Des confidences du camp pénal
source L’inter
Le camp pénal de Bouaké est réputé pour être l’univers carcéral le plus infernal de la Côte d’Ivoire. Cette gigantesque bâtisse au cœur de la savane, destinée à accueillir les bandits de grand chemin, impose par ses normes de haute sécurité, crainte et peur non seulement à ses pensionnaires, mais aussi au citoyen lambda.
Depuis l’entame de la vague d’extraditions des pro-Gbagbo exilés au Ghana vers la Côte d’Ivoire, des rumeurs les plus folles font état de ce que le camp pénal de Bouaké serait leur prochain lieu d’emprisonnement. Ces détenus membres de l’ancien régime, qui ont été repartis dans diverses prisons du pays, pourraient, selon cette information non officielle, être regroupés au camp pénal de Bouaké, dit-on, pour des questions de sécurité.
Le cas spécifique de Charles Blé Goudé, le leader de la galaxie patriotique dont le lieu de détention depuis son retour manu-militari au pays, demeure énigmatique et laisse libre cours aux supputations allant dans ce sens. Le ministre de l’intérieur, Hamed Bakayoko, a même cru devoir mettre fin à ce débat lorsqu’il avait affirmé que « Blé Goudé est en résidence protégée ». Loin d’être une réponse à cette rumeur qui circule dans l’opinion nationale, la sortie du ministre de la sécurité n’a fait qu’amplifier la curiosité des uns et des autres quant à savoir où l’ex-leader de la Fesci serait réellement détenu.
Il en est de même pour les autres extradés, dont le commandant Jean Noël Abehi, le ministre Lida Kouassi Moïse, ainsi que les détenus restés en Côte d’Ivoire en l’occurrence Affi N’Guessan, Dogbo Blé et les autres pro-Gbagbo. La piste du camp pénal de Bouaké, appelé aussi le ‘’ Guantanamo ivoirien ‘’, devant les recevoir, est de plus en plus évoquée. Pour nous faire une idée nette de la rumeur qui a gagné du terrain, nous nous sommes introduit au cœur de cette prison.
A première vue, le camp pénal de Bouaké n’a pas échappé aux destructions massives de biens dans la capitale du centre, aux premières heures de la crise de 2002. Mais, à la faveur du redéploiement de l’administration publique dans les ex-zones occupées, cette prison a connu un début de réhabilitation, à l’initiative de l’ONG »Prisonnier sans frontière », avec le concours financier de la Coopération allemande à hauteur de 215 millions de fcfa, nous a révélé une source proche des autorités judiciaires de Bouaké.
Pour ce qui est de l’envoi des prisonniers, notamment des pro-Gbagbo dans cet espace carcéral, notre interlocuteur qui a requis l’anonymat, n’a pas manqué de traduire son étonnement. « Avec l’état actuel du camp pénal, il n’est pas pour le moment envisagé qu’on reçoive des prisonniers. S’ils (les pro-Gbagbo) doivent être transférés à Bouaké, c’est peut-être la maison d’arrêt et de correction qui pourrait les accueillir », a-t-il indiqué. Il a ajouté qu’une demande de « réhabilitation vraie » a été adressée au procureur de la république près le tribunal de Bouaké, et au ministère de la construction, pour non seulement rendre le camp pénal opérationnel, mais aussi permettre de loger les gardes pénitentiaires. Car selon lui, les pensionnaires du camp pénal sont de grands bandits condamnés à des peines criminelles. Ce qui exige des normes sécuritaires assez solides. « Le camp pénal ne peut pas abriter de prisonniers dans des conditions précaires. En lieu et place des dalles, l’entrepreneur a fait une toiture en tôle. Nous ne pouvons pas prendre le risque d’accueillir des prisonniers », nous a encore laissé entendre notre source.
Sur place, nous avons pu nous rendre à l’évidence qu’au camp pénal de Bouaké, la nature a repris ses droits. La broussaille dans l’enceinte de cette prison lui donne l’image d’un édifice abandonné. La mosquée, la cuisine et les bureaux réhabilités sont également plongés dans la ruine totale. Le bâtiment des isolés (les victimes de maladie contagieuse), en reconstruction, a lui aussi été abandonné à l’étape de la pose de la toiture. Les barbelets électriques ceinturant la clôture, sont coupés par endroits. Les logements des gardes pénitentiaires pillés, sont eux aussi en ruine.
Bref, le camp pénal de Bouaké est loin d’être opérationnel et présente un visage plutôt triste. Ce qui confirme d’ailleurs les dires de notre interlocuteur quant à l’impossibilité d’y transférer des détenus ou des pro-Gbagbo extradés du Ghana, comme le laisse entendre la rumeur.
Francis N’Goran à Bouaké
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