Procès Gbagbo: Me Emmanuel Altit demande l’ajournement du verdict

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Comme on pouvait s’y attendre, le verdict de l’audience de confirmation des charges retenues contre l’ex président ivoirien, Laurent Gbagbo peut à tout moment connaître un revirement. Après que nous ayons rappelé dans nos précédentes publications qu’au regard de la Norme 53 du Règlement de la CPI, la chambre préliminaire rend sa décision par écrit et non au cours d’une audience publique, il est aussi important que cette décision qui doit intervenir 60 jours après l’audience n’est définitive, justement qu’après sa publication officielle. Aussi, alors qu’il devait rendre ses observations écrites au plus tard le 28 mars comme l’a demandé la juge présidente à la fin de l’audience de confirmation, la défense de Gbagbo n’a rendue sa copie que le 3 avril 2013. Avant donc la fin du délai imparti (60 jours à compter du 3 avril), ce qui nous renvoie au 2 juin comme date buttoir, tout peut venir chambouler cette décision très attendue surtout du côté des pro-Gbagbo mais également des pro-Ouattara ( la France y compris).

Et c’est bien conscient de cette autre disposition des textes de la Cour pénale internationale au regard de l’article 61 (7) que la Défense de Laurent Gbagbo himself le souligne dans ses observations écrites de fin de l’audience.

En effet, dans sa version publique expurgée des soumissions écrites de la défense portant sur un certain nombre de questions discutées lors de l’audience de confirmation des charges, Me Emmanuel Altit écrit au paragraphe 174 ce qui suit : « 174. La défense rappelle qu’aux termes de l’Article 61(7), la Chambre peut, sur la base des éléments présentés à l’audience, suspendre l’audience pour demander au Procureur d’amender son DCC s’il apparaît que « les éléments de preuve produits semblent établir qu’un crime différent, relevant de la compétence de la Cour, a été commis » ».

En langage clair, la défense de Laurent Gbagbo serait d’accord avec les juges Hans Peter Kaul et Christine Van Den Wyngaert qui avaient déjà interpellé le bureau du procureur sur la requalification des charges au regard de l’article 28 du Statut de Rome. Ici rappelé à nouveau par Me Altit toujours dans ce même document écrit et déposé le 3 avril 2013 : «173. A la fin de la présentation du Procureur, le Juge Kaul demandait à l’accusation si elle estimait que les conditions de l’Article 28 sur la responsabilité du supérieur hiérarchique pouvaient être remplies. L’accusation répondait immédiatement qu’elle considérait que cette forme de responsabilité pouvait être engagée sur la base des éléments de preuve fournis. Cette réponse lapidaire, sans argumentation spécifique, place la défense dans une situation délicate : le Procureur s’est prononcé sur un mode de responsabilité non prévu au DCC, sans que la défense soit en mesure d’y répondre. »

Voilà autant d’éléments et au regard même de plusieurs preuves à charge, les témoignages contradictoires des personnes non officielles, des vidéos floues et qui n’auraient aucun rapport avec les évènements incriminés, la confusion des articles 25(3) (a) et 25(3) (d) qui feraient de Gbagbo l’auteur et en même temps le complice des crimes allégués….qui devraient permettre à la Chambre préliminaire soit d’infirmer toutes les charges car concernant des évènements survenus dans le même contexte (crise postélectorale du 16 décembre 2010 au 12 avril 2011. Et concernant une seule affaire, une seule personne : Laurent Gbagbo) ou d’ajourner l’audience et permettre au procureur d’aller à nouveau enquêter en Côte d’Ivoire ou de requalifier les charges.

On pourrait voir par exemple un Laurent Gbagbo finalement accusé en tant que coauteur indirect de Crime contre l’Humanité (article 7), mais également de crime de guerre (article 8) et qui aurait engagé sa responsabilité pénale individuelle au titre l’article 28 en sa qualité de supérieur hiérarchique et Chef suprême de l’armée (Chef militaire).

On le sait une telle décision sera incontestablement contestée par la Défense dans un premier temps, ce qui nous renverra à une autre décision des juges bien plus tard. Ajouter aux vacances judiciaire tout le mois de Juillet 2013, il est fort possible que le verdict final attendu concernant cette audience de confirmation des charges n’intervienne qu’après les vacances (Août).

Une décision qui pourrait également être contestée par les deux parties. Par la défense s’il avérait que les charges étaient confirmées et par le Procureur s’il avérait que les charges étaient infirmées. Les juges qui disposent toujours d’un temps de répit se prononceraient dans un délai pouvant aller jusqu’à deux mois. Enfin, si cette dernière décision des juges de la chambre préliminaire ne satisfait pas toujours, la partie lésée peut présenter un recours devant la Chambre d’appel qui tranchera en dernier ressort.

Ainsi démontré, Laurent Gbagbo ne sera situé sur son sort si les choses sont agencées dans un cadre temporel raisonnable que vers la fin de cette année. Seulement, cette date pourrait subir une rallonge si le procureur, une fois renvoyé à nouveau au charbon pour un complément d’enquête comme le lui propose l’article 61 (7) y passe deux ans. Une largesse a lui consolidée par la CPI et en vertu de laquelle, aucune suite n’a toujours été donnée concernant les crimes commis entre 2002 et 2010 comme le lui ont demandé les juges de la Chambre préliminaire depuis bientôt un an.

En clair l’affaire «le procureur contre Laurent Gbagbo » serait loin de connaître un dénouement si tôt à moins qu’un miracle se produise dans les heures et jours qui suivent et qui ferait des juges de la CPI des bon samaritains qui voleraient au secours d’une Côte d’Ivoire très malade depuis le 11 avril 2011.

Philippe KOUHON, journaliste analyste.
Mail : Pkouhon@gmail.com

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