Le compte rendu complet de la passation de charges au Front Populaire Ivoirien
« Gbagbo reviendra », « aimons-nous les uns les autres », « réconcilier c’est pardonner », « le pardon est le pouvoir des hommes », « sans vous je ne serais pas là aujourd’hui », « Ouattara a rendu le pays méconnaissable en 2 ans », « comment pardonner à Ouattara et à Soro »….Voilà les maîtres mots du discours dit d’orientation très attendu ce samedi 7 septembre 2013 du président du FPI, Pascal Affi Nguessan. Libéré le 5 août dernier ainsi que plusieurs autres pro-Gbagbo, le président statutaire du FPI a repris son fauteuil après plus de deux ans de privation. La cérémonie de passation de charge s’est déroulée au QG du parti à Abidjan II Plateau (Atogban). Pour l’occasion, ils sont venus de tout le pays, militants de base, cadres du parti et alliés mais aussi invités de marques (union africaine, ONUCI…) et simples observateurs de la vie politique ivoirienne.
Honneur solennel au camarade Miaka et à son équipe
« C’est une grande émotion au moment où je vous retrouve. Nos amis, nos compatriotes et ceux résident hors du pays, pour reprendre le combat parmi vous » a introduit le désormais chef de file du parti de Laurent Gbagbo. Mais Affi le sait, à son absence, un autre grand homme a maintenu le navire bleu-blanc en équilibre. « Honneur solennel au camarade Miaka et à son équipe…la peur n’a pas ébranlé votre conviction » a reconnu Affi à l’endroit de Sylvain Miaka Ouretto et sa direction intérimaire. Pendant 40 mn (17h14 à 17h54) Pascal Affi Nguessan a rendu hommage à tous ceux qui ont contribué à la survie du parti avant de dresser le tableau sombre des deux ans du pouvoir Ouattara. « Beaucoup de nos camarades sont morts. Nos cœurs saignent. Nous avons de la compassion pour les familles de Antoine Bohoun Bouabré, Gnan Raymond, Jean-Baptiste Diagou, Désiré Tagro. Mais aussi une pensée particulière pour les Wê de Duékoué et Nahibly. Aux exilés et prisonniers politiques, nos cœurs ne seront pas en paix sans leur libération et retour dans leurs familles en Côte d’ivoire… »
Mais Affi le sait encore, cette cérémonie de passation de charge et qui marque son retour en politique est très suivie à travers le monde y compris depuis la prison de Scheveningen.
« Je dois ce que je suis aujourd’hui en politique à Laurent Gbagbo ». Pourrait-il le dire autrement ? Ne pas évoquer le nom de Laurent Gbagbo serait une grosse erreur politique. Ainsi sans vraiment tirer sur la corde, l’ex Premier Ministre de Gbagbo exigera la libération de son mentor « au nom de la réconciliation et de la paix. Mais aussi la libération de Simone Gbagbo, Blé Goudé, Dogbo Blé et Vagba Faussigneaux pour ne citer que les plus connus » dira-t-il.
Et d’ajouter : « La lutte pour la libération de Gbagbo est une obligation politique pour le FPI (…) Le FPI n’acceptera pas que Gbagbo soit en prison pour avoir respecté la Constitution. »
Ouattara a rendu le pays méconnaissable en 2 ans
Dans la deuxième partie de son speech le président du FPI a longuement critiqué la gestion du pouvoir Ouattara. Pour Pascal Affi Nguessan, comment quelqu’un qui a rendu le pays méconnaissable en seulement deux ans de pouvoir peut-il encore demander un second mandat ? La question de la sécurisation des biens et des personnes, le désarmement des forces nouvelles et leurs supplétifs Dozos, la cherté de la vie, la privatisation des centres de santé, l’école ivoirienne, les nombreux voyages de Ouattara à l’étranger. Tout a été passé au peigne fin. « La performance économique de Ouattara est en deçà de celle de Gbagbo » a fait remarquer l’ancien premier ministre. Et d’ajouter : « Ouattara a prouvé son incapacité à gouverner ». Toujours au chapitre de la bonne gouvernance, Pascal Affi Nguessan dénoncera la gabegie du pouvoir Ouattara. « On était moins endetté avant le point d’achèvement du PPTE. C’est le contraire aujourd’hui alors que le PPTE devrait nous permettre d’amorcer le développement. Où sont passés les bénéfices du PPTE ? »
Au plan politique et institutionnel, selon toujours Affi Nguessan, l’actuel pouvoir d’Abidjan souffre encore de toutes les légitimités. Pareil au plan social et économique. « Le débat actuel c’est comment fonder une nation. Et la libération des prisonniers est l’une des conditions de ce débat. Le temps est donc venu d’engager ce débat. Et c’est bien avec tous nos camardes en prison et en exil que nous irons à la réconciliation » a martelé le président du FPI avant de relativiser son propos : « Personne ne peut prendre le pays en otage. Réconcilier c’est pardonner. »
Aussi, très attendu sur la question du dialogue politique engagé depuis un an entre le gouvernement et le FPI, et interrompu depuis mars 2013, le président du FPI s’est voulu intransigeant : « J’appelle le chef de l’Etat, Ouattara à libérer tous les prisonniers politiques, à assurer le retour des exilés et enfin à organiser les Etats généraux de la République ».
Gbagbo reviendra
On l’a compris, il faut rester calme et lucide mais aussi rester dans le tempo. Car les enjeux sont énormes. Le FPI joue son va tout avec ce retour de Affi Nguessan à la tête du parti. Aussi, qu’est-ce qui n’a pas été dit sur lui, sa collaboration avec Miaka et les courants qui commençaient à naître au sein du parti depuis la chute du régime de Gbagbo ? Seulement si depuis Abidjan, Affi Nguessan peut continuer d’amadouer le pouvoir sanguinaire de Ouattara, comme l’a fait à son temps Miaka Ouretto (très critiqué pour sa non fermeté), celui-ci devrait comprendre que les lignes ont quand même bougé grâce à une diplomatie politique initiée par l’équipe intérimaire et soutenue par la bouillante diaspora ivoirienne d’Europe. Malheureusement à cette diaspora, Affi Nguessan n’aura pas plus de mot à dire si ce n’est que la rhétorique biblique : « Merci et beaucoup de courage. Gbagbo reviendra » fin de citation.
MIAKA nommé 3e vice président
Avant ce discours qui n’aura finalement rien d’orientation car aucune consigne ni mot d’ordre nouveau encore moins un changement de ton attendu, le comité central s’est réuni de 9h à 13h30 et a adopté le rapport final de la mission de la direction intérimaire conduite par Miaka. Ce dernier à son tour a remercié toute son équipe pour le travail abattu. Il a rendu un vibrant hommage à la diaspora et a remis plusieurs dossiers au nouveau tenant du parti. Dans la foulé, plusieurs nominations ont été faites. Ainsi, Pascal Affi Nguessan est le président du parti. Les vice-présidents sont désormais, Aboudramane Sangaré (1er), Simone Ehivet Gbagbo (2e) et Miaka Ouretto (3e). Abouo Ndori (4e), Amani Nguessan Michel (5e)…Il faut noter que la vice présidence du FPI compte désormais jusqu’à 10 locataires. « Nous avons pris cette décision car c’est le vice président qui remplace le président en cas de vacance du pouvoir. Et au moment où Ouattara continue d’arrêter tout le monde, il fallait prendre de telle disposition » a justifié un membre du FPI.
Nomination de Brigitte Kuyo, une décision politique ?
Ce samedi 7 septembre 2013 est un jour pas comme les autres, surtout pour l’ex représentante du FPI en France. Dégommée pour indiscipline par la direction intérimaire, Brigitte Kuyo qui savoure une certaine victoire depuis la libération de Affi, peut avoir le sourire large. Pour cause dans le partage du gâteau du jour, elle aura reçu sa part et non la moindre. C’est désormais en sa qualité de secrétaire nationale chargée de la diaspora et des représentations du parti à l’extérieur que dame Brigitte Kuyo tiendra fièrement le drapeau bleu-blanc sur les bords de la seine. Une décision qui vient en quelque sorte réhabiliter celle qui n’a jamais reconnu l’autorité de Miaka à la tête du FPI.
« A sa sortie de prison, Affi a jugé qu’il fallait mettre tout le monde à l’aise vu le malaise crée par cette décision de Miaka de ne démettre que la seule Brigitte Kuyo à l’extérieur » nous confie une source proche du FPI. Malheureusement Brigitte Kuyo même si elle reste une confidence particulière du nouvel homme fort du FPI, son pouvoir de décision reste limité. AFFI NGUESSAN qui hérite donc du travail de la direction intérimaire ne commettra pas à son tour l’erreur d’enrhumer à nouveau la machine FPI.
Enfin, selon des indiscrétions proches de la nouvelle direction du parti, le FPI devrait organiser son prochain congrès ordinaire courant 2014 et pourrait participer aux présidentielles de 2015 en Côte d’Ivoire. « Nous allons organiser un congrès après la décision de la CPI, si procès ou pas de Gbagbo. De toute façon nous avons 6 mois de délai constitutionnel pour une candidature aux présidentielles. Et nous devons savoir si oui ou non notre participation et dans quelle condition d’ici là ».
Pour rappel, le FPI a été crée en 1982 dans la clandestinité. Constitué en parti politique en 1988 et reconnu officiellement en 1990. C’est un parti de gauche, de courant social démocratie et qui lutte contre le néocolonialisme. Son Congrès introductif s’est tenu en 1988 à Dabou. Un 2e congrès a eu lieu en 1990 puis le 3e en 1994. Affi Nguessan prendra les reines du parti suite au 4e congrès de septembre 2001. Et depuis plus rien. Alors que selon les textes du parti, le Congrès devrait se réunir tous les 3 ans.
Philippe KOUHON/ Diaspo TV (www.daspo.net)
pkouhon@gmail.com
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