Les dessous de la guerre des exilés pro-Gbagbo
Par Kra Bernard (L’Expression)
Zasso Patrick a posté mardi un message sur les réseaux sociaux dans lequel il accuse Damanan Pickass d’être à la base des malheurs des exilés. Au-delà de ce coup de gueule de ‘‘Englobal’’, l’atmosphère est véritablement pourrie entre ces pro-Gbagbo au Ghana.
On peut le dire tout net. Entre les partisans de l’ancien président, Laurent Gbagbo, qui ont pris la clé des champs après la capture de leur leader le 11 avril 2011, ce n’est plus l’accord parfait. Depuis la vague d’arrestations et d’extraditions, une sorte de peur panique s’est emparée des exilés de l’ex Lmp, principalement ceux basés au pays de Kwame Nkrumah. Il ne se passe plus de semaine sans que ceux-ci ne s’attaquent à ‘‘l’arme lourde’’ sur les réseaux sociaux. Deux années après leur arrivée dans ce pays, l’unité et la cohésion ont fait place aujourd’hui à une suspicion généralisée et un mal du pays qui a fini par faire voler en éclats l’idéal de départ. La dernière scène qui traduit éloquemment ce grand malaise chez les exilés est la sortie musclée de Zasso Patrick dit ‘‘Englobal’’qui a volé dans les plumes de Damanan Pickass en l’accusant d’être à l’origine des malheurs de Laurent Gbagbo et de ses partisans. Il est vrai que les mésententes et autres coups de gueule sont consubstantiels à toute existence humaine. Mais à y voir de près, les causes de cette guerre fratricide sont plus profondes qu’on ne l’imagine. Ce que l’on peut dire de prime abord, c’est que les exilés pro-Gbagbo sont plus que jamais désillusionnés. L’écrasante majorité de ceux qui ont pris le chemin de l’exil sont de célèbres anonymes qui ne constituaient aucun danger pour le régime Ouattara. Mais ils sont sortis du pays par pur mimétisme parce qu’il fallait s’exiler pour prouver qu’on aime Gbagbo. De plus, en sortant du pays après le 11 avril, la plupart des exilés continuaient de croire aux “assurances” du prophète Koné Malachie. Pour eux, d’une manière ou d’une autre, Gbagbo reviendrait au pouvoir par une intervention divine (Sic) ou par les armes. Gbagbo : Espoir perdu Mais depuis son arrestation, les jours, semaines, mois et années passent. Laurent Gbagbo n’est pas libéré. Pire, il a été transféré à La Haye. Au niveau du Ghana, les stratèges militaires et politiques qui préparaient le retour du Fpi au pouvoir ont tous été cueillis et ramenés au pays. Lida Kouassi Moïse, Charles Blé Goudé, Jean Yves Dibopieu ont été arrêtés puis ramenés au bercail menottes aux poignets. Pire, le colonel Katé Gnatoa et le commandant Jean Noël Abéhi sur qui reposaient tous les espoirs après le retour volontaire du colonel Konan Boniface ont été aussi mis aux arrêts. Ceux-ci sont passés aux aveux et ont dévoilé le plan des exilés avant de demander pardon au président Ouattara.
A partir de cet instant, les exilés ont compris que tout était fini pour eux. Gbagbo ne reviendra plus au pouvoir comme l’a prédit Koné Malachie.
Après l’arrestation et l’extradition des cerveaux militaires, ils ne sont plus en mesure de déboulonner Ouattara. Pire, les nombreuses morts consécutives aux accidents vasculaires cérébraux (Avc) qui sont le fait du stress de l’exil ont commencé à inquiéter plus d’un. Alors commence pour les exilés pro-Gbagbo un véritable doute existentiel où il faut opérer un choix cornélien : rester en exil par amour pour Gbagbo ou par dédain pour Alassane Ouattara, c’est selon, ou devenir réaliste en choisissant de revenir au pays surtout que le régime a donné des garanties à tous ceux qui décident de rentrer. Devant cette équation, certains exilés sont rentrés sur la pointe des pieds et vaquent tranquillement à leurs occupations. D’autres activent leurs réseaux au sein du pouvoir pour les aider à rentrer. Mais il se trouve une dernière catégorie d’exilés qu’on peut qualifier ‘‘d’exilés cabris morts’’ qui ont tellement parlé que revenir au pays marquerait leur mort politique ou la honte de leur vie. Mais en choisissant de rester dans leur pays d’accueil, ceux-ci font face aux dures réalités de l’exil. Ceux qui n’ont pas les moyens sont livrés à eux-mêmes. L’un d’eux, revenu et qui s’est confié à L’Expression à travers une interview que nous avons publiée, n’a pas manqué de décrire la galère qu’ils vivent au Ghana. « Quand nous nous retrouvons au Ghana refugee board, il y a certains ministres comme Don Mello qui avaient toujours un sac de riz dans le coffre de leur voiture qu’ils remettaient avec quelques Cedis (Ndlr: la monnaie ghanéenne) aux exilés qu’ils trouvaient sur les lieux. A part Don Mello, tous les autres cadres aidaient seulement celui ou celle qu’ils connaissaient. Si tu ne connais pas quelqu’un comme nous autres, tu ne vas rien avoir et tu étais contraint de voler de tes propres ailes. Et quand tu meurs, c’est le Hcr qui paie un lopin de terre à 75 000 Fcfa pour qu’on t’enterre », a-t-il pathétiquement relaté. Poursuivant, il a indiqué que certains Ivoiriens s’adonnent à des activités répréhensibles pour survivre. « Certains de nos frères ont trempé dans de faux coups. Il y en a qui vendent du vent à d’autres exilés en leur faisant croire qu’ils ont des circuits de voyage. Dans le camp d’Ampain, situé à 70 kilomètres d’Elubo sur la route de Takoradi, il y a eu un exilé ivoirien qui a rançonné plusieurs autres en leur faisant croire qu’il pouvait faire partir des joueurs au Cameroun. Il a dit aussi qu’il avait un circuit pour le Canada, l’Europe ou les pays du Maghreb. Une fois que ceux qui étaient intéressés ont payé le montant qu’il demande, ce dernier a disparu de la circulation », a témoigné l’ancien exilé pro-Gbagbo.
Pickass : L’homme par qui le malheur est arrivé.
Sur le plan politique, les passions ont commencé à se dissiper. La guerre des clans qui faisait rage entre jeunes patriotes à Abidjan s’est transposée au Ghana. Dans un premier temps, certains jeunes patriotes en exil ont accusé Blé Goudé d’avoir fait un deal avec le régime Ouattara après son arrestation et son extradition. Ceuxci sont taxés d’être proches de Damanan Pickass. Or on le sait et c’est un secret de Polichinelle, pendant tout le règne de Gbagbo, Damanan Adia Pickas et Charles Blé Goudé, les deux figures de proue du système au niveau de la jeunesse se livraient une guerre àfleurets mouchetés. Cette guerre s’était même transposée à la Fesci où Blé Goudé et le maréchal KB se faisaient également la guerre pour le contrôle de ce syndicat. Aujourd’hui où les espoirs de retour de Gbagbo s’éloignent, tous ont commencé àse rendre à l’évidence que c’est bien Damanan Pickass qui est à la base de leurs malheurs. La dernière sortie de Zasso Patrick n’est que le sommet de l’immense iceberg de souffrances et de galère dans lequel se trouvent les exilés pro-Gbagbo. C’est sans doute cette situation qui a conduit Zadi Djédjé, au cours d’un meeting de repentance et de pardon à Yopougon à faire ce plaidoyer : « Je demande pardon pour que nos camarades exilés rentrent. Ils n’ont plus rien à manger. Ils n’ont pas un autre pays en dehors de la Côte d’Ivoire. A vous, mes amis en exil, je demande de vous ressaisir. On a arrêté Lida Kouassi, Charles Blé Goudé, Jean Yves Dibopieu. La repentance ne tue pas, donc repentez-vous et revenez au pays». Mais Damanan Pickas, Zasso Patrick dit ‘‘Englobal’’, Touré Moussa Zeguen, Watchard Kédjébo, vont-ils entendre ce cri du cœur de Zadi Djédjé ? Rien n’est moins sûr.
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