Une « ville » de tentes blanches
La région du Grand Gedeh à l’est d u Liberia, accueille, à elle seule, quatre camps de réfugiés ivoiriens. Le 18 octobre, veille de la visite du Chef de l’État ivoirien à Zwedru, la capitale de cette région, nous nous sommes rendus dans le plus grand site.
Dans une tente adjacente, un homme, la quarantaine, est plongé dans la lecture de la sainte Bible. Il se nomme Tahi Lass Paterne. Il était officier des Eaux et Forêts, en service à Biankouma, mais délocalisé à Duékoué. « Au moment de la généralisation de la crise postélectorale, j’étais en famille à Zagné. Des parents et amis m ’ont demandé de me mettre à l’abri, au Liberia voisin, avec ma famille », souligne l’ex-officier des Eaux et Forêts. Il affirme s’être rendu à Abidjan pour se faire recenser à la demande du ministère de la Fonction publique, en août 2011. « Quand je suis revenu chercher m a famille, des sms et coups de fil m ’ont déconseillé de retourner au pays. Notre seul ennemi, ici, c’est la rumeur. Par manque d’informations, nous sommes toujours ici », déclare-t-il. Nous en profitons pour lui dire que le Chef de l’Etat demande à tous les militaires de rentrer au pays avant la fin du mois de novembre 20 13. Surpris, il dit ne pas avoir cette bonne nouvelle. « Jésus est merveilleux. Après la visite du Président, je rentre au pays. Nos propres parents veulent que nous restions à l’extérieur. Ce sont eux qui font croire que le pays est à feu et à sang. Si le Président l’a dit, alors, moi, je rentrerai », s’est-il écrié.
Après la récolte du riz
Le calendrier de l’officier dépendra, cependant, de la récolte de son champ de riz : il a loué 5 hectares de terre à un propriétaire terrien libérien pour faire ce champ. « Pour pallier l’insuffisance de l’assistance, j’ai fait un cham p de riz pour nourrir m es cinq enfants parce qu’avec ce qu’on nous donne chaque mois (12kg de riz, 1 litre d’huile et 1,5 kg de soja), il est impossible de tenir », fait-il savoir.
S’agissant du maintien en exil de milliers d’Ivoiriens, Tahi Lass pense que cela est encouragé par les parents des réfugiés restés au pays : « Ils vendent les plantations de leurs frères réfugiés. Ensuite, ils font des allées et venues pour leur faire croire que des étrangers se les sont accaparées», fait-il savoir. Sa femme ajoute que son mari rentrera au pays car il n’a rien fait de mal. « Dans cette forêt, on n’a pas d’information et les rumeurs fusent de partout. C’est une chance que le Président vient de nous donner et nous allons la saisir », souligne Mme Tahi, visiblement heureuse. Comme cet agent des Eaux et Forêts, des milliers de réfugiés réalisent des plantations et s’adonnent à des activités génératrices de revenus (vente de viande de brousse, de charbon de bois, d’essence, charge batterie, travail dans les mines…), pour arrondir les fins de mois. Un autre réfugié, informé de notre conversation, vient à notre rencontre alors que nous cherchons à quitter le camp. Il affirme être un ancien militaire des Forces de défense et de sécurité (Fds), mais souhaite garder l’anonymat. Il indique que si des militaires sont encore réfugiés dans les camps, c’est à cause des voleurs qui écument et tuent les innocentes personnes dans les villages frontaliers ivoiriens. « Quand ils commettent leurs forfaits, nous sommes mis à l’index alors que nous nous soucions de l’avenir de nos enfants. Depuis la mort de leur chef, tout le m onde a compris que nous n’avons rien à voir avec ces attaques et le calme est revenu », précise-t-il. Faisant allusion à Oulaï Tako, alias Le Tarzan de l’ouest tué en mars 20 13. Sans s’en réjouir, l’ancien militaire fait savoir que depuis sa disparition, les réfugiés respirent mieux au Liberia, car, dit-il, Tako et sa bande mettaient en danger tous ceux qui voulaient rentrer au pays.
L’espoir de migrer en Europe ou en Amérique
L’espoir de pouvoir migrer un jour vers l’Europe et les Etats Unis d’Amérique fait vivre certains réfugiés qui ne pensent même pas à un retour au bercail. C’est le cas de Soumahoro Hilaire qui affirme avoir perdu ses parents dans la crise et sa femme sur la route de l’exil. « Aujourd’hui, je n’ai personne au pays, je resterai ici jusqu’à ce qu’un pays accepte de m e recevoir », indique-t-il. Ses compagnons d’infortune et lui rêvent de l’Europe et l’Amérique. « Je serai le dernier à partir d’ici. A défaut d’aller chez les Blancs, je vais rester chez ma nouvelle femme. La Côte d’Ivoire et le Liberia sont des pays frères », fait-il savoir. Son ami, Dion Abel, lui, a décidé de rentrer au pays après la visite d’Alassane Ouattara. Il apprendra à ses frères son métier de fabricant de savon appris au camp de PTP et s’installera à son compte.
Beaucoup de réfugiés interrogés souhaitent rentrer en famille, au pays, mais n’ont pas les moyens. Ils devront attendre les convois organisés par le Hcr. Dans l’attente d’un départ définitif, des réfugiés ivoiriens mettent leur temps à profit pour apprendre un métier et bien d’autres choses, avec l’aide des humanitaires soutenus par l’agence onusienne, le Hcr, qui gère le camp.
SAINT-TRA BI CORRESPONDANT RÉGIONAL DE RETOUR DE ZWEDRU AU LIBÉRIA
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