Le Monde.fr avec AFP
Des centaines de manifestants protestaient mercredi devant l’ambassade de France à Bangui pour dénoncer la passivité de l’ancienne puissance coloniale face à l’avancée des rebelles dans le pays. Ici, des gardes présidentiels dans la capitale centrafricaine.
François Hollande a demandé, mercredi 26 décembre, au ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, « de prendre toutes les dispositions pour assurer la sécurité » de l’ambassade de France à Bangui ainsi que des ressortissants Français présents en Centrafrique. « Ces mesures ont été mises en œuvre dans les délais les plus courts et seront prolongées autant que nécessaire », a fait savoir l’Elysée, précisant que « le président de la République se tient régulièrement informé de la situation » dans le pays. Jean-Yves Le Drian a par ailleurs fait savoir que les lieux avaient été sécurisés par les soldats français et que le calme était rétabli.
Mercredi, l’ambassade de France a été prise pour cible par plusieurs centaines de personnes, proches du pouvoir, qui protestaient contre la passivité de l’ancienne puissance coloniale devant l’avancée des forces rebelles. Des vitres ont été cassées. La représentation d’Air France a également été prise pour cible. Le porte-parole de la compagnie a d’ailleurs annoncé que le vol hebdomadaire Paris-Bangui a fait demi-tour mercredi. « Nous sommes ici à l’ambassade de France, parce que c’est la France qui nous a colonisés. Mais la France a tendance à nous lâcher. On n’a plus besoin de la France, la France n’a qu’à prendre son ambassade et partir », a affirmé une manifestante. « La France n’a pas respecté la convention de défense entre elle et la République centrafricaine. Nous dénonçons cette attitude », a ajouté un étudiant participant au rassemblement.
Plus tôt dans la journée, les manifestants, membres d’associations proches du Kwa Na Kwa – le parti du président François Bozizé –, ont observé un sit-in devant l’ambassade des Etats-unis. Munis de sifflets et de branches de palmier, ils ont scandé en sango, la langue nationale : « i yé gui siriri » (nous voulons la paix, non à la guerre). L’ambassadeur de France à Bangui, Serge Mucetti, a dénoncé ces rassemblements, « particulièrement violents ». « Cette situation est totalement inadmissible. Je demande au gouvernement de la République centrafricaine de faire respecter les accords internationaux en cette matière. Ceux qui ont agi de la sorte sont des ennemis de la République centrafricaine », a-t-il déclaré. L’ambassadeur a fait savoir que certains participants avaient descendu de son mat le drapeau français et l’avaient emporté avec eux.
PEU DE RÉSISTANCE DE L’ARMÉE RÉGULIÈRE
La coalition rebelle du Séléka s’est affichée mercredi en maître de la Centrafrique, affirmant qu’elle ne mènerait pas la « bataille de Bangui », la capitale, car le pouvoir a déja « perdu le contrôle du pays ». Les renforts tchadiens qui campent sur leurs positions à l’entrée de Bangui semblent toujours être le dernier rempart contre une avancée rebelle vers la capitale.
La rébellion a par voie de communiqué demandé « à tous les fils et filles de Centrafrique, à tous les éléments de forces de défense et de sécurité encore fidèles au régime de François Bozizé (…) de déposer les armes immédiatement ». Après plus de quinze jours d’opérations militaires et de conquêtes de ville, la rébellion, qui n’a pas rencontré de résistance lors de sa progression, a affirmé que « par mesure de sécurité et de protection des populations civiles, nous ne considérons plus nécessaire de mener la bataille de Bangui et d’y faire entrer nos troupes, car le général François Bozizé (…) a déjà perdu le contrôle du pays ».
Les rebelles, qui ont pris les armes le 10 décembre pour réclamer « le respect » d’accords de paix conclus entre 2007 et 2011, se sont rapidement emparés de villes stratégiques, comme Bria, une ville diamantifère du centre, Bambari, ville aurifère du centre-sud, avant de prendre Kaga Bandoro dans le centre-nord, mardi, s’approchant dangereusement de Bangui par le nord et par l’est. Sous-équipée, démotivée et mal organisée, l’armée régulière n’a opposé que peu de résistance. Tout en affirmant vouloir négocier à Libreville, comme l’avaient demandé vendredi les chefs d’Etat d’Afrique centrale, la rébellion a continué à avancer, refusant de quitter les villes conquises sans accord de cessez-le-feu préalable, que le président centrafricain ne semble pas prêt à accorder.
LE TCHAD, ALLIÉ HISTORIQUE DE BOZIZÉ
Les effectifs et la puissance de feu de la rébellion demeurent une inconnue. Selon un enseignant de la ville occupée de Bambari, Eudes Azouaka, « le nombre de rebelles (à Bambari uniquement) se situe entre 300 et 400 hommes. Ils sont armés de lance-roquettes, de mortiers, de véhicules armés de mitrailleuses lourdes et de kalachnikov ». Un contingent de l’armée tchadienne, arrivé la semaine dernière comme « force d’interposition » selon N’Djamena, est positionné sur le dernier axe routier menant à Bangui. Présents sur les deux derniers « verrous », Sibut et Damara, les soldats tchadiens sont rompus au combat et plus lourdement équipés.
Le Tchad, allié historique de François Bozizé, avait déjà envoyé ses troupe en 2003 pour l’aider à prendre le pouvoir, et à nouveau fin 2010 pour combattre des rébellions dans le Nord. Le Centrafrique, pays enclavé de 5 millions d’habitants, était engagé depuis 2007 dans un processus de paix après des années d’instabilité, de rébellions multiples, mutineries et putschs qui ont ravagé son tissu économique et l’ont empêchée de tirer profit de ses ressources naturelles. Fin 2011, Amnesty International avait dénoncé la faible capacité du pouvoir centrafricain à lutter contre les rébellions.
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