Tribune des Droits Humains Source: Ru89
Au cours des trois dernières décennies, l’Afrique a fonctionné comme un « créancier net » pour le reste du monde, la conséquence des fuites cumulées de près d’un trillion et demi de dollars du continent. Dans son rapport, la Banque Africaine de Développement s’alarme.
Les nouvelles données, publiées officiellement mercredi par la Banque africaine de développement (BAD) et Global Financial Integrity (GFI), un groupe de défense basé à Washington, sont en contraste frappant avec les images largement répandues indiquant que l’Afrique bénéficie d’importantes quantités d’aide étrangère.
Les niveaux d’aide étrangère sont en effet élevés pour l’Afrique – suite à une promesse faite en 2005 au sein du Groupe des huit pays les plus riches du monde (G8), le continent reçoit plus de 50 milliards de dollars par an, faisant de lui la région la plus dépendante de l’aide au monde.
Pourtant, selon le nouveau rapport conjoint, l’effet réciproque de la corruption, de l’évasion fiscale, des activités criminelles et d’autres facteurs, a entraîné une fuite nette d’environ 1,4 milliard de dollars entre 1980 et 2009.
Clark Gascoigne, directeur des communications à GFI, explique :
« Dans les milieux de développement, nous parlons beaucoup de la quantité d’aide qui va vers l’Afrique, et il y a ce sentiment parmi certains en Occident selon lequel bien que nous donnions cet argent depuis des décennies, c’est la faute de l’Afrique si les pays du continent ne sont pas encore développés ».
« En effet, notre recherche montre qu’alors que l’Occident donne de l’argent à l’Afrique, bien plus en sort illicitement. En outre, vous pouvez supposer que les fuites illicites à partir d’autres régions entraîneraient probablement de transferts nets élevés de ressources provenant d’autres régions en développement, également ».
30,4 milliards de dollars sortis illégalement
En Afrique, cette tendance semble s’être particulièrement renforcée au cours de la dernière décennie, durant laquelle il est estimé qu’environ 30,4 milliards de dollars sont illégalement sortis du continent chaque année. De ce montant, on pense qu’environ 83 pour cent provient des pays d’Afrique du nord seule.
Au cours de toutes les trois décennies, peut-être d’une manière qui va contre l’intuition, les fuites d’argent sale semblent provenir particulièrement de pays riches en ressources, ceux qui sont le plus fortement engagés dans l’extraction de pétrole, de gaz et d’autres ressources naturelles. Parmi les plus remarquables, figurent le Nigeria, la Libye, l’Afrique du Sud et l’Angola.
Ces conclusions sont renforcées par un nouvel indice, publié il y a une semaine par ’Revenue Watch Institute’ (RWI), un autre groupe de veille, qui, pour la première fois, a systématiquement mis en corrélation la dépendance économique des gouvernements des ressources naturelles avec les faibles indicateurs de développement humain.
L’indice de RWI a examiné 58 pays responsables de la grande partie de l’extraction de pétrole, de cuivre et de diamant dans le monde, et a rapporté que les bénéfices de leurs secteurs extractifs s’élevaient à plus de 2,6 milliards de dollars en 2010, dépassant de loin les flux d’aide provenant de l’Occident.
Pourtant, plus de 80 pour cent de ces pays n’avaient pas également réussi à mettre en place des normes satisfaisantes pour l’ouverture de ces secteurs – et la moitié n’avait même pas pris de mesures de base à cet égard.
« Dans les pays riches en ressources, le secteur des ressources naturelles est généralement la principale source de flux financiers illicites », indique l’étude de la BAD et du GFI, notant une conclusion du Fonds monétaire international (FMI) selon laquelle le secteur pétrolier en Angola n’a pas déclaré en 2002 près de quatre milliards de dollars.
« Ces pays manquent généralement de structures de bonne gouvernance qui permettraient aux citoyens de surveiller la quantité et l’utilisation des recettes provenant du secteur des ressources naturelles. Souvent, les loyers et les redevances provenant de la gestion des ressources ne sont pas utilisés pour soutenir le développement social et économique des pays riches en ressources, mais sont plutôt détournés ou dépensés de façon non productive à travers la corruption et le clientélisme ».
Les conséquences de cette fuite massive à la fois des caisses publiques africaines et de l’aide étrangère axée sur le développement sont claires.
Mthuli Ncube, économiste en chef et vice-président de la BAD, explique :
« La fuite de ressources à partir de l’Afrique au cours des 30 dernières années – équivalant presque au produit intérieur brut actuel du continent – retarde le décollage de l’Afrique.
[Mais] le continent africain est riche en ressources. Grâce à une bonne gestion des ressources, l’Afrique pourrait être en mesure de financer une grande partie de son propre développement ».
Arrêter « l’absorption »
Ce nouveau rapport, publié lors des réunions annuelles de la BAD au Maroc, n’examine pas les facteurs spécifiques à chaque pays qui contribuent à ces fuites.
Toutefois, alors qu’il est clair que des niveaux différents de renforcement des mécanismes de régulation à l’échelle nationale seront nécessaires pour s’assurer que le développement des ressources naturelles en Afrique profite aux objectifs du secteur public, il est impossible d’ignorer le rôle des pays occidentaux dans cette situation en cours.
Clark Gascoigne conclut :
« Bien que ces chiffres soient étonnants, nous devons reconnaître qu’ils sont directement facilités par des banques occidentales et des paradis fiscaux qui autorisent la création de sociétés-écrans anonymes, par des gouvernements occidentaux qui ne partagent pas les informations fiscales et continuent de manquer d’une application adéquate des règles sur le blanchiment d’argent.
Bien que la responsabilité pour un changement incombe à la fois aux acteurs nationaux et internationaux, les pays occidentaux peuvent contrôler la composante internationale de cette dynamique – la structure financière internationale »
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