Méditation sur la liquéfaction du sarkozysme

Contribution éditoriale par Dr. Serge-Nicolas NZI

I Introduction

Tous ceux qui veulent s’engager en politique aussi bien en Afrique ou dans les grandes démocraties du monde occidental, doivent tirer les leçons de l’échec de Nicolas Sarkozy et sa clique de l’UMP. Jamais dans la vie politique française un président sortant n’a réuni autant de mécontents contre lui-même et sa politique.

Le sarkozysme, nous l’avons déjà dit : c’est la politique présidentielle de Nicolas Sarkozy. Il n’est pas une doctrine ni une idéologie, c’est un mélange permanent d’opportunisme, d’égotisme et d’adaptation à l’opinion droitière française.

Non pas pour le bien de la république et des français. Mais, pour permettre au conservatisme français, arrogant et néo pétainiste de garder durablement le pouvoir et d’en jouir pour son plaisir personnel dans des dîners mondains au Fouquet’s et autres restaurants chics en créant des disparités et surtout la confusion dans le corps social de la république, à plat ventre au service des puissants qui gravitent autour du président.

II – L’incarnation de la vanité sur terre

Il n’y a rien de plus sot qu’une personne intelligente et cultivée qui laisse la vanité guider ses pas dans la vie. Sarkozy nous a tous aidé à comprendre que l’arrogance, la menace et l’égotisme sont les pires ennemis de l’homme politique. La politique aujourd’hui dans ces temps de crise et dans des pays à bout de souffle, c’est se mettre avant tout avec humilité au service des autres.

Ceux qui ne peuvent pas comprendre cette équation simple doivent faire autre chose que de la politique. Le culte de soit, le mélange du privé et du public, le replie sur son camp et sa tribu, sont des pièges mortels dans la vie politique. Ses aventures guerrières en Côte d’ivoire et en Libye, ne lui ont pas été d’une grande utilité.

C’est l’ensemble de ce paquet qui a conduit Sarkozy au fiasco. Il voulait être Zorro, il est devenu zéro. Il voulait être hercule, il a fini dans la galerie minimale des poids mouche. Petit président, petite politique et petit bilan. Finalement tout est petit en lui.

Le plus difficile est comment revenir, avec ses airs de femme battue. Nous faisons ici le pari qu’il va vouloir dans le futur se comporter en donneur de leçons. Décidément il ne changera pas. Le chien s’assoit toujours sur sa queue nous dit un vieux proverbe africain.

Les témoignages abondent, par vanité il ne délègue jamais. Le président de la république veut être partout et surtout en même temps. Tyranneau cynique et sans pitié. Il voulait diriger la France comme nos républiques cacaoyères des tropiques. Intarissable sur lui-même, il affectionnait les grosses colères et une propension à hurler sur ses collaborateurs.

Cette capacité à dire une chose le matin et son contraire le soir. On dirait que cet homme qui se dit intelligent n’a pas observé la fin politique de son voisin italien Silvio Berlusconi. Il arrive un moment dans la vie publique où l’image de celui qui dirige le pays rejaillit sur toute la nation. Dans les rencontres européennes, personne ne voulait être à côté de Berlusconi sur la photo de famille. Sarkozy ne rassurait plus.

Il avait même réussi à diviser son propre camp et à rassurer ses adversaires sur sa propre chute. L’image de François Bayrou, affirmant à quelques jours du second tour qu’il votera pour le candidat socialiste, est devant nous et sonne comme les premières flammes de l’anti-sarkozy.

Les arabes et les noirs de nationalité française savaient tous à l’avance qu’il fallait voter contre Sarkozy. Voilà une nouvelle donne qui va donner à réfléchir à tous ceux qui pensent qu’on peut stigmatiser pendant des années une partie du corps électoral de la nation en toute impunité.

III – Le débat télévisé du 2 mai 2012

L’homme du pouvoir d’achat, l’homme du travailler plus pour gagner plus, l’homme qui voulait lutter contre le chômage et liquider les 35 heures pour donner à la France le plein emploi. Cet homme habitué aux déclarations tonitruantes qui avait promis de faire de François Hollande une bouchée.

Cet homme était acculé, le dos au mur de sa propre négativité incapable de présenter et défendre son propre bilan. Méconnaissable et pitoyable, il nous a laissé l’image d’un petit président, avec sa petite politique et un bilan de casseroles et de petitesses. Chez lui, il n’y aucun respect de l’adversaire et du pays qu’il veut gouverner.

Vers la fin il n’avait que l’invective dans la bouche, cette bouche qui dit toujours une chose et son contraire. C’est finalement petit dans ses souliers qui lui flottaient aux pieds qu’il a quitté le plateau de télévision sur lequel on le voyait plus petit que son adversaire socialiste.

Une élection peut aussi se gagner au débat télévisé, le Candidat socialiste respirait la sérénité, il avait le verbe haut et la réplique fulgurante, exactement comme une bonne sauce graine avec du poisson et du gibier de chez nous pour accompagner un bon foutou banane. Comme les poissons avec l’appât. Depuis la nuit des temps les souris pensent toujours manger gratuitement du fromage en oubliant que le piège va se refermer sur eux.

Finalement englué dans ses propres contradictions, Sarkozy était obligé d’aller réveiller les morts et les vivants. François Mitterrand avait dit ceci ou avait fait cela. Parle de ton bilan, défend ta vision de la France ? Quel projet politique avait-il pour son pays. Rien, petit président, petite politique et zéro bilan.

Mais Sarkozy n’est pas au bout de ses peines car François Hollande lui réserve le meilleur pour la fin. Il affirme le style d’une rhétorique combattante pour écraser un adversaire à bout de souffle. Dans l’arène de la tauromachie on appelle cela la mise à mort. L’anaphore finale du candidat socialiste commence toujours par un ralentissement où il pèse ses mots avant une accélération fulgurante qui démolie complètement le petit Sarkozy acculé comme un boxeur dans les cordes au coin du ring.

Y passent pelle mêle, le respect des français, l’exemplarité comportementale du président de la république. L’indépendance de la justice et de la magistrature. Les relations avec la presse. Le statut pénal du chef de l’état, un code de déontologie pour les ministres dans un gouvernement de parité homme femme.

Le respect des partenaires sociaux. Parachever la décentralisation pour plus de pouvoir aux régions et de la hauteur de vue pour fixer les grandes orientations et impulsion dont le pays a besoin et il frappe l’esprit des électeurs et celui de son adversaire déjà liquéfié, qu’il ne sera pas le président de tout, le chef de tout et finalement le responsable de rien. C’est cela la présidence normale de François Hollande. Moi président de la république, Cette anaphore de 3mn 21 avait sonné la fin du sarkozysme.

Le pauvre, il avait en face de lui quelqu’un qui proposait tout le contraire de ce qu’il a fait. Les français retrouvaient finalement quelqu’un qui voulait les respecter, qui ne menaçait pas et ne se prenait pas pour le bon Dieu. Les Français retrouvaient en fin l’humilité qui avait disparut dans la vie politique française et leur choix était fait. Choisir celui des deux candidats qui a un plus d’humanité dans son langage et moins de défauts.

IV – Les causes de la défaite

Sarkozy peut revenir autant de fois qu’il voudra, la défaite sera toujours sur son chemin. Tous ceux qui se reconnaissent dans ce célèbre << casse toi pauvre con. >> voteront toujours contre lui. En réalité :
– La défaite de Sarkozy se dessinait déjà au soir de son élection le 6 mai 2007 en allant dîner au Fouquet’s avec tous les grand patrons et le gratin de la ploutocratie française.

– En voyageant avec l’avion privé de Bolloré et en allant en villégiature sur le yacht du même Bolloré. Dites nous que cette proximité n’a pas d’incidence sur la gouvernance quand après tout cela un bouclier fiscal est adopté pour protéger les riches.

– Si le 21 septembre 2007 Sarkozy, au lieu de piquer une grosse colère avait écouté son premier ministre et avait pris les mesure qui s’imposait face à l’endettement de l’état en situation de faillite, la situation économique de la France serait un peu meilleure aujourd’hui.

– Le retrait du triple A par les agences de notations, l’augmentation vertigineuse des chiffres du chômage, l’augmentation par décret de son propre salaire de plus de 100% n’est-elle pas une indécence ?

– sa proximité avec le monde de l’argent, ce mélange d’affairisme, de goinfrerie, de copinage, sa montre Rollex, son mariage people. Ses menaces tonitruantes.

– Son mépris pour les syndicats, ses attaques contre la presse qui en France est libre et non à plat ventre et enfin le faramineux déficit public de la France. Tout cela avait fini par plomber les ailes d’un albatros qui ne pouvait plus voler. En définitive, il ne respectait pas les Français, il se battait pour conserver sa propre assiette et rien de plus. Il n’écoute pas et c’est son principal défaut.

Dans un monde en mutation ou les solutions d’hier sont dépassées le lendemain, être homme d’état de nos jours, c’est d’abord et avant tout savoir écouter les autres pour trouver des solutions aux défis que le monde impose aux peuples et aux nations. Ceux qui n’en sont pas capables doivent faire autre chose.

Au plan international, l’aventure militaire en Libye a été désastreuse, on a chassé et tué le colonel Kadhafi, mais on a ruiné un pays en livrant son peuple pieds et points liés à des bandes armées au point ou les libyens aujourd’hui regrette la dictature criminelle d’hier.

Dans le cas de la Côte d’ivoire, nous n’avons pas vu la France aider les ivoiriens à trouver une solution à la crise électorale. Elle a plus cherché à installer un gouvernement ami favorable aux intérêts français. L’arrestation par les troupes françaises de Laurent Gbagbo, de ses amis et des membres de sa famille le 11 avril 2011, a durablement installé un climat anti-français dans l’opinion africaine.

Le Mali est aujourd’hui une victime collatérale de la guerre de Sarkozy contre Kadhafi. Tout cela ne pouvait que finir mal pour le petit président dont la petite politique a conduit la France au bord du gouffre. Il essaiera sans doute de revenir dans la vie politique de son pays, par la petite porte sans doute.

Qu’il se rappelle que le nombre de ses adversaires avait brusquement augmenté quand après le premier tour il était au coude à coude avec le candidat socialiste. Les indécis ont basculé de l’autre côté, il avait tous horreur de devoir le supporter cinq ans encore.

V – Postulat de conclusion générale

Dans un pays normal le chef de l’exécutif est celui qui prévient les dérapages, celui qui rassemble les citoyens de la république dont-il est le chef. Celui qui rassure et donne l’espoir à ses concitoyens dans les temps difficiles. Malheureusement, dans la France de Sarkozy, ce fut le président de la république lui même qui stigmatisait une partie de la société et semait les grains de la division dans le corps social de la nation. Il a oublié de construire la confiance avec les français.

Finalement, il n’y a rien eu de grand en lui. Du discours de Dakar, au discours de Grenoble, en passant par celui de Bordeaux, de Lyon, de Villepinte, de Strasbourg, de Toulon, de la concorde du Trocadéro ou celui de la mutualité. Sarkozy n’a jamais su s’élever au dessus de sa propre médiocrité.

Il n’était rien d’autre qu’un petit fanfaron de foire. Parler, pérorer, haranguer, discourir à tout bout de champs et tout le temps de préférence sur une estrade. Il croyait avec une grande sincérité que c’est la rhétorique permanente qui fait la force de l’homme d’état. Au final la France et ses partenaires ne croyaient plus en lui.

Si l’union pour la méditerranée fut un échec, ce n’est pas parce que le projet n’était pas novateur et porteur d’espérance. C’est tout simplement parce que celui qui portait le projet n’inspirait pas confiance aux autres partenaires. Finalement Nicolas Sarkozy, a vécu le drame des politiciens en fin de course dans un vieux pays essoufflé.

Ce fut son plus grand drame, car à part ce groupement d’intérêts ou club de soutien et de connivence politique qu’est l’UMP, le peuple ne le croyait plus. Sa parole ne valait pas un clou dans le pays qu’il gouvernait. Il pouvait dire ce qu’il voulait << cause toujours >> personne ne l’écoutait plus. Trop parler peut tuer, nous dit un vieux proverbe bantou. Il était inaudible. L’idée de le supporter cinq ans encore sur toutes les chaînes de télévision, a fait le reste. Ce fut le plus grand drame du sarkozysme.

Comprendre la France, comprendre l’Europe, comprendre l’Afrique, le monde arabe et les mutations de notre temps. Oui, être capable d’écouter et de comprendre les autres. C’est beaucoup important en politique. Observez tous les corps de métiers, ils ont connu des mutations.

Un professeur ne fait plus un cours sur le même sujet qu’il y a dix ans. Un athlète ne se prépare plus pour la haute compétition comme cela se faisait il y a vingt ans. Un banquier n’exerce plus son métier comme il y a dix ans. Faire la politique aujourd’hui demande de l’écoute, de l’humilité, de l’attention et une capacité de rassembler la nation sur les enjeux du moment.

Tout cela a manqué à Nicolas Sarkozy. En fin de mandat le président sortant avait réussi à diviser son propre pays en opposant les uns aux autres. Menacer, intimider, faire pression, insulter, se pavaner avec les riches et prétendre comprendre la France, voilà ce que fut le sarkozysme. Et la France n’avait que cela à offrir au monde.

Actuellement en embuscade, il attend avec impatience les divisions de l’UMP, pour se poser en rassembleur. Non pas pour le bien de son parti et de la France, mais pour paraître, comparaître et apparaître comme l’ultime recours. L’association des amis de Nicolas Sarkozy, sera un club et puis un parti politique qui servira cet objectif. Mais la coalition de ses ennemis se prépare déjà pour faire face à ce scénario.

La France à besoin d’un président qui rassure en ces temps de vaches maigres et d’incertitudes, au risque d’être une ancienne puissance qui n’a rien à dire au présent. L’Espagne et le Portugal sont devant nous pour exemples.

Dans cette voie Sarkozy n’a pas de réponse ni de projet fédérateur de la nation et du peuple français. En réfléchissant à son avenir, il doit comprendre lui-même la liquéfaction du sarkozysme, en réapprenant la modestie, l’humilité et l’écoute de l’autre en rejetant l’égotisme qui fut plus qu’insupportable pour les français et les peuples amis de la France.

C’est dans cet esprit que nous lui faisons don de cette pensée du contemporain de Confucius, le sage chinois, Lao Tseu :
<< Ce qui est mou triomphe de ce qui est dur, ce qui est faible triomphe de ce qui est fort. >>
Tel est notre regard et notre constat sur le sarkozysme, son naufrage et sa liquéfaction au soir du 6 mai 2012, devant le monde entier.

Merci de votre aimable attention.

Dr Serge-Nicolas NZI
Chercheur en Communication
Lugano (Suisse)
Tel. 0041792465353
Mail: nicolasnzi@bluewin.ch

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