Exclu de l’ANC pour indiscipline en 2012, le leader politique a lancé son propre parti à l’approche des élections de 2014 dans le pays.
Par Liza Fabbian, au Cap
Point.fr
Jusque-là, ce n’était qu’un mouvement politique. Désormais, Economic Freedom Fighters (EFF) devient officiellement un parti d’opposition. Julius Malema a réuni ses partisans ce week-end à Marikana, pour célébrer l’enregistrement officiel de son parti par la Commission électorale sud-africaine. Et asseoir sa place dans le jeu politique. Un tour de force réussi : plus de 5 000 personnes sont venues de tout le pays pour participer à l’inauguration du parti. La scénographie de l’événement avait été minutieusement préparée, l’apparition du chef, orchestrée avec soin.
Le lieu, d’abord : Marikana, là même où 34 mineurs ont été abattus par la police sud-africaine le 16 août 2012. Quelques jours après le massacre, Julius Malema avait investi le terrain pour dénoncer la trahison du Congrès national africain (ANC) et avait appelé les mineurs à « ne jamais battre en retraite, même devant la mort ». Ici, tout le monde se souvient de « son soutien, personnel et financier », après le drame. Une popularité sur laquelle le jeune leader de 32 ans continue de capitaliser. « Quand vous irez voter, l’année prochaine, souvenez-vous des mineurs morts à Marikana », a-t-il d’ailleurs rappelé à ses partisans.
Opposition à l’ANC
Le spectacle, ensuite, était au rendez-vous ce week-end : Julius Malema est apparu avec plus de 3 heures de retard, précédé d’une dizaine de motards qui ont fait vrombir leurs moteurs de longues minutes sous les cris de la foule. Mais c’est dans un silence quasi religieux que le tribun a pris la parole. Volontiers populiste, Julius Malema, qui se présente comme le champion des pauvres et des jeunes sans emploi, a promis qu’il rendrait « leur dignité aux Noirs », et qu’il ferait de son parti « un refuge pour les déshérités ». Le leader est revenu longuement sur sa promesse de nationaliser la terre, pour assurer un juste partage des richesses. « Ceci est votre terre. Vous n’avez pas à payer pour votre terre. Elle a déjà été payée par la sueur de vos ancêtres », a-t-il proclamé. « Jusqu’à aujourd’hui, (les Blancs) n’ont pas eu honte de tuer notre peuple. Ils veulent nous voir à genoux devant eux. Mais nous n’allons pas les supplier. Ils doivent nous la rendre ! »
Julius Malema cherche à occuper une place à l’extrême gauche de l’échiquier politique, présentant son parti comme une alternative pour ceux qui ont été « trahis » par l’ANC et le président Jacob Zuma. « Corrompu », « dictateur », les adjectifs fusent lorsque ses partisans évoquent le président Zuma. « L’ANC n’a jamais rien fait pour le peuple », assure Salamina, 18 ans. « Aujourd’hui, l’apartheid existe toujours en Afrique du Sud. Les Blancs habitent dans de grandes maisons, alors que les Noirs vivent dans des bidonvilles. Vous imaginez ? Jacob Zuma s’est fait construire un palace, alors que nous vivons sans eau ni électricité. » La jeune fille, originaire d’un petit village de la région de l’Eastern Cape, votera pour la première fois cette année. Le vote des jeunes est un enjeu important des élections de 2014. Nés à la fin de l’apartheid, moins fidèles à l’ANC que leurs parents, ils représentent autant d’électeurs potentiels pour les nouveaux partis d’opposition.
Accusations de corruption
Mais leurs aînés aussi se sont pris à croire à une alternative politique. « Qu’ils le veuillent ou non, nous sommes dans une démocratie, et c’est nous qui choisissons pour qui nous voulons voter », martèle Tsippo, 39 ans, qui se prend à rêver : « Nous avons mis fin à l’apartheid, nous pouvons aussi mettre fin à l’ANC. » Plusieurs fois durant son discours, Julius Malema a exhorté ses partisans à s’inscrire sur les listes électorales. En leur disant que leur vote compte, il leur a donné l’espoir de faire bouger les lignes, et insufflé le sentiment que l’ANC n’est pas éternel.
Si Julius Malema a prouvé dimanche qu’il pouvait réunir de nombreux Sud-Africains, plusieurs questions restent en suspens. Le leader des Combattant pour la liberté économique, soupçonné d’avoir truqué des marchés publics dans sa province de Limpopo, est toujours sous le coup d’une action en justice. L’issue de son procès, qui s’ouvrira le 18 novembre prochain, pourrait mettre un frein à ses projets politiques. Ses partisans, eux, restent persuadés qu’il s’agit d’une « conspiration » de l’ANC, qui veut le voir tomber avant les élections.
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