Par Vincent Duhem Jeune-Afrique
Les affrontements du samedi 26 octobre, à Bouar, entre milices paysannes d' »auto-défense » et forces de sécurité centrafricaines ont fait près de 40 morts, selon un dernier bilan. Après Bossangoa, Bouca et Bangassou, cette dernière attaque traduit-elle la volonté des anti-balakas de chasser du pays les ex-rebelles de la Séléka ?
Il est pour l’instant difficile de dire si l’attaque de Bouar, qui a fait près de 40 morts le 26 octobre, entre dans une véritable stratégie de déstabilisation de la Centrafrique, ou non. Mais la multiplication des actes de résistance armée inquiète les autorités comme les représentants de la communauté internationale à Bangui.
Samedi 26 octobre aux premières heures de la matinée, une grosse centaine de combattants armés fond sur Bouar, située à 150 km de la frontière camerounaise. Encerclant la ville, ces membres de milices anti-balakas visent, à l’arme lourde et légère, l’aéroport (le deuxième du pays après Bangui) et le camp militaire. Prise de panique, la population se dirige vers l’évêché, le grand séminaire Saint-Laurent et à la paroisse Notre-Dame de Fatima.
Les forces de sécurité (ex-séléka) reprennent le contrôle de la situation le lendemain, mais le bilan est lourd. Selon une source sécuritaire, près de 40 combattants sont morts, dont au moins 35 du côté des assaillants. Environ 20 civils ont également été abattus alors qu’ils tentaient de fuir. La Séléka les a vraisemblablement pris pour des anti-balakas.
Aujourd’hui, la situation humanitaire dans cette ville de 40 000 âmes est dramatique. Quelque 5 000 déplacés sont toujours à l’évêché et il est très difficile de les loger et de les nourrir.
Coordination ?
« Il s’agit bien d’une rébellion qui se met en place. Ceux qui sont derrière elle ont revendiqué d’ailleurs les attaques de Bossangoa et Bouca », dans le nord-ouest du pays, a commenté à l’AFP sous couvert d’anonymat une source à la présidence centrafricaine.
Une version nuancée par plusieurs sources diplomatiques. « On ne peut pas dire avec certitudes que ces actions sont coordonées », explique l’une d’elles.
Entre Bossangoa et Bouar, « on est passé d’une réaction spontanée avec des armes artisanales, à une réaction plus musclée avec des armes de guerre et la présence d’anciens militaires », précise lui le général Babacar Gaye, représentant des Nations unies en RCA.
En tout cas, la volonté des anti-balakas de chasser les ex-Séléka du pays fait des émules. Chez les partisans de l’ancien président François Bozizé d’abord. Ces derniers ne sont pas derrière l’attaque de Bouar, une région qui passe pour abriter, depuis le coup d’État, des éléments de la garde présidentielle. Toutefois, selon des sources sécuritaires et diplomatiques, deux proches de Bozizé seraient mêlés à cette provocation. « Il est possible que d’ex-Faca y aient participés », ajoute une source sécuritaire. Renversé fin mars, l’ancien chef d’État n’a pas renoncé à revenir à Bangui, mais manque cruellement de moyens financiers et de soutiens politiques.
Paysans centrafricains
Un autre groupe tente de fédérer ces milices d’auto-défense. Il s’agit de l’Association des paysans centrafricains (APC), dirigée par Pascal Koyagbelé. Âgé d’une quarantaine d’année, cet agro-industriel a de bonnes raisons d’en vouloir au nouveau pouvoir. Lors de l’avancée de l’ex-Séléka, l’un de ses employés a été sauvagement assassiné. Lui, qui a presque tout perdu, a rapidement quitté la Centrafrique pour le Cameroun avant de s’établir ensuite en Afrique du Sud.
Depuis, il mène régulièrement sur le terrain des missions d’assistance aux paysans. Ce fut le cas fin septembre, dans la région de Bayanga (sud-ouest) où il a réuni une soixantaine de chef de village venus de diverses régions du pays. L’intéressé a aussi été vu à Boubou, un village à 25 km de Bossangoa sur la route de Bouca. Rebelote entre les 22 et 27 octobre, cette fois dans la préfecture de Lobaye (sud-ouest). À chaque voyage, il y rencontre des membres de milices, leur donnant des cartouches de chasse et des téléphones satellitaires.
Si le mouvement des paysans centrafricains semble bien implanté sur le terrain, il est encore difficile de juger de sa portée et de son influence sur les anti-balakas. Reste qu’en coulisse, Koyagbélé tente tout de même d’activer ses réseaux. En Europe, il milite auprès des mouvements écologistes. À Johannesburg, il s’approche des membres de l’ANC et du puissant syndicat de la Cosatu.
Lala Bevarrah
Dernièrement, il a également établi un contact avec l’ancien ministre de l’Éducation, Lala Bevarrah. Ce proche de Charles Massi, chef rebelle disparu en 2010, est présent avec ses hommes, dont on ignore le nombre, en territoire sud-soudanais.
Nombre d’observateurs s’attendent, dans les prochains jours, à de nouvelles attaques. Une situation qui rend urgente la mise en place d’une véritable stratégie de stabilisation de la RCA.
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Par Vincent Duhem
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