Après leur accouchement, des milliers de femmes souffrent de complications qui entrainent détresse morale et isolement social.
En Côte d’Ivoire, comme dans d’autres pays d’Afrique et d’Asie, de nombreuses femmes sont mises au ban de leur communauté à l’issue de leur accouchement. En cause: une complication, appelée fistule obstétricale, qui crée une incontinence urinaire, voire anale, chez la jeune mère et la rend malodorante. Véritable problème de santé publique dans l’ouest et le nord du pays, les fistules font aujourd’hui l’objet d’un programme visant à amener ponctuellement des chirurgiens expérimentés dans des zones isolées pour soigner gratuitement ces femmes en détresse.
Une fistule est un trou qui se crée entre le système urinaire et le vagin, ou, plus rarement, entre le rectum et le vagin, à l’issue d’un accouchement difficile. Cette communication se forme lorsque le bébé est trop gros (c’est donc plus fréquent chez les adolescentes) ou que le travail est très long, comme souvent chez les femmes excisées. Le mécanisme est similaire: en sortant, le bébé comprime la paroi du vagin et celle de la vessie, de l’urètre ou de l’uretère, contre l’os du pubis. Le tissu, privé de vascularisation, se nécrose et tombe, créant une ouverture. L’urine ou les selles, quand le trou se crée avec le rectum, s’écoulent par le vagin de la femme en continu sans qu’elle puisse le contrôler.
Opérations gratuites
Souillées en permanence, ces femmes sont traitées en paria par leur communauté, confinées dans des petites pièces isolées ou jetées hors de chez elles, répudiées par leur mari. La maladie, parfois attribuée à une malédiction, est plus fréquente dans les milieux modestes où les femmes accouchent encore à domicile, faute d’information. «La douleur morale est encore plus forte que la douleur physique», témoigne le Pr Gabriel Gnanazan Bi N’Guessan, chef du service d’urologie au CHU de Treichville, à Abidjan. «Trop souvent, elles ignorent que cette maladie se guérit.»
Le Pr Gnanazan est l’un des experts participant aux caravanes de chirurgiens qui opèrent gratuitement dans le nord et l’ouest du pays. Ce projet, financé par le Fonds des nations unies pour les populations (UNFPA), permet de proposer pendant une dizaine de jours par mois les services d’urologues spécialisés aux populations éloignées des grandes villes. «Souvent, les patientes sont une cinquantaine à se présenter, et c’est un crève-cœur quand on n’a pas le temps de les opérer toutes», confie-t-il. L’opération, réalisée sous anesthésie locale, peut prendre de 30 minutes à 3 heures. «Le bénéfice est immédiat. C’est un tel plaisir de voir ces femmes, qui étaient au bout du désespoir, revivre», confirme le Pr Lebeau, chirurgien digestif à Bouaké, où les cas de fistules sont fréquentes.
Difficile pour l’instant de dire combien d’Ivoiriennes souffrent de cette maladie «puisqu’elle contraint celles qui en souffrent à se cacher», explique le Pr Gnanazan. Selon l’OMS, plus de 2 millions de jeunes femmes vivent avec une fistule non traitée en Asie et en Afrique subsaharienne. «Mais, désormais en Côte d’Ivoire, grâce aux caravanes, elles osent se montrer.»
Le Figaro
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