Par Raphaël MVOGO
(Xinhua) — Premier producteur mondial avec une production estimée cette année à 1,4 million de tonnes, devant le Ghana, le Nigeria, le Cameroun et le Brésil, la Côte d’Ivoire déclare une capacité pouvant atteindre jusqu’à 3 millions de tonnes l’an, selon un responsable du ministère ivoirien du Commerce présent à une réunion des pays producteurs de cacao à Yaoundé.
Alors que la production mondiale est établie à 3,9 millions de tonnes de fèves, la Côte d’Ivoire affirme jouer la stabilisation pour ses performances habituelles, entre 1,2 et 1,4 millions de tonnes, par souci de préservation de l’équilibre du marché que, compte tenu de son caractère ultrasensible, le moindre soubresaut plonge dans le buzz, a souligné à Xinhua Edmond Venance Kodjo, conseiller technique chargé des matières premières au ministère du Commerce à Abidjan.
« Pour éviter une situation baissière importante (des cours, ndlr), nous préférons que cette production soit maintenue à ce niveau-là. C’est facile de produire beaucoup, mais lorsqu’on produit beaucoup, le prix baisse de tout de suite. Sinon, pour la capacité, il suffit de mettre les engrais et les plants pour doubler cette production. Puisque le rendement aujourd’hui est de 450 à 500 kilos à l’hectare, alors qu’on peut produire jusqu’à une tonne à l’hectare », a expliqué l’ingénieur agronome.
Avant le constat d’embellie actuel, marqué par des prix record depuis les deux dernières saisons 2009-2010 et 2010-2011, ce marché a connu une longue traversée du désert due effectivement à une chute des cours consécutive à la grave crise économique de la fin de la décennie 80, qui avait éloigné beaucoup de planteurs africains de ce produit de rente, en même temps essentiel à l’ économie mondiale.
« La Côte d’Ivoire a toujours produit entre 1.200.000 et 1.400. 000 tonnes. On a demandé maintenant aux producteurs de pouvoir faire un bon nettoyage de leurs plantations. Il y a un encadrement qui suit, il y a une structure chargée de pouvoir leur fournir les conseils agricoles », a fait savoir Kodjo en marge des travaux de la 75e Assemblée générale de l’Alliance des pays producteurs du cacao, tenus du 8 au 12 octobre à Yaoundé.
Doté du premier d’un institut de recherche sur le cacao et le café, le premier au monde depuis les années 40, précise le conseiller technique chargé des matières premières au ministère du Commerce soit bien longtemps avant son accession à l’indépendance en 1960 après la colonisation française, ce pays d’Afrique de l’ Ouest reconnaît cependant un vieillissement de son verger.
Selon Edmond Venance Kodjo, « on est en train de voir avec la nouvelle réforme de notre structure cacaoyère comment trouver des financements pour renouveler en donnant aux producteurs les nouvelles variétés qui ont de hauts rendements, pour qu’on puisse remplacer les vergers vieillissants ».
En attendant la matérialisation de la réforme annoncée, entre 10 et 15% de ces plantations ont déjà pu être renouvelées, indique- t-il.
De nouvelles variétés de plants issues de la recherche permettent d’obtenir une production au bout de dix-huit mois de croissance au champ et offrent des résultats allant jusqu’à trois tonnes à l’hectare.
L’accès aux technologies innovantes est assuré par le biais du Centre national de recherche agronomique et de l’Agence nationale de développement rural implantée dans toutes les régions du pays.
Mais, de l’avis de Kodjo, l’appropriation des nouvelles techniques culturales dépend des planteurs eux-mêmes, « parce qu’on ne peut pas faire le bonheur de quelqu’un à sa place ».
Evalués à un million, les producteurs de cacao ivoiriens sont confrontés, pour ceux du Centre-Ouest, au phénomène du « swollen shoot », une maladie liée aux attaques d’insectes à l’égard des plants.
« On a essayé de circonscrire cette zone pour que ça ne puisse pas atteindre les autres zones. Grâce à la recherche, il a été mis au point des plants tolérants à cette maladie. On est en train de leur distribuer ces plants pour qu’ils soient reproduits sur les mêmes terrains », rapporte le conseiller technique.
Déclassée un temps au détriment de l’Est, la région de l’Ouest reprend sa place de principal foyer de production, un statut qui lui avait valu l’appellation de « la boucle du cacao ».
« Avec d’autres cultures qu’on associe comme les légumineuses et même l’agroforesterie, on essaie de pouvoir faire des cultures dans ces zones où on pensait qu’on ne pouvait plus jamais faire du cacao », avance Edmond Venance Kodjo.
Bien que le cacao domine l’économie nationale, la Côte d’Ivoire se distingue en outre par la culture du café, de l’hévéa et du palmier à huile. Pour les planteurs, c’est une diversification d’ opportunités qui empêche un plus grand élargissement de l’essor du cacao.
« Le planteur s’oriente en fonction de là où il gagne un peu plus. Ce qui fait que les gens cultivent beaucoup plus d’autres cultures telles que l’hévéa et le palmier à huile », décrit Kodjo.
Parce que ces deux autres cultures rapportent plus d’argent aux planteurs, ce sont finalement des anciens producteurs de cacao surtout qui garantissent à la filière ses performances reconnues.
Une filière par ailleurs confrontée à une évasion de son produit par contrebande vers des pays voisins tels le Ghana, le Burkina Faso et le Togo, depuis la crise politique déclenchée en 2002, soutient-on.
Entre 30 et 35% pour l’heure, le pays vise un taux de transformation locale de 50% de sa production.
« Les structures qui sont là actuellement peuvent largement même les dépasser. On les incite à aller vers ça, on a même demandé à leur créer un bon environnement », annonce Kodjo.
Un autre objectif porte sur l’amélioration des conditions des planteurs « en leur donnant la juste rémunération qu’ils méritent. C’est pour cela qu’on voudrait leur octroyer 60% du prix CAF qu’on reçoit, ensuite les encadrer pour qu’ils puissent mieux produire avec des meilleures semences ».
En ce moment, le prix au producteur est fixé à 725 francs CFA ( 1,25 USD) le kilo de cacao de premier grade, contre 1.200 à 1.500 francs (2,4 USD à 3 USD) au Cameroun par exemple. C’est la conséquence d’une ponction découlant de l’application du « droit unique de sortie, qui est comme un impôt qui nous permet de pouvoir financer notre budget national ».
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