Le Point.fr Par ALEXANDRE FERRET
Les débordements qui ont entouré la célébration du titre du PSG sont le fruit de la politique rigide du club vis-à-vis de ses supporteurs depuis trois ans.
Haro sur les supporteurs ! C’est la ligne largement adoptée par l’ensemble du monde sportif et politique depuis les incidents qui ont émaillé, lundi, la remise du trophée de champion de France au PSG. Au-delà du dispositif sécuritaire insuffisant – malgré les avertissements des services de renseignements de la maréchaussée – entourant la célébration sur le Trocadéro, c’est l’attitude d’une frange des supporteurs parisiens qui est pointée du doigt. Les « ultras » – terme désignant les soutiens les plus fervents d’un club de foot – associés à des casseurs chevronnés ont « gâché la fête » que toute une ville attendait depuis 19 ans. Bilan : des affrontements jusque tard dans la soirée, des commerces saccagés, 30 blessés et 21 interpellations.
Les ultras – terme générique utilisé à tort et à travers malgré l’hétérogénéité d’un mouvement qui reste encore aujourd’hui très opaque – seraient donc à la base du problème sécuritaire. Personne ne sait réellement qui ils sont, ce qu’ils pensent et comment ils agissent, mais tous s’accordent à dire qu’ils sont la cause de tous les désagréments que rencontre le football français. Or, il s’agit là d’une vision partielle et partiale d’une question de fond que les instances – sportives et politiques – ne souhaitent surtout pas soulever.
Les effets pervers du plan Leproux
Car depuis trois ans et la mise en place du « plan Leproux » – du nom de l’ancien président du PSG (2009-2011) -, tout aurait dû rentrer dans l’ordre. Au-delà de la dissolution des associations de supporteurs, le club de la capitale s’est distingué en instaurant le placement aléatoire dans les virages du Parc des Princes, repaire des groupes de supporters. Dès lors, il devient impossible pour les ultras de choisir leur tribune et de se réunir « entre eux » au stade. L’enceinte de la porte de Saint-Cloud redevient fréquentable. Les futurs heurts sont donc tués dans l’oeuf. L’ambiance aussi. Sauf que le nouveau dispositif ne s’arrête pas là et s’accompagne de mesures coercitives frôlant parfois l’illégalité.
En mars 2012, plusieurs tribunaux administratifs annulent les interdictions administratives de stade (IAS) prononcées par le préfet de Paris un an et demi plus tôt et dédommagent les plaignants de 1 000 euros en moyenne. Pour la justice, le trouble à l’ordre public justifiant les IAS n’est pas fondé. Le 7 août 2010, les supporteurs parisiens mécontents de la politique du club à leur égard se réunissent aux abords du Parc des Princes. Aucun incident n’est à déplorer, la manifestation se ponctuant même par un sit-in.
Pas de quoi émouvoir les forces de l’ordre présentes, qui réalisent un vaste – et facile – coup de filet en plaçant tous les contrevenants en garde à vue. Brice Hortefeux, le ministre de l’Intérieur de l’époque, réclame alors des IAS « en urgence » pour trouble à l’ordre public. Il sera entendu, et 249 supporteurs seront frappés par une interdiction : pendant six mois, ils devront aller pointer au commissariat le plus proche au moment des matches du PSG. Dès lors, le collectif 07/08 se forme pour défendre les ultras lésés et remporte sa bataille juridique… près d’un an après la fin des IAS.
Persécutions
Depuis trois ans, les mesures répressives prises à l’encontre des supporteurs parisiens sont légion. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ne compte plus les plaintes émanant des supporteurs parisiens qui dénoncent l’acharnement des forces de l’ordre. Liste noire, traçage d’adresses IP, contrôle au faciès, tout est fait pour décourager les ultras les plus fervents. En septembre dernier, face à l’impossibilité de se réunir au Parc des Princes, un certain nombre de supporteurs jettent leur dévolu sur le nouveau bébé des Qataris : le PSG Handball. La veille du premier match de championnat, à Coubertin, 27 supporteurs reçoivent une missive du club pour les informer que leur billet est annulé.
Le directeur général délégué du PSG, Jean-Claude Blanc, déclare alors : « Ce sont des interdits de stade au Parc des Princes qui ont acheté des billets pour le handball. On a fait en sorte qu’ils ne puissent pas entrer dans la salle. On a pris nos responsabilités. » Sauf que, selon toute vraisemblance, une grande majorité des refoulés n’ont jamais été sous le coup d’une IAS. Fichés à l’occasion de contrôles d’identités puis blacklistés par le club ? C’est la thèse soutenue par ces supporteurs, qui saisissent la CNIL et déposent une plainte pour constitution illégale de fichier. L’enquête est toujours en cours.
Et quand les supporteurs du PSG décident de suivre un déplacement de leur équipe, les difficultés qu’ils rencontrent à Paris les poursuivent en province. En février 2013, l’association Les Microbes est arrêtée par des cars de CRS près de Toulouse, vers 13 heures. Après contrôles et palpations de rigueur, les deux cars de l’association sont immobilisés… pendant plus de huit heures ! Sans boire, sans manger, sans sortir du car et sans explication. « Au bout d’un moment, on n’en pouvait plus, il faisait nuit, et on a demandé aux gendarmes qui gardaient la porte d’entrée du bus d’où venaient les ordres. Et là, on nous a répondu sans entrer dans les détails : Il faut voir ça avec le président de votre club… C’est lui qui décide ! Et là on est complètement surpris ! De quel droit le président du PSG pourrait nous interdire de nous rendre dans un stade qui n’est pas le sien ? » s’étonne un membre des Microbes, interrogé par le site du magazine So Foot.
Un fossé qui se creuse
De tout temps, les ultras n’ont jamais eu bonne presse. Sauf que, depuis quelques années, ils sont de plus en plus isolés et surtout délaissés par la direction de leur club. Preuve de ce malaise quand l’association Libertés pour les abonnés (LPA) s’est auto-dissoute, en mars 2012. Regroupant 400 supporters des tribunes Boulogne et Auteuil, le collectif s’était initialement constitué pour réengager le dialogue avec le club concernant sa politique vis-à-vis des supporteurs. Dès lors, les dirigeants du PSG disposent d’un interlocuteur privilégié et identifié. Une main tendue qui n’aboutira à rien. Après deux années de sollicitation, la LPA disparaît faute d’avoir pu ouvrir le dialogue avec les responsables du club qu’il soutient.
Ce phénomène n’est pas isolé, et l’époque des présidents de clubs solidaires de leurs ultras (Pape Diouf, Jean-Michel Aulas) est de plus en plus lointaine. La grève des encouragements des supporteurs de Saint-Étienne à la suite de la décision de Roland Romeyer, président de l’ASSE, de fermer une partie d’une tribune de Geoffroy-Guichard pour la réception de Bordeaux en est la preuve. Avec cette décision, la direction du club a voulu sanctionner ses ultras pour avoir jeté des fumigènes lors des rencontres face à Lyon et Rennes.
Les incidents du Trocadéro ne sont évidemment pas exclusivement le fait des ultras qui démentent bec et ongles leur implication. Pour autant, le foot français serait bien inspiré de se pencher sur la question, d’engager le dialogue. Car quand les esprits ont été chauffés à blanc, chaque manifestation publique devient une poudrière. Il est facile – et le PSG l’a démontré – de vider les enceintes sportives des supporteurs les plus chevronnés. Sauf que les ultras – et ils l’ont aussi démontré – restent des ultras. Dans et hors des stades.
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