Par Tibet Kipré
Les Etats-Unis et la France courtisaient déjà Murielle Ahouré.
Mais avec ses nouvelles performances aux derniers mondiaux d’athlétisme, la pression de ces deux géants de la planète s’est accrue. Faut-il en avoir peur ?
On n’en mesure pas sans doute suffisamment l’ampleur ou la portée, mais l’affaire est sérieuse. La seule sprinteuse de valeur et de poids de la piste nationale, Murielle Ahouré, pourrait lui échapper si on n’y prend garde. De façon claire et nette, la France et les Etats-Unis ont fait des offres à la princesse africaine. Ces deux pays lui font les yeux doux depuis des lustres. Et ses dernières performances de haut vol (double vice championne du monde des 100 et 200m) en Russie ont davantage aiguisé l’appétit de ces ogres. De source bien introduite, Américains et Français seraient prêts à casser la tirelire pour s’offrir les services de la fille du général Doué. Et le président de la Fédération ivoirienne d’athlétisme, Nicolas Débrimou, ne s’en cache pas. « Les autorités en sont conscientes. Le haut niveau coûte très cher. Mais déjà, les conditions dans lesquelles Murielle évolue ne sont pas mauvaises. Elle s’entraîne aux USA. C’est vrai que depuis quelques temps, les offres sont alléchantes, des pays lui font la cour, mais soyez rassurés, elle est très patriote. Un jour elle m’a dit que courir pour les Etats-Unis c’est bien, mais on finit par t’oublier, alors que pour l’Afrique ça reste gravé et ça motive les autres jeunes ».
Le danger, c’est qu’en athlétisme, il n’y a pas de règle restrictive qui retienne un athlète même s’il a déjà couru pour un pays. Il n’y a pas, non plus une limite d’âge requise, comme en football où à partir de 23 ans un joueur peut faire le choix définitif de porter les couleurs d’une autre nation. En athlétisme, un athlète peut décider de courir pour d’autres couleurs après avoir servi une première nation. La procédure n’est pas compliquée. Si par exemple, la France, qui veut Ahouré, écrit à la Fédération ivoirienne d’athlétisme, celle-ci devra à son tour, saisir la Fédération internationale d’athlétisme (Fia). Si l’athlète donne son accord de principe pour changer de drapeau et de pays, il n’y a aucun problème ni d’amende à payer. Le seul hic, c’est que l’athlète est obligé d’attendre deux ans avant de s’engager pour ses nouvelles couleurs. Pendant ces vingt quatre mois de « purgatoire », le sprinteur ne participera à aucune compétition d’envergure comme les Mondiaux ou les Jeux olympiques. Cependant, il peut s’aligner à des meetings privés sans le drapeau d’un pays. Passé ces deux ans de « sanction », l’athlète est libre de porter les couleurs du nouveau pays.
Le vice-champion du monde de saut en longueur à Moscou, le Néerlandais Ignisious Gaisah avait été sacré champion du monde Indoor pour le Ghana en 2006. Les mêmes Pays-Bas ont arraché le sprinteur Churandy Martina aux Antilles. Parlons du Kenyan Wilson Kipketer passé Danois…après de nombreuses performances sous les couleurs du Kenya. Francis Obikwelu qui court pour le Portugal a commencé Nigerian etc. Le Champion du monde des 5000 et 10.000m, Mohamed Farah dit « Mo Farah » n’a pas eu de mal à changer de nationalité pour courir sous les couleurs de l’Angleterre. Lui, le Somalien d’origine et natif de Mogadiscio.
Murielle Ahouré a donc son destin en main avec celui de la Côte d’Ivoire. Saura-t-elle ou pourra-t-elle rester lucide et sereine devant les sirènes de l’Hexagone et de l’oncle Sam ? Au niveau des moyens matériels et financiers et autres avantages liés au métier, la Côte d’Ivoire ne peut pas rivaliser avec ces deux pays. Le patriotisme seul de Murielle Ahouré suffira-t-il pour qu’elle continue de courir pour les couleurs nationales ? Les autorités, la famille, la Fédération, tout le monde est sur la piste. A chacun de jouer sa partition dans son couloir pour préserver et garder ce diamant brut qu’est Ahouré.
L’Expression
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