Jeunes gens en armes à désarmer (Tiburce Koffi)

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A l’esprit du plus médiocre même des princes de ce monde, la question de l’utilisation rentable de la jeunesse s’est, un jour, posée: comment transformer ce magna d’énergies en forces productives ? La réponse varie en fonction des objectifs que s’assigne chaque prince. Une seule chose reste stable: la conviction que la jeunesse est l’avenir du monde. Mais elle reste aussi la menace qui plane sur le monde: Quand la jeunesse a froid, le monde tremble, écrit, à ce propos, M. Balka (La nuit).

Houphouët-Boigny avait décliné, sans aucune ambiguïté, son ambition de faire de ce pays une réussite économique par l’agriculture, activité qui nourrit l’homme, assure son quotidien vital et fait la force des nations prospères : à quelque exception près, toute puissance économique est, avant tout, une puissance agricole. Fort de cette conviction, Houphouët avait entretenu sa jeunesse et ses cadres de la nécessité de créer des plantations, de mener une activité agricole par la culture culturale de la terre, certes, mais aussi par une culture de type scientifique du sol ; d’où la création de centres de recherche agricole (Cnra), et les efforts (quoique très insuffisants) de mécanisation de cette agriculture (pensons à Motoragri). Et Houphouët a appelé cette politique : Retour à la terre; la terre qui ne trahit pas, ne ment pas, ne disparaît pas car c’est le lieu symbolique de l’accomplissement de l’homme aussi bien à la naissance (on naît sur terre) qu’à la mort (on retourne à la terre).

Les successeurs et héritiers d’Houphouët ont-ils renoncé à cette noble ambition ? Je rappelle que même Laurent Gbagbo avait demandé aux Ivoiriens de retourner à cette heureuse politique du Président Houphouët, en exhortant les Ivoiriens à entretenir, ne serait-ce qu’un lopin de terre, pour les produits maraîchers.

Questionnons donc : que font dans les rues ces milliers de jeunes oisifs qui infectent les quartiers d’Abidjan ? Est-il impossible de les recenser, quartier par quartier, de les organiser en Groupes de colons à vocation agricole (Gcva), et de mettre à leur disposition d’immenses parcelles de terres cultivables à coloniser, sur la base d’un Programme agricole national (Pan) intelligemment conçu ? Je suis certain que tout cela reviendrait moins cher à l’État que l’entretien de toute la bureaucratie chargée de gérer l’agriculture : le bureau et le cabinet du ministre, le parc autos, les directions, les salaires, les missions vagues en Suisse, en Allemagne, aux Usa, etc. Sommes-nous, oui ou non, un pays à vocation agricole ?…

Quand ils voient l’étendue de nos espaces non cultivés (le long de l’autoroute du nord par exemple — et ceci sur des centaines de kilomètres), nos amis européens se demandent toujours comment nous faisons pour ne pas encore être autosuffisants sur le plan alimentaire ! Réponse simple : en ne travaillant pas suffisamment la terre !…

La jeunesse ivoirienne ‘‘post-houphouétienne’’ est pervertie par la classe politique actuelle qui l’a éduquée, en même que livrée à la violence. Depuis pratiquement 1990 et plus certainement 1995 (le boycott actif), 1999 (le coup d’État), 2000 (l’accession ensanglantée de Laurent Gbagbo au pouvoir), 2004 (la guerre des Sukhoïs), 2010 et 2011 (la crise post-électorale, ensanglantée de même), elle est entrée dans l’ère de la violence, puis s’y est résolument installée. Pour nous donner des chances de retrouver l’idéal de paix dont Houphouët-Boigny nous avait nourris, ne nous faudrait-il pas détourner l’attention de notre jeunesse vers des activités qui jurent avec la culture insidieuse de la guerre ? Les milices et tous ces détenteurs illégaux d’armes contribuent à pérenniser la culture de la violence et à entretenir le spectre de la guerre dans le cerveau de ces jeunes gens.

A mon avis, un pays comme le nôtre qui cherche à sortir de la grave crise qui l’a ruinée pendant des mois de tueries sauvages, devrait songer à orienter sa jeunesse vers des activités et des corps de métiers susceptibles de l’éloigner de l’univers de la violence: le commerce, le sport, l’art sont, en cela, des activités à promouvoir. Le commerce pour gagner de l’argent et acquérir l’indépendance financière ; l’art et la culture pour s’imprégner de la notion de beau qui a tant manqué à son éducation de ces quinze dernières années ; le sport pour lui offrir des occasions d’affirmer sa personnalité par des performances et d’évacuer aussi, mais de manière productive, la dose de violence emmagasinée. Non, je n’aime pas les armes ! Et parce que je ne les aime pas, je décline et confirme mon houphouétisme!

Par TIBURCE KOFFI
tiburce_koffi@yahoo.fr

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