78 morts: quelles conséquences pour l’exportation du TGV espagnol ?

CORRAL OSCAR/CHINE NOUVELLE/SIPA
CORRAL OSCAR/CHINE NOUVELLE/SIPA

L’Expansion.com avec AFP

Fort d’un récent succès en Arabie Saoudite, le TGV espagnol espérait bien pouvoir emporter un gigantesque marché au Brésil. Mais l’accident de Saint-Jacques de Compostelle risque de tout remettre en cause.

L’accident d’un TGV à Saint Jacques-de-Compostelle, avec son effroyable bilan d’au moins 78 morts, survient à un moment critique pour l’industrie ferroviaire espagnole. Face à la France d’Alstom et à l’Allemagne de Siemens, l’Espagne et le groupe Talgo avaient en effet réussi à s’imposer dans la cour des grands du marché international des trains à grande vitesse.

« Technologiquement, l’Espagne a été une pionnière de la grande vitesse », expliquait Alejandro Lago, professeur de logistique à l’IESE Business School de Madrid. Dès les années 1960, des trains Talgo circulaient dans le pays à 160 kilomètres par heure et les premiers trains pendulaires dans les années 80, à 180 km/h. Ils sont fabriqués par le groupe du même nom Talgo (de l’acronyme Tren articulado ligero Goicoechea Oriol), créé en 1942, et toujours sous le contrôle de la famille Oriol. Il dispose aujourd’hui de plusieurs modèles à très grande vitesse dont le dernier né, le Talgo Avril, peut atteindre 380 km/h.

Pendant son boom économique, le pays a construit à tout-va un réseau à grande vitesse. Une première ligne a été inaugurée en 1992 entre Madrid et Séville. Ensuite, Madrid-Barcelone, Madrid-Valence ont été construites, puis en décembre 2011 la ligne vers la Galice.

Derrière la Chine, l’Espagne est désormais numéro deux mondial dans ce domaine avec 3.100 kilomètres de lignes à grande vitesse et quelque 3.000 autres en projet ou en construction.

A la conquête des réseaux ferroviaires étrangers

« L’Espagne pendant les dix, quinze dernières années a réalisé tout un développement important, tant au niveau de la construction que de la technologie.Ce pays a des connaissances et des moyens en terme d’ingénierie, de consultants et de constructeurs, dont la dimension ne peut plus s’appliquer à l’Espagne », pays plongé en pleine crise depuis 2008, remarque Alejandro Lago.

« En temps de crise, le secteur ferroviaire compense avec ses exportations » car l’Espagne « a cette expérience qui peut être transférable à d’autres pays », confirme Pedro Fortea, directeur général de l’association ferroviaire Mafex. Elle assure la promotion de 73 entreprises à l’extérieur. D’où son travail de conquête de l’étranger. Son premier grand contrat est en Turquie pour la ligne Ankara-Istanbul inaugurée en 2009. Mais sa victoire la plus prestigieuse survient en 2011 avec le « TGV du désert » , La Mecque-Medine. Un exploit de 6,7 milliards d’euros, soit son plus gros contrat international de l’histoire.

Un contrat à 16,4 milliards de dollars à risque

Le pays a désormais les yeux rivés sur le Brésil et plus précisément sur la ligne Rio-Sao Paulo-Campinas. Ce sera la première à grande vitesse d’Amérique du Sud et sa construction sera attribuée en septembre pour un budget estimé à 16,4 milliards de dollars soit 12,7 milliards d’euros.

L’Espagne présente un consortium de onze entreprises publiques et privées. Ce contrat « est important parce qu’il s’agit de grande vitesse et nous voulons démontrer que nous sommes les leaders mondiaux dans ce domaine », soulignait Rafael Catala, secrétaire d’Etat aux Transports.

Aucun accident avec victimes depuis cinq ans

Mais « les règles du concours dirigé par l’entreprise de planification et logistique du Brésil (EPL) précise que les candidats pour gérer le train à grande vitesse doivent déclarer qu’ils n’ont eu aucun accident avec des victimes dans leur système de trains à grande vitesse depuis cinq ans », affirmait ce vendredi El Pais. Le journal rappelle que cette même règle a écarté de l’appel d’offres l’entreprise chinoise Communications Construction, en raison d’un accident en juin 2011 ayant fait 33 morts. La norme prévoit toutefois que l’accident doit être « dû à des causes opérationnelles ».

Dès le jeudi 25 juillet le président de Renfe, Julio Gomez-Pomar Rodriguez s’est empressé d’affirmer que le train n’avait eu aucun problème opérationnel » et venait de passer une révision technique le matin même. L’enquête sur l’accident se concentre sur le conducteur, qui pourrait avoir conduit à 190 kilomètres par heure au lieu des 80 km/h autorisés sur le tronçon du drame et sur de possibles lacunes dans le système de freinage.

Si aucun membre du consortium ne souhaite s’exprimer sur ce sujet depuis l’accident, plusieurs sources proches du groupement, interrogées par le journal El Economista, donnaient déjà le contrat brésilien pour « perdu ».

Au moins la moitié des entreprises du consortium sont concernées directement par l’accident: Renfe comme compagnie ferroviaire, Adif en tant que gestionnaire du réseau, l’Espagnol Talgo et le Canadien Bombardier comme fabricants du train ou encore Dimetronic filiale de l’Allemand Siemens comme créatrice du système de sécurité ASFA (Anuncio de señales y frenado automatico).

Outre le Brésil, les Etats-Unis sont un des marchés visés par l’Espagne dans l’immédiat. « Il y a aussi une série de projets prévus à moyen terme en Russie, au Kazakhstan et dans les Emirats », selon le secrétaire d’Etat aux Transports.

En savoir plus sur http://lexpansion.lexpress.fr/entreprise/deraillement-quelles-consequences-pour-l-exportation-du-tgv-espagnol_396334.html#gi1TUxpCAbK0TyZQ.99

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