Le Patriote
C’est avec beaucoup de consternation que la Côte d’Ivoire toute entière a appris hier, la mort du grand baobab de Kong. Le Cheick Gaoussou Ouattara s’est couché à jamais. Il est allé rejoindre ses ancêtres dans le ventre de la nuit. A l’annonce de sa mort, amis et proches de l’homme, qui a passé le cap des 90 ans ont afflué à sa résidence sise à Cocody les II Plateaux pour présenter les condoléances à sa famille. Et depuis l’affluence ne faiblit pas. Car toute la Côte d’Ivoire dans sa diversité veut rendre un dernier hommage au frère ainé du président Alassane Ouattara. Faut-il s’en étonner ? Assurément pas. Car El Hadj Gaoussou Ouattara a été une des figures emblématiques de la vie sociopolitique au cours de ces vingt dernières années. Le défunt est avant tout le chef de famille des Ouattara de Kong. A ce titre et en tant qu’arrière-petit-fils de l’empereur Sékou Ouattara, il occupait le siège de la chefferie traditionnelle jusqu’à sa mort, mercredi dernier. A l’avènement de la crise survenue en septembre 2002, il a créé le Collectif des rois et chefs traditionnels du Grand nord. Pour non seulement permettre aux têtes couronnées de la partie septentrionale de parler d’une seule voix. Mais aussi d’amorcer le dialogue avec leurs pairs du sud en vue d’apporter la contribution de toute la chefferie traditionnelle de la Côte d’Ivoire dans le règlement de la grave crise née du coup d’Etat manqué du 24 décembre 2000. C’est dans ce cadre qu’a été créé le Conseil supérieur des rois et chefs traditionnels de Côte d’Ivoire, dont il a été l’un des vice-présidents. A côté de ces fonctions de chef et garant de la tradition, le Cheick Gaoussou Ouattara a eu une riche carrière politique. Il a été de 1990 à 2000 le député-maire de Kong. Il a pour cela occupé le poste de vice-président à l’Assemblée nationale. Lorsque survint la controverse sur la nationalité de son jeune frère Alassane Ouattara à la fin des années 90, Gaoussou Ouattara a courageusement pris position contre ce qu’il considérait comme une injustice inacceptable. « Alassane Ouattara est mon jeune frère. Il est le dernier des grands enfants de mon père », avait-il témoigné. Avant de démontrer à tous ceux qui considéraient son cadet comme un étranger toute l’absurdité de leur thèse en leur expliquant que lui qui a été vice-président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire ne peut être ivoirien et son jeune frère burkinabé comme ils le faisaient croire. En octobre 2000, lorsqu’Alassane Ouattara a été écarté de la course présidentielle de façon arbitraire, il l’a difficilement digéré. C’est pourquoi, pour les élections législatives, le patriarche Gaoussou Ouattara a accepté de sacrifier son titre de député de Kong qu’il détient depuis 1990 en laissant son cadet briguer le siège à sa place. Même, après le rejet inexplicable de la candidature du docteur Alassane Ouattara aux législatives de décembre 2000, le Cheick Gaoussou Ouattara a préféré laisser vacant le siège de député de Kong que de le laisser à quelqu’un d’autre. « Ce sera Alassane ou personne », avait-il lancé à ses proches. Et cela a été ainsi durant les dix ans de règne de Laurent Gbagbo où le poste de député de Kong est resté sans titulaire. Cet esprit de sacrifice et le dévouement inconditionnel qu’il vouait à son cadet, Alassane Ouattara, lui a valu le surnom de « Nelson Mandela » au sein de la grande famille du RDR, son parti politique. Ces dernières années, le patriarche Gaoussou Ouattara était malade. Une situation due plus au poids de l’âge qu’à une autre raison. Il a été à plusieurs reprises en France pour des soins. Son état de santé s’était stabilisé à partir de 2010. Au point que le vendredi 24 septembre 2010, à l’occasion de la tournée du candidat du RDR à l’élection présidentielle de 2010, dans la région des Savanes, il était au meeting de Kong. Certes visiblement affaibli par la maladie, l’ancien député-maire de Kong a appelé toute la population à voter pour son cadet. « Vous avez beaucoup prié. Vous avez fait beaucoup de sacrifices. Aujourd’hui, il en reste un dernier. Ici à Kong, je veux 100% de voix pour Alassane », a-t-il demandé en langue vernaculaire à la population en présence de la chefferie, des imams et des cadres de Kong. C’était la dernière fois qu’il avait pris la parole en public. Jusqu’au bout, le patriarche Gaoussou a été d’un secours inestimable pour le président Alassane Ouattara. En bon grand frère, il a veillé jusqu’à sa mort sur celui qui tient actuellement les rênes de la Côte d’Ivoire. Comme l’on peut le constater, il a largement contribué à l’avènement de son petit frère à la tête de la Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, au moment où il s’en va, il part heureux avec le sentiment du devoir accompli et d’avoir laissé quelque chose à la postérité. Le baobab de Kong s’en est allé. Mais il n’a pas vécu inutilement. Aujourd’hui, grâce à ses sacrifices et à ses prières, la Côte d’Ivoire et les Ivoiriens bénéficie déjà du leadership avisé et concret de son jeune frère. La Nation ivoirienne qui se rassemble en ce moment autour de sa dépouille, s’apprête à lui rendre un vibrant hommage. Et c’est tout mérité pour ce grand serviteur de l’Etat. Le Cheick est mort. Vive le Cheick !
Jean-Claude Coulibaly
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