les applaudissements des chrétiens. Mais bien souvent, une fois l’armée partie, le désir de vengeance prend le pas. Victime des exactions de ces rebelles de confession musulmane qui ont renversé en mars 2013 le président François Bozizé, la population chrétienne est décidée à faire payer ses anciens bourreaux.

“Oeil pour oeil, dent pour dent”
“Au lieu de rétablir le calme, l’intervention des troupes françaises semble avoir précipité les violences interconfessionnelles qu’elles étaient censées enrayer”, analyse Adrien Jaulmes, l’envoyé spécial du Figaro à Bangui. Les combattants de la Séléka en grande partie désarmés, la violence et la peur ont simplement changer de camp, semble-t-il. Le journaliste du Figaro a d’ailleurs assisté à une altercation entre des militaires français et des garde-chasses centrafricains auxquels ils ordonnaient de rendre leur kalachnikov. “Si vous nous désarmez, vous devez nous protéger! Ceux-là veulent nous tuer!”, s’est insurgé l’un des hommes en désignant les badauds.

Un climat de psychose qu’alimente la population à 80% chrétienne. “Les Séléka nous ont tout pris, nous allons tout leur prendre maintenant c’est oeil pour oeil, dent pour dent.” Et le passage à l’acte ne se fait pas attendre. Depuis plusieurs jours, les anti-balaka, ces civils qui se sont armés de machettes pour repousser les rebelles de la Séléka, se promènent couteau voire fusil à la main.

Lorsque l’envoyé spécial d’RFI Laurent Correau arrive à Benz Vi, un quartier de Bangui, “les pierres qui ont servi à tuer un combattant habillé en civil sont encore là, près de sa tête, au milieu d’une flaque de sang.” “Le corps de l’ex-Seleka mort gît au milieu de la chaussée, sous le regard impassible ou amusé des habitants.” Alors que la foule désosse la voiture du rebelle, un passant lui explique qu’il ne l’avait pas acheter mais “voler”, puis conclut: “Aujourd’hui c’est notre fête”.

“Nous ne voulons plus de musulmans”
Ce sentiment de fête mêlé de colère ne fait pas dans le détail. Tout musulman est invariablement associé à la Séléka, et pris pour cible. Lundi et mardi, alors que l’opération de désarmement débutait, plusieurs commerces tenus par des musulmans ont été pillés par la foule. Le même sort a été réservé à la mosquée du quartier de Fouh à Bangui. “La population est montée sur le toit, arrachant la tôle, défonçant les cloisons à coups de pioches et de barres de fer. Un mur, un seul, leur résiste et il servira d’écriteau pour laisser leur message : ‘Nous [ne] voulons plus les musulmans ici ‘”, rapporte Libération.

Par mesure de précaution, certaines familles musulmanes sont évacuées. Mais les forces françaises et africaines sont accusées de laisser de côté la sécurité de cette minorité, autrefois protégée par la Séléka. Moussa, un jeune musulman, laisse éclater sa colère au micro de RFI: “C’est l’armée française qui a créé ces problèmes. Ils désarment les gens, ils les laissent là plutôt que de les emmener dans des casernes… Du coup, la foule leur jette des pierres. La France est venue pour amener la paix, elle ne doit pas laisser de côté une partie de la population centrafricaine.” “Vous voulez faire un nouveau Rwanda? On va se défendre!”, prévient quant à lui un membre de la Séléka. Véritable cercle vicieux.

express.fr

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