À Tunis: “France, dégage !”

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Le Monde.fr

Par Isabelle Mandraud

Vingt-quatre heures après l’immense cortège des funérailles de Chokri Belaïd, qui s’était mué en manifestation contre Ennadha, le parti islamiste au pouvoir, la réplique ne s’est pas faite attendre.

À l’appel des islamistes, quelques milliers de personnes se sont rassemblées samedi 9 février sur l’avenue Habib Bourguiba, la principale artère de la capitale, avec pour cible principale la France accusée d’ingérence dans la grave crise politique qui secoue la Tunisie.

“France dégage!” ont scandé les manifestants à deux pas de l’ambassade de France protégée par la police et l’armée. Beaucoup brandissaient des pancartes appelant le président français François Hollande “à faire attention: la Tunisie n’est pas le Mali”.

Les déclarations de Manuel Valls, le ministre de l’intérieur francais qui avait dénoncé, jeudi, sur Europe 1 un “fascisme islamique qui monte un peu partout”, en citant notamment la Tunisie et l’Egypte, avaient été abondamment relayées sur les réseaux sociaux.

Et les appels maladroits à l’aide de la France, de partisans de la gauche tunisienne ont nourri la thèse du “complot contre la révolution” qui a mis fin, il y a deux ans, à l’ancien régime de Zine El Abidine Ben Ali.

“NOUS SOMMES UN PAYS INDÉPENDANT”

“Nous n’acceptons pas cette alliance de la gauche, de l’ancien régime et de la France” lance Mohamed Chalghoum, un avocat au milieu de la foule. L’accueil, pour les journalistes français, est rigoureusement poli mais ferme. “Il y a des gens qui veulent entraver ceux qui sont nouveaux au pouvoir”, assure Mohamed Nacer Mazhoud, un professeur de français. “Mais, attention, nous sommes un pays indépendant !”

Le même message est repris par Lotfi Zitoun, le conseiller politique du premier ministre Hamadi Jebali, qui harangue les manifestants au micro, juché sur une camionnette. “Celui qui nous respecte, on le respecte, celui qui se mêle de nos affaires, on lui dit…”Dégage, Francia, dégage!””, reprend en choeur la foule en balayant l’air de la main.

Mis en cause par l’opposition, en proie à de vives tensions internes, les responsables d’Ennahda, en appellent à “l’unité des Tunisiens pour protéger la révolution”.

Ici, pas de portrait de l’opposant assassiné, Chokri Belaïd, mais celui du policier mort dans les émeutes qui ont suivi le meurtre de l’avocat de gauche. “Les medias n’en ont même pas parlé” clament les manifestants. À chacun ses martyrs. “Allah Akhbar!” chante le cortège en agitant les drapeaux d’Ennahda et les étendards noirs de l’Islam radical.

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