Côte d’Ivoire: le casse-tête du désarmement des ex-combattants à 140 millions d’euros

Soldats de l'ONU
Soldats de l’ONU

Source RFI par Stanislas Ndayishimiye

Le désarmement des ex-combattants en Côte d’Ivoire reste un casse-tête pour les autorités. Plusieurs centaines d’entre eux ont manifesté leur mécontentement lundi 10 juin à Man dans l’ouest du pays. Ils ont même paralysé la ville pendant plusieurs heures. Ce n’est pas la première fois qu’un tel mouvement d’humeur s’exprime.

Le sentiment d’avoir été oubliés

La dernière fois que des manifestations d’ex-combattants ont défrayé la chronique, c’était à la mi-avril à Bouaké, dans le centre du pays. L’association des démobilisés avait bloqué pendant deux jours l’entrée sud de la ville qui avait servi de capitale à l’ex-rébellion des Forces nouvelles pendant les huit ans où le pays était coupé en deux.

Les membres de l’association avaient aussi assiégé la préfecture de Bouaké, pour exiger la libération de leur porte-parole, arrêté pendant les manifestations. La revendication était pécuniaire, les 200 ex-combattants réclamaient 40 millions de FCFA, soit 200 000 FCA par personne. A part les démobilisés de Bouaké et de Man, les ex-combattants issus pour la plupart de l’ancienne rébellion dénoncent régulièrement le désintérêt dont ils font l’objet de la part du pouvoir politique.

Des intérêts financiers aux imbrications politico-militaires complexes en jeu

Si le gouvernement ivoirien a relancé le processus de désarmement peu de temps après la fin de la crise post-électorale, en avril 2011, l’opération est marquée par des ratés. La manifestation des ex-combattants de Man en est l’une des illustrations. Ils craignent de ne pas être pris en compte par l’Autorité pour la démobilisation, le désarmement et la réinsertion (ADDR).

Pour le vice-président du Mouvement ivoirien des droits de l’homme (MIDH), maître Yacouba Doumbia, « divers facteurs peuvent expliquer la lenteur du processus de désarmement. Il y a eu antérieurement beaucoup de structures chargées » de cette question. Des structures qui se tiraient dans les pattes. L’ADDR, la structure unique mise sur pieds par le président Alassane Ouattara l’année dernière ne semble pas avoir été la solution miracle. « Force est de constater que là encore les choses avancent très lentement », estime Yacouba Doumbia.

140 millions d’euros pour la réinsertion

Le gouvernement ivoirien s’est engagé à réinsérer quelque 64 000 démobilisés. Il lui faut beaucoup d’argent pour réaliser l’opération. Le coût de la réinsertion de la totalité des ex-combattants est officiellement estimé à 140 millions d’euros, soit près de 92 milliards de francs CFA. Selon le vice-président du MIDH, la lenteur du processus peut être expliquée par l’influence des anciens commandants de zones et d’autres gradés de l’ex- rébellion. En attente de savoir s’ils seront ou non gardés dans les forces de sécurité, des ex-combattants affirment que certains officiers de l’armée ivoirienne issus des Forces Nouvelles monnayent le droit de figurer sur la liste des démobilisables.

La réinsertion suppose une activité pour chaque démobilisé. Mais comme le taux de chômage reste important en Côte d’Ivoire, environ 50%, la plupart des ex-combattants, qui avaient des petits métiers dans le secteur informel avant de prendre les armes, ne veulent pas revenir à leur ancienne vie et aspirent à un métier stable. Les plus chanceux ont été retenus dans l’armée ou dans les autres corps habillés, agents de douanes, gardes forestiers, etc.

Des ex-combattants qui viennent grossir les rangs des chômeurs

Les moins chanceux se tournent souvent vers les ex-com-zones ou leurs subalternes pour avoir le gîte et le couvert. Et ils vivent sur des sites publics ou privés. C’est ainsi que des maisons privées appartenant à des cadres pro-Gbagbo sont occupées depuis la fin de la crise post-électorale. Après avoir fait la sourde oreille, le gouvernement ivoirien vient de décider de s’attaquer à ce problème.

Pour le ministre ivoirien de l’intérieur, Hamed Bakayoko, « il faut recenser les sites publics et privés occupés, ramener les militaires dans les casernes et adresser à l’ADDR tous ceux qui sont démobilisés et qui n’ont pas qualité à être retenus dans l’armée ». Malgré l’engagement de régler cette question, le pouvoir ne veut pas opérer une rétrocession brutale des biens privés occupés par des ex-combattants toujours armés et dont les réactions sont imprévisibles. Le ministre de la Défense, Paul Koffi Koffi estime qu’il faut leur « donner le temps nécessaire » pour quitter les sites qu’ils ont investis par la force.

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