Assassinat du général Guéi: Ouatttara peut-il mener une enquête sérieuse ?

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Alassane Ouattara, en tournée à l’ouest de la Côte d’Ivoire, est revenu sur l’assassinat du général Robert Guéi, ex-chef de l’Etat de Côte d’Ivoire (décembre 1999- octobre 2000), le 19 septembre 2002, dès l’entame de la rébellion armée. Selon lui, une lumière sera faite sur les circonstances de la mort de Robert Guéi et de tous les autres crimes, et a promis que les décisions de justice seront prises. «L’impunité, c’est terminé», a-t-il affirmé.

Ce qu’il faut dire, c’est que cette affirmation de Ouattara faite à Zouan-Hounien (village de Mabri Toikeusse), lors d’un meeting, n’est pas nouvelle. En effet, pendant la campagne présidentielle, Alassane Ouattara, lors de son passage dans le village de Robert Guéi en novembre 2010, avait fait la même promesse aux parents du défunt ex-chef de l’Etat. Mieux, de façon générale, Ouattara a même promis une enquête sur la rébellion armée qui s’est attaquée à la Côte d’Ivoire. Dans le fond, ce discours de Ouattara est à applaudir. Car, les Ivoiriens et même toute l’Afrique ont soif de savoir ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire pour qu’il y ait eu autant de morts. Mais, est-ce qu’Alassane Ouattara est capable de garantir une enquête indépendante et sérieuse sur l’assassinat de Robert Guéi et sur tous les autres crimes ? Telle est la question.

Une série d’affrontements

Cette question est d’autant plus importante que, pour certains observateurs de la très longue crise ivoirienne, il y a de réels motifs de croire que ceux qui ont assassiné Robert Guéi pourraient être du camp d’Alassane Ouattara. En effet, si on remonte l’histoire, quand Robert Guéi arrive au pouvoir suite à son putsch, il a déroulé le tapis rouge à Alassane Ouattara et à ses amis. D’ailleurs, les chefs de file des «jeunes gens»- comme aimait à les appeler Guéi- étaient exactement les chefs de la rébellion armée. Ils avaient pour lien avec Alassane Ouattara le fait qu’ils ont été, pour l’essentiel d’entre eux, ses gardes du corps du temps de son séjour à la Primature de 1990 à 1993. Ainsi, IB, Chérif Ousmane, Wattao, Zakaria, Diomandé «la Grenade», pour ne citer que ceux-là, étaient les piliers du coup d’Etat et ont confié au général Guéi, selon plusieurs indiscrétions, la tâche de créer les conditions pour une élection d’Alassane Ouattara à la présidence de la République. Mission que le général a trahie puisqu’il s’est présenté à l’élection présidentielle au détriment d’Alassane Ouattara. Ce qui n’était pas dans le plan. Pire, les deux parties (Guéi et les têtes de file du coup d’Etat) se sont livrées à une bataille sanglante. IB et ses compagnons contestaient les nouvelles motivations de Robert Guéi, qui, chemin faisant, s’était débarrassé des ministres du Rdr présents à des places de choix dans le gouvernement de transition qu’il avait nommé. Ainsi, le Rdr d’Alassane Ouattara était-il en conflit ouvert avec Robert Guéi, d’une part, et d’autre part, il était aussi en conflit avec les militaires qui se réclamaient de Ouattara. Le 27 juillet 2000, Robert Guéi interdit à Alassane Ouattara d’animer une conférence de presse au cours de laquelle il projetait de présenter son programme de gouvernement. Par la même occasion, il est interdit de quitter le pays.
Mais, le point le plus culminant de cet affrontement a été celui de la nuit du 17 au 18 septembre 2000. Il s’agit du «complot du cheval blanc».
Cette nuit-là, la résidence privée du général Guéi à l’Indénié est attaquée par des soldats. Selon la presse, deux militaires loyalistes sont tués et 15 assaillants arrêtés. Parmi les militaires arrêtés, des membres de la «Cosa Nostra», comme le sergent Chérif Ousmane, le caporal Oumar Diarrasouba alias «Zaga-Zaga», le sergent-chef Souleymane Diamandé alias «La Grenade», le sergent Ouattara Issiaka alias «Wattao». Ils seront sévèrement torturés à la poudrière d’Akouédo. Souleymane Diamandé y laissera même la vie ; Wattao en ressortira avec une jambe en miettes et Chérif Ousmane aura quelques dents arrachées.

La nuit fatidique de la vengeance

Tout ce groupe, après s’être enfui, s’est retrouvé au Burkina Faso, puis à la tête de la tentative de coup d’Etat contre Laurent Gbagbo en septembre 2002. C’est dire que Robert Guéi et les actuels patrons de la Côte d’Ivoire se sont séparés sur un lourd contentieux. Qui ne peut être évacué du jour au lendemain. Même si Mabri Toikeusse, qui se réclame fils politique de Robert Guéi, veut faire croire le contraire pour des raisons d’opportunisme et de clientélisme politiques. Alors, au cours de la nuit fatidique, tout porte à croire que la bande à la tête de la rébellion s’est vengée de ce qu’elle a subi en 2000 sous la gouvernance de Robert Guéi. Dans une interview publiée le 21 décembre dernier dans Notre Voie, un ancien membre du cabinet civil de Guillaume Soro Kigbafori au sein de la rébellion armée a soutenu que «l’assassin de Guéi, c’est Adam’s (tué plus tard par la rébellion armée, ndlr). Chérif Ousmane le sait. J’étais dans le bureau à Bouaké avec Guillaume Soro quand il est venu nous annoncer l’assassinat de Robert Guéi».
Alassane Ouattara, sachant cette vérité, ne peut pas être, pensent les observateurs, l’homme qui peut faire la lumière sur l’assassinat de Robert Guéi. Bien au contraire, il contribuera à y mettre davantage de noir, pensent-ils. Et vouloir mettre cette forfaiture sur le capitaine Séka Séka, aide de camp de Mme Simone Gbagbo, procède justement de cette stratégie de noircissement. Comme ce fut le cas avec l’assassinat de Balla Kéita au Burkina Faso en 2002.

Coulibaly Zié Oumar

Notre Voie

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