CEDEAO: vers la fin des frontières ?

CEDEAO

CEDEAOLe vendredi 25 Octobre, les membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont convenu d’un tarif extérieur commun.Dans le but affiché de créer un marché plus intégré pour les 300 millions d’habitants de la région, les dirigeants de la communauté économique des 15 pays ont décidé d’harmoniser les tarifs douaniers sur les marchandises qui franchissent leurs frontières. Ce tarif douanier unique prendra effet en 2015.
Par Adigun Ajibola*

Huit membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine ( UEMOA) qui comprend le Bénin, le Burkina Faso, Côte-d’Ivoire, la Guinée, la Guinée- Bissau, le Sénégal, le Niger et le Togo ont déjà un marché commun et une monnaie commune.

Le président de la commission de la CEDEAO, Kadre Désiré Ouédraogo, a déclaré qu’il s’agissait d’un objectif de l’organisme depuis sa création en 1975. Mais ce qui a retardé l’intégration économique semble encore persister. Des groupes dissidents et des contre alliances rendent souvent les accords régionaux fragiles.

Des adhésions qui se chevauchent et des communautés difficiles à manœuvrer en Afrique ont rendu la libéralisation du commerce difficile. La présidente de l’Union africaine Nkosazana Dlamini Zuma affirme que le continent se porterait mieux si les communautés économiques étaient moins nombreuses et plus vastes. Il y a un projet pour créer une zone de libre-échange (ALE) entre la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), le Marché commun pour l’Afrique orientale et australe (COMESA) et la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE). Le marché agrégé de ces zones représente une population de 530 millions d’habitants.

Le bloc économique de l’Afrique de l’Ouest a suivi les voies de l’Est, qui avait adopté un tarif douanier commun en 2009. Mais même l’Est a des problèmes à passer des protocoles signés à une mise en œuvre effective. Pour résoudre le problème du transport ferroviaire, la Communauté de l’Afrique de l’Est a accepté d’harmoniser son réseau routier et ferroviaire, mais non sans querelles collatérales. La Tanzanie accuse le Kenya, l’Ouganda et le Rwanda de la contourner dans leurs discussions en faveur d’un nouveau chemin de fer qui reliera les trois pays.

À l’Ouest aussi, l’intégration n’est pas totale. Parmi la communauté de 15 membres, seulement dix ont un accord de voyage intra-régional; mais même parmi ces pays, les marchandises et les hommes ne peuvent pas traverser les frontières sans graissage de pattes.

Les douanes unifiées aideront à redémarrer les négociations commerciales avec l’Union européenne, le plus grand partenaire commercial de la région. Mais ira-t-on au-delà des promesses ? Les accords bilatéraux nationaux des pays membres rendront la naissance du bloc douanier plus difficile. Par exemple, la Côte-d’Ivoire a conclu un accord commercial préférentiel avec l’Union européenne, rendant compliqué pour le pays d’entrer dans un accord de libre-échange qui met en péril cette relation.

Selon l’Indice de liberté économique 2013, malgré la croissance économique que certains pays ont enregistrée sur la dernière décennie, les pays africains sont encore parmi les plus pauvres dans le monde en raison des restrictions à la circulation des biens et des personnes, et d’un système juridique très politisé.

Un nouveau bloc douanier ne sera pas suffisant en lui-même. Des mesures institutionnelles plus larges devront être mises en place par les États membres. Le rapport sur la liberté économique dans le monde publié par l’Institut Fraser montre que la plupart des pays africains appartiennent à la catégorie la moins économiquement libre. Le rapport Doing Business quant à lui montre que rien n’a changé dans la région en termes de freins au démarrage d’une entreprise, de protection des droits de propriété, de commerce transfrontalier et d’exécution des contrats. Les points faibles sont également en accord avec les conclusions de l’Indice Mo Ibrahim de 2013 qui établit que seulement 43 pour cent des personnes vivant en Afrique vivent dans un pays qui a connu une amélioration globale de la gouvernance depuis 2010.

La volonté de l’Union africaine de mettre en place un accord de libre-échange au sein de l’Afrique doit aller au-delà des blocs douaniers, et se tourner vers le renforcement des institutions qui favorisent la libéralisation des échanges.

Les politiques protectionnistes qui ne permettent pas la mobilité des biens et des services et l’afflux de capitaux n’aideront évidemment pas. Des propositions de loi comme la restriction des entrepreneurs étrangers dans des projets de construction au Nigéria, et les sentiments xénophobes des Ghanéens et des Sud-Africains, tout cela devra être pris à bras le corps.

La construction de passages frontaliers qui avait échoué par le passé est essentielle pour faciliter la circulation des biens et des services à travers les frontières de la région. Il est nécessaire que les dirigeants africains s’engagent à tenir leurs promesses et rendre les voyages à travers les frontières en Afrique plus faciles.

Si les membres du bloc sont fidèles à leurs engagements, la région pourra modifier le statut de ses échanges, passant d’une relation de dépendance à une relation d’avantage mutuel. L’accord de partenariat économique avec l’UE protégera sans doute les marchés intérieurs fragiles en raison de leurs avantages comparatifs, et par ailleurs permettra un échange de marchandises entre les deux blocs. Cela ouvrira également la circulation tant nécessaire du capital financier et technique en Afrique.

Adigun Ajibola est assistant de recherche à la fondation Atlas.

Publié en collaboration avec LibreAfrique.org

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