Le Conseil de sécurité de l’ONU a rejeté vendredi 15 novembre la demande des pays africains de suspendre les procès pour «crimes contre l’humanité» du président et du vice-président kényans.
Le projet de résolution, qui n’a recueilli que sept votes favorables contre huit abstentions sur les 15 pays membres du Conseil, demandait de reporter d’un an les procès du président Uhuru Kenyatta et du vice-président William Ruto. Il aurait fallu neuf voix en sa faveur pour que la résolution soit adoptée.
Les sept pays du Conseil qui sont aussi membres de la Cour pénale internationale (CPI), ainsi que les Etats-Unis, se sont abstenus. En revanche, la résolution, coparrainée par de nombreux pays africains, dont le Kenya, était soutenue par la Russie, le Pakistan, la Chine ou encore le Rwanda, non signataire de la CPI.
CV
Le Conseil de sécurité doit rejeter la demande d’ajournement du procès des dirigeants kenyans devant la CPI (Amnesty International)
[14/11/2013]
Le Conseil de sécurité de l’ONU ne doit pas céder aux pressions politiques en vue d’ajourner pendant un an le procès du président kényan Uhuru Kenyatta devant la Cour pénale internationale (CPI) à l’approche d’un vote prévu vendredi 15 novembre.
Amnesty International exhorte le Conseil de sécurité à rejeter toute possibilité de report du procès des dirigeant kenyans devant la Cour pénale internationale.
En début de mois, le Rwanda, membre du Conseil de sécurité, a fait circuler un projet de résolution demandant le report du procès. Cette requête doit faire l’objet d’un vote le 15 novembre.
Les victimes des violences postélectorales au Kenya attendent depuis trop longtemps que justice leur soit rendue. Ce serait une honte si les membres du Conseil de sécurité donnaient la priorité aux intérêts personnels de dirigeants politiques, au détriment de ceux de victimes de crimes contre l’humanité. Ajourner le procès d’Uhuru Kenyatta établirait un dangereux précédent pour la justice internationale et reviendrait à dire que les futurs procès pourraient capoter face à des intérêts politiques. »
Tawanda Hondora, directeur adjoint du programme Droit et stratégie politique d’Amnesty International
Au lendemain de l’attaque du centre commercial de Westgate dans la capitale Nairobi, du 21 au 24 septembre, la CPI a accordé au vice-président William Ruto l’ajournement provisoire de son procès, afin de gérer la crise. La Cour a également déclaré qu’elle autoriserait les accusés – le président et le vice-président – à s’absenter dans des circonstances exceptionnelles.
Il ne fait aucun doute que la CPI a arbitré et géré les procès de manière conforme au Statut de Rome. Aussi n’y a-t-il aucune raison pour que le Conseil de sécurité intervienne et politise les procès de la CPI.
Le procès d’Uhuru Kenyatta, qui devait s’ouvrir le 12 novembre, a été ajourné au 5 février 2014.
Dans ces circonstances, une résolution du Conseil de sécurité serait à la fois précipitée et mal avisée.
Les dirigeants africains ont affiché leur attachement à la justice internationale en signant le Traité de Rome, qui pose que personne, pas même un chef d’État, n’est exonéré de sa responsabilité pénale. Ils ne sauraient le renier aujourd’hui en réclamant un ajournement.
Les compromis et autres marchandages politiques nuiront sérieusement au système de justice internationale et conforteront l’impunité pour les chefs d’État accusés de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide.
Le Conseil de sécurité a rejeté une précédente requête de report soumise par le Kenya en 2011 et une autre en mai 2013. Nous espérons qu’il gardera ce cap, dans l’intérêt des victimes de crimes relevant du droit international commis au Kenya et partout dans le monde ».
Le Conseil de sécurité peut ajourner la procédure de la Cour pénale internationale pendant un an, au titre de l’article 16 du Statut de Rome qui régit la Cour.
Le Kenya a demandé au Conseil de sécurité de reporter les procès du président Uhuru Kenyatta et du vice-président William Ruto en mai 2013, et l’Union africaine a déposé une nouvelle requête le 12 octobre 2013.
Plus de 1 000 personnes ont été tuées et quelque 600 000 déplacées à la suite des violences qui ont embrasé le Kenya, au lendemain des élections présidentielles et parlementaires fin 2007.
Ces violences ont éclaté entre les partisans de Mwai Kibaki, dirigeant du Parti de l’unité nationale (PNU) déclaré vainqueur de l’élection présidentielle, et ceux de son principal rival Raila Odinga, à la tête du Mouvement démocratique orange (ODM). Elles ont culminé dans la Vallée du Rift et dans l’ouest du pays.
Le président Uhuru Kenyatta et le vice-président William Ruto, tous deux hauts responsables politiques au moment de ces violences postélectorales, sont accusés de crimes contre l’humanité, notamment de meurtre, de transfert forcé de population et de persécution. Le président Uhuru Kenyatta doit également répondre d’accusations mettant en cause sa responsabilité dans des viols et d’autres actes inhumains – circoncision forcée et amputation de pénis notamment – commis par les Mungiki, bande criminelle qui serait sous son contrôle.
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